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RAP-À-TOILE N° 22 - ( NOVEMBRE 2001 )

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Au sommaire de ce vingt-deuxième envoi

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0 - Introduction
1 - 24 NOVEMBRE : JOURNÉE SANS ACHAT.
2 - SPECTACLE.
3 - CHRISTIANISME ET PUBLICITÉ.
4 - QUAND LA PUBLICITÉ DÉVALORISE LA "GRATUITÉ"
5 - PUBLICITÉ PHARMACEUTIQUE : QUESTION ÉCRITE
6 - MÉFAITS PUBLICITAIRES.


R.A.P. a pour vocation de faire connaître les diverses approches de la lutte antipublicitaire sans pour autant adhérer à toutes les opinions et idées d'actions formulées, dont elle laisse la responsabilité à leurs auteurs.

Introduction :

Bonjour à tous,

Le mois de novembre est marqué par une des plus grande dates de la lutte contre la publicité et la surconsommation. R.A.P. se fait évidemment l'écho de ce rendez-vous du 24 novembre qu'est la journée sans achat, notamment par ce numéro de R.A.P.-à-Toile. Nous avons donc consacré une grande partie de ces colonnes à cette action d'envergure. Après l'envoi, avec R.A.P.-Échos, du texte du spectacle écrit par Casseurs de pub, nous avons reçu des réactions de lecteurs qui ont vu dans ces écrits une vulgaire remise en cause de la religion catholique. Nos intentions ayant apparemment été mal interprétées, nous avons cru bon d'expliquer que ce pastiche de messe inventé par des animateurs de Casseurs de pub n'est en aucune façon antichrétien. Nous avons reproduit le texte en question (non pas pour relancer la polémique mais pour le porter à la connaissance de ceux qui ne sont pas abonnés à R.A.P.-Échos) suivi d'une mise au point de François Brune intitulée « Christianisme et publicité ».
Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture et une bonne journée sans achat.


Nelly.


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1) 24 NOVEMBRE : JOURNÉE SANS ACHAT.

Comme chaque année depuis trois ans, R.A.P. (Résistance à l'agression publicitaire) et Casseurs de pub relaient La journée sans achat en France le 24 novembre 2001.
Lancée par Adbusters, association canadienne qui édite la revue du même nom, « La journée sans achat » nous invite à arrêter de consommer pendant 24 heures.

24 heures pour dénoncer le pillage de notre planète :
20% de la population du globe consomme 80% des ressources planétaires.

24 heures pour réfléchir aux conséquences de la publicité :
R.A.P. et Casseurs de pub organisent un colloque à 14 h
Grande salle de l'AGECA, 177, rue de charonne, 75011 Paris (Métro : Alexandre Dumas) sur le thème
LA PUBLICITÉ : NOUVEAU VISAGE DU TOTALITARISME ?
Avec :
- Florence Amalou, journaliste au Monde et auteur d'un ouvrage critique sur la publicité : Le livre Noir de la pub
- Frédéric Beigbeder, journaliste, écrivain, auteur de 99 Francs
- Gérard Biard*, journaliste à Charlie Hebdo
- François Brune, universitaire, collaborateur du Monde Diplomatique, auteur de (entre autre) Le bonheur conforme, essai sur la normalisation publicitaire.
- Pierre-Jean Delahousse, président de l'association Paysages de France
- Dominique Quessada*, publicitaire, philosophe, auteur de La société de consommation de soi.
* sous réserve

24 heures pour organiser des actions humoristiques :
- À Paris : spectacle et distribution de bons de non-achat à 17 h devant le 77, avenue Philippe Auguste, 75011 Paris (Métro : Alexandre Dumas ou Charonne)
- À Vichy : action R.A.P.-Auvergne. Distribution de bons de non-achats à 14 h 30 allée des Ailes, devant le supermarché du Pont Barrage. Renseignements : 04 70 58 08 62
- À Clermont-Ferrand : une distribution de bons de non-achat est envisagée. Renseignements : Cyril.Ronfort at ifrance.com
- En Belgique : à l'occasion de cette journée, le Réseau Éco consommation a mis en place une campagne d'information "Résister à la publicité: comment ? Pourquoi ?"sur son site http://www.ecoconso.org
- L'association Chiche nous fait aussi savoir qu'elle organisera des actions en France :
Dijon : JEUDI à 17h 30 devant les galeries lafayettes pour un tractage et animations théatrales (renseignements : Alexis 06 13 06 90 04 chiche-dijon at netcourrier.com)
Bordeaux : samedi à 14 h devant les galeries lafayettes pour un tractage (renseignements : Aude 05 56 94 67 20)
Toulouse : samedi à partir de 14h30, rue St Rome (renseignements : Aurélien 06-20-31-31-43 chichetoulouse at bigfoot.com)
Paris : samedi 11h fontaine des innocents, près des Halles (renseignements : Thierry : 06 87 35 60 19)

Ce samedi 24 novembre 2001, c'est aussi la collecte nationale des Banques alimentaires.
Alors, n'achetons rien, mais donnons des denrées non périssables aux bénévoles qui participent à la collecte.
Site de la Banque alimentaire : http://www.banquealimentaire.org


 

2) SPECTACLE.

