R.A.P.-Échos 10

R.A.P.-Échos n°10

AVRIL 1995

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Dans ce numéro :
La nuit des herbivores
Action Métro Jussieu
Groupe de travail au ministère de l'environnement
De l'eau à notre moulin ?
La pétition : nouvelles et bilan provisoire
Ras les boîtes
R.A.P. entre dans la littérature
Chiche!
une banderole dans un cinéma



LA NUIT DES HERBIVORES

Que peuvent 21 résistants à l'agression publicitaire pour 1000, 2000 3000 "publivores", excités ou hébétés, venus faire le plein de vide huit heures d'affilée ? Rien sans doute, ou pas grand chose. Mais il fallait le faire, ces 10 et 11 mars 1995, comme les autres années.

Nous les avons revus hurler leur état de manque en trépignant aux portes du Palais des Congrès de Paris, ces jeunes (la vingtaine pour la plupart) convaincus par un habile collectionneur de films publicitaires de venir en admirer quelques uns pour la modique somme de 180F de minuit à 8h du matin (sur les enjeux et le fonctionnement de la "Nuit des Publivores", voir R.A.P. Echos n°6). Cette année, nous étions 21 le premier soir, 12 le second, à assister au spectacle qui précède l'ouverture des portes. Deux heures avant, vers 22h, ils étaient déjà là, agglutinés à ces portes vitrées comme des papillons de nuit attirés par la lumière.

Nous, les rebelles, les enfants terribles, que pouvions nous, face à ces milliers d'adeptes du conditionnement médiatique ambiant bien dressés, bien dociles , sinon les provoquer gentiment dans l'espoir d'en "réveiller" quelques uns ?

Nos accessoires : dix moutons grandeur nature en bois peint (réalisés par R.A.P. d'après une maquette de Daniel Tiran), dix cris de moutons (petites boîtes retournables), trois clochettes, quelques cordes vocales ultrabêlantes, et surtout un tract avec ce texte, conçu pour l'occasion

"Vous allez vivre de votre plein gré huit heures de gavage. Dans la salle, des initiés vont applaudir, acclamer, huer quand il faudra. Vous n'aurez qu'à les suivre. Vous serez, à votre insu, sujets d'expériences. Des psychosociologues observeront vos réactions in vivo. Pour tout cela, vous avez payé 180F. Dans lequel de ces cinq dessins vous reconnaissez vous ? " Les dessins en question représentaient: une oie, un mouton, un cobaye, un pigeon, un pantin.

Le tract fit son effet, à en juger par la mine contrite de certains, et par l'application avec laquelle d'autres le déchirèrent ostensiblement. Quant à nos moutons, tantôt paissant sur le sol du Palais des Congrès, tantôt portés sur nos épaules à travers les autres, piaffant, ils durent être appréciés, puisque l'un d'entre eux fut volé à notre insu. Est ce lui qui réapparut, cinq jours plus tard, sous la plume du dessinateur Riss, dans Charlie Hebdo du 15 mars ? Si c'est le cas, Riss, garde le en souvenir, car ta "Nuit des mange merde", dans son genre, vaut bien notre "Nuit des Herbivores"!

Une mise au point, nécessaire, vient ici compléter le compte rendu de cette action. A juste titre, des militants furent choqués lorsque certains d'entre eux se laissèrent aller à lancer des insultes aux publivores et à porter des jugements d'un simplisme équivoque. Si l'association est ouverte aux débats d'opinions, elle tient à ce qu'ils se déroulent en son sein et dans la sérénité, pour être en mesure d'y assurer la nécessaire nuance.
Y.G. et M.T.

ACTION MÉTRO JUSSIEU

Le métro, lieu par excellence de la pression publicitaire, n'avait pas encore eu l'honneur de la visite de R.A.P., à part une action très discrète en mars 1993.

Ce 1er avril 1995 à 15h, huit militants se sont retrouvés sur le quai de la station Jussieu (ligne 10). Un panneau d'à peine 1m², réalisé pour l'occasion, s'intitulait: "Une affiche de 3 x 4m coûte plus de 4000F" ; il avait pour texte: "Conception: 70 000 F. Impression : 24.000F (pour 100 exemplaires). Location d'emplacement: 3.800F (pour deux semaines). En moyenne, en 1994, chaque habitant a dépensé 1.500F (d'après l'I.R.E.P. pour 1993) pour payer la publicité. Enfants et vieillards compris."

Le scénario prévoyait d'exhiber ostensiblement ce panneau sur les quais, devant les affiches, de sorte qu'il soit vu à la fois des usagers attendant les rames et de ceux installés à l'intérieur des voitures.

Malheureusement, si beaucoup de gens ont remarqué qu'il se passait quelque chose sur ce quai, peu ont réussi à lire plus que le titre du panneau, les autres caractères étant trop petits.

Cela n'enlève rien au bien fondé de cette action dans son principe les citoyens doivent être informés d'aspects non dits de l'activité publicitaire ; et les usagers du métro plus encore que d'autres, car public assidu par nécessité des affiches de 3 x 4m.


GROUPE DE TRAVAIL AU MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT


Certains des faits suivants remontent au dernier trimestre 1994. Nous aurions pu les faire partager à nos lecteurs dès le numéro de janvier 1995, mais ces faits n'avaient alors aucun caractère officiel. Nous devions donc taire cette avancée pourtant remarquable dans l'action menée par R.A.P. Qu'un ministère, quelles que soient ses motivations, sollicite une association en vue d'une collaboration, n'est ce pas la meilleure reconnaissance de son travail et de la détermination de ses militants ?

Chronologie du groupe de travail

24 novembre 1994: Un fonctionnaire du ministère de l'Environnement (sous direction des produits et déchets), Francis Chalot, téléphone à R.A.P. pour l'inviter à "faire connaissance" et "collaborer" sur le problème des boîtes aux lettres.

30 novembre : Trois représentants de R.A.P. (Axel Bellengier, Yvan Gradis et Laurent Leguyader) rencontrent Francis Chalot au ministère. Sur son bureau, bien en vue, le n°7 de R.A.P Échos (où la manifestation de juin 94 intitulée "Révolte des boîtes aux lettres" est relatée): il lui a été remis par le député Michel Hannoun, auteur de la proposition de loi que nous avons reproduite à plusieurs reprises. La conversation dure une heure et demie. Le contact avec ce fonctionnaire (militant lui aussi) se révèle très bon.

Après avoir écouté, observé, ses trois interlocuteurs, il leur fait une avant-proposition informelle : un groupe de travail doit être réuni par le ministre, une place est réservée à R.A.P. On se sépare, satisfaits. L'association continuera, en attendant, de recueillir le soutien populaire par la voie d'une pétition (alors en préparation).

2 décembre :Y.Gradis transmet l'avant-proposition au conseil de R.A.P., qui lui répondra par un avis favorable.

21 février 1995: Le ministre Michel Bamier invite R.A.P. officiellement.

"Je souhaite, avant que d'envisager de légiférer, exploiter toutes les possibilités d'une démarche consensuelle et contractuelle (...) J'ai demandé à M. Hannoun d'animer un groupe de travail (...) Je vous propose d'y participer (...) Le groupe s'attacherait à remettre une proposition début juin1995 (...)".

7 mars : Le groupe de travail, installé par le ministre, est dirigé par ledéputé. R.A.P. est représentée par Y.Gradis et L. Leguyader (auteur d'un projet conciliateur relatif à la question des boîtes aux lettres, voir R.A.P.Echos n°9).

De cette première séance se dégagent les objectifs suivants : on est d'accord pour rechercher la concertation et le consensus plutôt qu'une loi ; il faut concilier la liberté individuelle et la liberté d'information, y compris commerciale ; le prospectus en tant qu'activité n'est pas remis en cause, mais une "déontologie" doit être mise en oeuvre ;les dispositions qui seront envisagées seront d'abord expérimentées.