Vous ne serez pas à Paris le samedi 24 novembre ? Ce n'est pas grave. Voici le texte du
spectacle écrit par Casseurs de pub. Prenez votre ami le plus cabot. Revêtez-le d'une robe blanche. En route pour le supermarché le plus proche, et vous voilà parés pour une action festive et comique pour la Journée sans achat. :


Prêtre : P - Spectateurs : S

1. Entrée

Le prêtre accueille les fidèles en souriant.

P : Mes très chers frères, mes très chères soeurs, le Grand Capital nous a réunis aujourd'hui pour louer son nom. Je suis heureux de nous voir toujours plus nombreux au temple de la consommation et de voir tant de pays se rallier à notre cause. Chaque jour, plus de fidèles viennent admirer la gloire du Grand Capital pour le bonheur de tous et la
croissance éternelle. Je suis heureux de voir des enfants parmi nous...
Venez plus près, les enfants...
Je suis heureux de voir que la foi les touche de plus en plus jeunes, qu'ils comprennent de plus en plus tôt que le Grand Capital et la croissance sont les buts ultimes de nos vies.
P : Levons les bras bien haut, mes frères, afin d'acclamer la gloire du Grand Capital.

Le prêtre lève les bras très hauts et les spectateurs l'imitent. Il prend un air grave.

P : Gloire à toi, ô Grand Capital.
S : Gloire à toi, ô Grand Capital.
P : Nous te louons, nous te prions, nous t'adorons.
S : Nous te louons, nous te prions, nous t'adorons.
P : Donne-nous aujourd'hui la croissance éternelle.
S : Donne-nous aujourd'hui la croissance éternelle.
P+S : Amen
P : Au nom de la sainte trilogie : croissance, consommation et progrès, nous t'implorons.
S : Au nom de la sainte trilogie : croissance, consommation et progrès, nous t'implorons.
P : Donne-nous toutes les richesses du monde.
S : Donne-nous toutes les richesses du monde.
P : Nous te louons, nous te prions, nous t'adorons.
S : Nous te louons, nous te prions, nous t'adorons.
P : Prends pitié de nous, Grand Capital.
S : Prends pitié de nous, Grand Capital.
P+S : Amen

2. Confession des péchés

Temps de pause. Le prêtre regarde par terre, puis lève la tête doucement et regarde tristement le public.

P : Je confesse au Grand Capital tout puissant, à saint Jean-Marie Messier, à saint Bernard Arnaud, à tous les actionnaires, à saint Louis Schweitzer et à saint Antoine Sellières, à vous, mes frères, que j'ai beaucoup péché, par pensée subversive, par parole démoralisatrice et par action contestataire.

(Le prêtre se frappe trois fois la poitrine.)

C'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma très grande faute.
C'est pourquoi je supplie la bienheureuse croissance toujours vierge, saint Laurent Fabius et saint Alain Minc, les apôtres Jean-Marc Sylvestre et Jean-Pierre Gaillard, tous les saints et vous, mes frères, de prier pour moi le Grand Capital, notre Dieu.
Que le Grand Capital tout puissant vous fasse miséricorde, qu'il vous pardonne vos péchés et vous conduise à la croissance éternelle.
S : Amen

Différents témoins viennent confesser leurs péchés au micro.

2.1. Premier témoin

Oui, Grand Capital, j'ai péché. En ces temps de guerre, je n'ai pas fait preuve de patriotisme économique. Samedi dernier, j'ai préféré aller me balader dans les champs plutôt que d'aller te louer au grand temple de la consommation. Pardonne-moi, saint Michel-Edouard Leclerc, de ne pas avoir participé à la croissance économique, et ainsi, de mener le pays à la récession.

P : Que le Capital tout puissant me fasse miséricorde, qu'il me pardonne mes péchés et qu'il me conduise à la croissance éternelle.
P : Tous ensemble, mes frères.
S+ P : Que le Grand Capital tout puissant me fasse miséricorde, qu'il me pardonne mes péchés et qu'il me conduise à la croissance éternelle.

2.2. Deuxième témoin

Oui, Grand Capital, j'ai péché. Je préfère rouler à vélo plutôt que d'utiliser l'outil de liberté et de bonheur qu'est l'automobile. Pardonne-moi, saint Jacques Calvet, d'avoir mis en danger le fleuron de l'industrie française, les usines d'automobiles et tous mes frères qui y travaillent.

P : Tous ensemble, mes frères.
S+ P : Que le Grand Capital tout puissant me fasse miséricorde, qu'il me pardonne mes péchés et qu'il me conduise à la croissance éternelle.

2.3. Troisième témoin

Oui, Grand Capital, j'ai péché. Je n'ai pas regardé la télévision, mardi soir. Mon esprit s'est ainsi éloigné du droit chemin pour se laisser aller à des pensées impies et subversives.
Pardonne-moi, saint Hervé Bourges, d'avoir commis le crime de pensée et d'avoir fragilisé l'unité de notre communauté de consommation.

S+ P : Que le Grand Capital tout puissant me fasse miséricorde, qu'il me pardonne mes péchés et qu'il me conduise à la croissance éternelle.

2.4. Quatrième témoin

Oui, Grand Capital, j'ai péché. Je suis allé en vacances dans les Cévennes en train. J'ai refusé la superpromotion de Travel On-Line qui m'offrait la possibilité de partir pour 1500 F dans un palace au Bangladesh.
Pardonne-moi, saint Gilbert Trigano, d'avoir mis en danger le trafic aérien et les clubs de vacances de touristes occidentaux qui permettent aux populations affamées du tiers-monde de sortir du besoin.

S+ P : Que le Grand Capital tout puissant me fasse miséricorde, qu'il me pardonne mes péchés et qu'il me conduise à la croissance éternelle.

3. Sermon

Mes bien chers frères, mes bien chères soeurs, nous voici réunis en ce troisième dimanche après l'ouverture du deuxième marché du Palais Brognard. Aujourd'hui, mon coeur est en peine. J'apprends que des hérétiques, parmi notre communauté, diffusent des journaux subversifs et blasphématoires. Certains d'entre vous, parmi cette assemblée même, en viendraient à contester le caractère indépassable de le pensée lumineuse du Grand Capital. Qu'ils se repentent !
Veulent-ils rejoindre dans l'obscurantisme ce faux prophète impie dénommé Jésus-Christ, qui a subverti les foules pendant tant d'années ? Cet hérétique prêchait la pauvreté, la simplicité et refusait la compétition à outrance. Rappelons comment il a chassé les marchands du temple qui servait le Grand Capital notre seigneur. Est-ce ainsi que nous participerons à la croissance et à la consommation éternelle ? Comment le marché peut-il supporter de tels actes qui mettent en cause son caractère sacré ? Parjure, vade retro Satana Jésus-Christ, Dieu des pauvres, vil hippie.
Non, mes frères, ne nous laissons pas aller à ces pensées qui sont une insulte à notre Dieu Capital. Ramenons ces brebis égarées dans le droit chemin du Progrès. Le Grand Capital pardonne à ceux qui reconnaissent leurs fautes. J'invite ceux d'entre vous qui doutent à communier dans le supermarché le plus proche ou, à défaut, chez leur concessionnaire
automobile. Que tous ceux d'entre vous qui voient un de leurs frères ou l'une de leurs soeurs sous l'emprise du démon subversif le dénoncent immédiatement. N'oubliez pas que c'est votre devoir d'aider les plus faibles à rester dans la lumière du Capital et dans l'unité de la sainte consommation.
Des esprits contestataires mettent en doute la pensée du Grand Capital. Ainsi, certains ne croient plus à la sainte croissance. D'après eux, une croissance économique infinie serait impossible sur une planète où les ressources sont limitées. Hérésie ! Pardonne-leur, Seigneur, ils ne savent pas ce qu'ils disent. D'autres osent insinuer qu'une consommation
frénétique n'apporterait pas le bonheur, que la consommation ne serait pas une fin en soi. Mais, pire encore : quelques-uns parmi vous douteraient de la capacité de la science à résoudre tous nos problèmes. Veulent-ils finir dans les flammes de la pauvreté ? Argh ! Grand Capital, aide-nous à ramener tes enfants perdus sur le chemin de la vérité incontestable du marché. Seigneur, délivre-les du mal.
Autres paroles hérétiques : des esprits forts soutiendraient que le « nouveau » ne serait pas une valeur en soi, mais un fait temporel ! Quelle ineptie ! Mes enfants, tout ce qui est nouveau est bon. « C'est nouveau, c'est bien ! » dit le Grand Capital. Répétez avec moi : « C'est nouveau, c'est bien ! » Innovation, nouveauté, c'est jeune, fresh, yeah ! Par contre, « c'est vieux, c'est mauvais ! » à bas le vieux, c'est ringard, dépassé. Qu'est-ce qui est jeune ? Qu'est-ce qui est vieux ? Jouez avec moi.
La liberté d'entreprendre, la liberté des marchés ? (Le prêtre interroge la foule à chaque question.)
Oui, c'est nouveau ! C'est formidable !
Le contrôle démocratique de l'économie par les citoyens '
Ha, beurk. C'est mauvais. C'est ringard ! C'est vieux !
Le téléphone portable, la voiture, la télé, les OGM, la pub, la vitesse, la compétition '
It's new ! It's good ! Ha, quelle extase !
La bicyclette, le potager, le théâtre, la lecture, la politique, la lenteur, la convivialité '
Bahhh ! It's old, it's bad. Beurk ! Beurk !
Mes fils, mes filles, mes chers consommateurs, ne vous éloignez pas de votre poste de télévision. Vous le regardez en moyenne 3 heures et demie par jour. Ces derniers doutes parmi vous prouvent que ce n'est pas encore assez. La consommation, la croissance, c'est le bonheur. Ne réfléchissez pas, vous risqueriez de mettre la sécurité et la joie de vivre de tous en danger. Alors, je vous en conjure, mes frères, unissons-nous dans la foi sacrée en la science. Bénissons chaque jour le Grand Capital.