Par ailleurs, le ministre publie le communiqué de presse qui suit

Michel BARNIER (...) a installé (...) un groupe de travail chargé de réfléchir au problème de la distribution à domicile de prospectus publicitaires et autres publications gratuites qui contribuent à la croissance du flux des déchets.

Présidé par Michel HANNOUN, député de l'Isère (...), ce groupe de travail rassemble des représentants :

des entreprises concernées : papeteries, imprimeries, éditeurs, grande distribution, diffuseurs( ...) ;

un représentant de la Poste;

des élus locaux, au travers de l'Association des Maires de France;

des associations de consommateurs et de protection de l'environnement (Union Fédérale des Consommateurs, France Nature Environnement, et Résistance à l'Agression Publicitaire) ;

de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie.

Ce groupe (...) cherchera à élaborer, avec les principaux acteurs concernés, une charte portant sur les engagements suivants

le respect de la non acceptation du dépôt de prospectus dans les boîtes aux lettres (...) ;

un soutien au développement (...) du recyclage des vieux papiers (...).

Pour Michel Bamier : "Le ministère de l'Environnement est aussi le ministère de la vie quotidienne. Il doit apporter des solutions concrètes aux problèmes rencontrés par nos concitoyens dans leur vie de tous les jours ; c'est à ce titre que j'accueillerai dans ces locaux le groupe de travail "Prospectus" dont j'ai souhaité la constitution."

Remarque : France Télécom fait aussi partie du groupe de travail ; en revanche, l'Association des Maires de France n'était pas représentée.


DE L'EAU À NOTRE MOULIN ?

Un sondage qui nous fait plaisir..., commandé à Démoscopie (Paris) par l'Union Française du Marketing Direct (Paris), effectué en février 1995 sur un échantillon de 929 personnes. Objet: l'attitude des individus face aux prospectus commerciaux non adressés qu'ils reçoivent dans leur boîte aux lettres.

En résumé, le total des individus qui jettent tout ou partie des prospectus sans les lire varie de 72 à 91 % suivant les cas.



LA PÉTITION : NOUVELLES ET BILAN PROVISOIRE

Depuis le début de l'année, 1640 personnes au moins ont signé pour dire "Pas de publicité dans ma boite aux lettres". Ce n'est pas assez. Souhaitons que le ralliement récent des Amis de la Terre et d'Ecolo J aux dix associations qui soutiennent déjà la pétition amplifie le mouvement.

Il est trop tôt pour dresser un bilan des réactions suscitées par cette pétition. Un argument cependant nous est régulièrement exprimé pour s'y opposer: la distribution des prospectus crée des emplois. Certes. Cela est vrai aussi du trafic de drogue, des crottes de chiens dans les rues, du vandalisme contre les vitrines... et de la peine de mort ! Exagération mise à part, il y a là un point de psychologie sociale ou de politique qu'il faudra bien analyser en profondeur.


RAS LES BOÎTES !

Après le succès de la "Révolte des boîtes aux lettres" de juin 1994 (voir R.A.P. Échos n°7), R.A.P. avait envisagé de mener une nouvelle action sur le même thème et dans le même style, théâtral et protestataire. Ce serait aussi l'occasion de "fêter" la pétition née entre temps. Par ailleurs, le ministère de l'Environnement avait annoncé, pour les 25 et 26 mars 1995, l'opération "Nettoyage de printemps" en ces termes: "Dans un souci d'éducation et de sensibilisation, il s'agit de mobiliser, sur l'ensemble du territoire, le plus grand nombre d'acteurs locaux citoyens, associations, collectivités publiques, entreprises pour nettoyer ou réhabiliter des sites (dépôts sauvages, berges de rivières, bords de plage, rives d'étangs, bois et forêts, bords de route, espaces urbains)."

Il est remarquable que le thème des boîtes aux lettres figure à la place d'honneur, en tête de liste. Les "dépôts sauvages", cela inclut n'en doutons pas la distribution de prospectus à domicile. Le ministre, lors de l'installation du groupe de travail sur les prospectus le 7 mars, n'a t il pas déclaré lui même que ce sujet trouvait toute sa place dans l'opération "Nettoyage de printemps" ? R.A.P. ne pouvait que joindre ses efforts à cette opération.

Le 26 mars 1995 donc, vers 11h, 21 membres ou sympathisants de l'association se retrouvent au milieu du marché du boulevard Richard Lenoir (Paris), à quelques pas de la place de la Bastille. Un espace agrémenté de petites fontaines au niveau du sol se prête parfaitement à leur mise en scène. A 11h30, après s'être réparti les rôles, ils alignent, à même le sol, une quinzaine de petites poubelles, et autant de boîtes aux lettres en carton disant à quel point elles en ont... ras les boîtes : "Publicité : la nausée... J'ai mangé trop de prospectus... Je vomis la publicité... Je digère le courrier, pas la publicité... Publicité : viol du courrier", etc. A chaque extrémité de la scène se trouve un panneau qui renseigne le badaud sur le but de l'opération. L'un exhibe la pétition agrandie, l'autre rassemble les coupures de presse afférentes à la campagne.

Deux militants s'installent en arrière des boîtes aux lettres, où ils déploient une banderole de 3m : "Non à la pollution publicitaire". Des pétitionnaires abordent les passants. D'autres participants, saisissant chacun une des boîtes posées sur le sol, jouent les boîtes aux lettres. Une militante de R.A.P., ayant revêtu ce qui ressemble fort à un uniforme de la Poste logo compris , joue le facteur: chargée de deux sacs, un pour le courrier, un pour la publicité, elle commence ses allées et venues devant les boîtes, fourrant tout ce qu'elle peut dans les fentes. Un colporteur lui emboite le pas, tirant, lui, ses prospectus d'un charriot à emplettes plein à ras bords. De temps à autre, le personnage de la "pluie", symbolisée par un arrosoir dûment étiqueté, vient mouiller les prospectus que le facteur et le colporteur ont laissé dépasser des fentes (ce pour rappeler les dégâts causés au courrier lorsque l'eau de pluie est introduite dans une boîte par des prospectus mal insérés). Enfin, les poubelles sont là pour recueillir le trop plein régurgité parles boîtes.

L'opération, qui s'est déroulée par un temps printanier, prend fin vers 13h30, alors que le marché se vide de ses clients. La banderole est roulée, les accessoires sont rangés, les prospectus ramassés jusqu'au dernier, et les signatures comptées : 154.

Y.G. et M.T.

R.A.P. ENTRE DANS LA LITTÉRATURE !

Il vient d'arriver à un militant de R.A.P. (Alain Narezo) une bien savoureuse aventure. Il lit tranquillement le dernier roman de l'un de ses écrivains favoris (Dominique Noguez) quand, au détour d'une page, il se trouve nez à nez avec… lui même en personnage de roman ! C'est bien une scène dont il a réellement été l'acteur qui est relatée par le menu sous ses yeux, une des actions rituelles de R.A.P. : une action cinéma. Il prévient aussitôt le président de l'association, lequel répercute à son tour la nouvelle : R.A.P., à peine âgée de trois ans, vient d'entrer dans la littérature !

Nous reproduisons ci dessous l'extrait.

" A propos de cinéma, il était arrivé pendant l'hiver aux Martagons une chose assez cocasse. Un jour qu'ils étaient venus voir ensemble un film de Doillon sur les Champs Elysées et qu'ils s'apprêtaient, résignés, à subir l'insipide, l'interminable pensum des publicités, ils eurent la surprise d'assister à un coup un peu dans leur genre (un peu seulement). A un signal donné, une dizaine de spectateurs éparpillés dans la salle se mirent à rire bruyamment. Puis recommencèrent trente secondes plus tard. Et ainsi de suite, toutes les demi minutes. Puis un jeune homme se leva dans le noir et déclara que ses camarades et lui riaient de joie par amour de la publicité. Ils trouvaient cependant qu'il n'y en avait pas assez. Ils allaient faire circuler une pétition pour en réclamer davantage. Ils ne firent rien circuler car des spectateurs insultèrent et menacèrent l'orateur : il les empêchait de voir les publicités pour le whisky et les fast foods. Mais d'autres approuvèrent l'obstruction. Ce fut bientôt un charivari complet. Le calme revint avec la lumière. Les manifestants étaient en fait des membres du R.A.P. (Résistance à l'agression publicitaire).
Pas drôle, leur truc, dit Fleur, mais ils ont choisi la bonne cible.

Je veux! dit Baba. Il n'en est point de meilleure. La pub, c'est le ventre de la Bête, le chancre central. On presse dessus, tout vient: des kilomètres de pus.

Ouais, dit julien. Alors pourquoi n'avons nous pas choisi cette cible ?

C'est eux, reprit Baba sans lui répondre, ces débiles encocaïnés, angloglottes, qui ont tout déglingué à travers le monde: la langue, l'originalité des pays, des régions, des gens. Ils ont tout laminé. Tout réduit à leurs pauvres hiéroglyphes cupides.

A bas les impavides turpitudes des cupides, murmura Fortunat.

Et, avec Julien, Baba lança quelques idées de farces : suggérer à de grandes marques de devenir vraiment populaires en offrant des minutes de silence à la radio ou de blanc à la télé, proposer à des syndicats de copropriétaires de louer des couloirs d'immeubles ou des cages d'escaliers comme emplacements publicitaires, etc.

Ce sont à peine des farces, dit Fleur. Si ça se trouve, ils y ont eux mêmes déjà pensé!

La pub n'est qu'un symptôme, grogna Vlad. À quoi sert il de tirer sur des symptômes ? Par contre, si cela avait encore un sens, si on avait encore le temps...

Eh bien? dit Fleur.

Les pieuvres, reprit Vlad, si je me souviens bien des romans de Jules Vernes ou du père Hugo, c'est à l'oeil que ça se crève, pas en leur chatouillant le bout des tentacules. Ces bonsjeunes gens peuvent continuer à venir rire dans les salles de cinéma pendant les pubs: ils n'en payent pas moins leur place et font marcher le système. Et vous pouvez vendre du vide à des sots: ils y trouveront quand même leur compte. A la rigueur, un bon boycott, plus personne dans les salles pendant un, deux, dix jours..: Mais ça...

Alors, quoi faire ? demanda Fleur.

Il ne répondit pas mais semblait avoir une idée."

(Les Martagons, coll. l'Infini, Paris, Gallimard, février 1995, pages 228 230).

CHICHE !

(Rubrique de l'action individuelle)
Nom: Gradis. Prénom: Yvan.
Domicile: Hauts de Seine.
Lieu: Train Paris Grenoble. Date: 31 janvier 1995.

YG se trouve dans le train Paris Lyon, tout à l'avant de la voiture n°15, à la place n°12. Après le départ du train, vers 15h30, il tend à son voisin un porte bloc muni d'un stylo, sur lequel il a fixé quelques exemplaires vierges d'une pétition :
"Pas de publicité dans ma boîte aux lettres" ainsi qu'une demi feuille écrite de sa main en majuscules : 'Merci de faire passer cette pétition à votre voisin après l'avoir signée si vous le désirez. Pour les renseignements et critiques, adressez vous à la place n°12."

Son voisin l'accueille aimablement, lit le texte entier de la pétition et signe. YG remet ensuite le porte bloc à sa voisine de devant, qui ne signe pas mais respec la consigne. La pétition passe de main en main. Des passagers s'en débarrassent très vite, d'autres la lisent attentivement. Certaines places étant vides, des personnes se lèvent pour passer le relais: occasion, pour YG, d'apercevoir quelques sourires, quelques rougissements, quelques marques d'agacement aussi. La pétition lui revient au bout d'une petite demi heure. Bilan de cette pétition ferroviaire: 5 signatures, sur un total de 30 passagers, soit 16%.

Vers 17h30, YG se trouve dans le train Lyon Grenoble, au milieu de la voiture n°30, à la place n°54. Même scénario que précédemment, toujours avec des pétitions vierges. Bilan: 13 signatures, sur un total de 34 passagers, soit 39%.

UNE BANDEROLE DANS UN CINÉMA

Les actions cinéma de R.A.P. consistent à s'interposer entre les spectateurs et les images publicitaires projetées avant le long métrage, afin de proposer une alternative aux personnes qui ne sont pas intéressées parla publicité. Treize janvier, 27 février et 31 mars 1995 :onzième, douzième et treizième actions
cinéma à Paris.

Le 13 janvier vers 20h, seize membres de R.A.P. entrent avec les autres spectateurs dans la grande salle de l'U.G.C. Montparnasse.

Au moment de la publicité, ils se lèvent, tournent le dos à l'écran et restent muets, face au public, selon le scénario habituel. Hélas, comme l'effet spectaculaire est amoindri par une mauvaise répartition des militants, le mobile de l'action semble échapper aux spectateurs. A l'entr'acte, le président de R.A.P. juge donc utile d'intervenir pour donner des éclaircissements. La salle étant très grande, il ne peut le faire qu'en donnant de la voix malheureusement, cela est perçu comme agressif.

Le 27 février vers 20h, ce sont de nouveau seize militants de R.A.P. qui entrent dans le même cinéma, mais cette fois dans une petite salle, où ne se trouvent qu'une quarantaine de spectateurs. Pour la première fois depuis longtemps, la consigne n'est plus la station muette, mais le mutisme relatif : on acceptera le dialogue avec les spectateurs qui poseront des questions.

Quand la publicité commence, les militants se lèvent, et la salle se transforme bientôt en une espèce de forum : confus, certes, mais toujours plus vivant que les clichés projetés en même temps sur l'écran. Le marchand de glaces y va même de sa réplique. Hélas, le projectionniste, lui, ne s'est pas interrompu pour descendre dans l'arène. Dommage! Un jour peut être... En revanche, une poignée de spectateurs se sont à leur tour levés et joints aux militants, qui se réjouissent de ce résultat.

Le 31 mars vers 20h, neuf militants se retrouvent aux abords du Gaumont-Parnasse, un scénario inédit en poche. Dans la queue, à l'intérieur du cinéma, ils font discrètement signer la pétition de R.A.P.contre la publicité au cinéma : une vingtaine de spectateurs sont ainsi déjà interpellés sur la question.

Une fois la séance en train, dès la première image publicitaire, sept militants (qui occupent à eux seuls un des premiers rangs) se lèvent et forment un barrage humain, plus spectaculaire et symbolique que véritablement obstruant. Les deux autres se rendent au pied de l'écran et déploient une banderole de 3m sur laquelle on peut lire

"Non à la pollution publicitaire". La salle applaudit assez généreusement. Tandis que deux responsables du cinéma, alertés, hésitent dans l'attitude à adopter pour finalement ne rien faire, un dialogue s'instaure entre des spectateurs et les manifestants. Une jeune femme se lève avec son ami, pour protester elle aussi contre la publicité: réalisatrice de courts métrages, elle en est victime. Un journaliste s'approche des manifestants pour poser des questions sur l'association. Au bout de neuf minutes, la publicité prend fin. Les sept militants se rasseoient, et les deux porte banderole, après avoir salué sous les applaudissements du public, regagnent leur place.

Vive satisfaction des militants devant la réussite de l'opération.

Prochaine action cinéma: 12 mai 1995.

Suite au dernier numéro de R.A.P. Échos (janvier 1995), un jeune couple de Nancy nous a écritpournous demander comment il pourrait organiser de telles actions dans sa région. Cette réaction, très encourageante, nous donne à réfléchir quant à la marche à suivre : ces actions cinéma, sous leur aspect parfois débridé, sont de caractère délibérément non violent. Elles se déroulent dans un état d'esprit qui, sans négliger le nécessaire défoulement, doit leur assurer la longévité. Toute action cinéma entreprisepar des adhérents ou sympathisants de R.A.P., dans la mesure où elle respecte ces principes, est assurée de recevoir notre assistance.

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