Amen

4. Chanson

Refrain :
Gloire à toi, Grand Capital !
Gloire à toi, Grand Capital !
Sois le guide de no-os vies,
Éclaire-nous de te-es lumières.
(Bis)

Couplet 1 :
Croissance, tu es mon bonheur,
Croissance, ô oui je t'implore.
Pour toujours te sa-atisfaire,
Nous irons jusqu'à piller la terre.
(Bis)

Refrain

Couplet 2 :
Consommation, tu e-es ma joie,
Consommation, je ne peux vivre sans toi.
Pour assouvir tous mes désirs,
J'irai jusqu'à tout détruire.
(Bis)

Refrain

Couplet 3 :
La science e-est mon avenir,
Sans elle, je n'ai pas de devenir.
Ma croyance en elle est sans limite,
Je ferai tout péter très vite.
(Bis)

Refrain (Bis)

5. Prière universelle.

P : Mes très chers frères, prions ensemble.

Le prêtre lève les bras.

P+S : Je crois en un seul but, tout puissant, l'avènement du capital, créateur de tous les biens matériels et immatériels.
En la croissance éternelle et infinie, au détriment de la vie terrestre et de toutes les ressources qui s'y trouvent.
En un seul homme, saint Jean-Marie Messier, par qui tout a été fait : qui, à nous les consommateurs et pour notre salut, nous a donné les biens de la terre.
En la résolution de tous nos maux par le progrès scientifique, et à l'avènement mondial du modèle occidental.
En la très sainte consommation qui apporte le bonheur des hommes et la richesse de nos vies.
Je crois en l'avènement du Temple, seul et unique lieu de consommation, et de tous les messages publicitaires donnés par lui aux hommes, pour nous permettre d'y répandre notre joie à travers la consommation éternelle.

6. Fraction de l'euro

Long silence. Le prêtre est assis et regarde par terre. Il se lève lentement et s'avance vers l'hôtel.

P : Nous te supplions donc, Grand Capital, de recevoir cette offrande. Daigne rendre cette action pleinement fructueuse, afin qu'elle devienne pour nous le signe de la Croissance des indices boursiers. Ainsi, ton fils, saint Jean-Marie Messier prit l'euro, le bénit, le rompit et le donna à ses disciples, en disant : Prenez et mangez-en tous, car ceci est le corps de la terre que nous allons piller pour vous.

Le prêtre élève l'hostie pour permettre aux fidèles de l'adorer.

P : De même, après le conseil d'administration, prenant aussi ce précieux calice entre ses mains riches et vénérables, il le bénit et le donna à ses disciples en disant : Prenez et buvez-en tous, car ceci est le calice de la sueur des hommes, la sueur de ceux qui travaillent pour nous.

Le prêtre élève le calice pour permettre aux fidèles de l'adorer.

P : Grand Capital, à travers ces offrandes, nous t'offrons nos vies. Nous sacrifions 350 000 humains tous les ans sur l'autel de l'automobile afin de satisfaire à la croissance et au progrès. Bientôt, ce sera l'humanité tout entière qui se sacrifiera pour toi. Quand les hommes auront détruit la planète, ils te rejoindront unis dans le royaume du premier marché. Merci, ô Grand Capital. Saint George Bush l'avait prédit dans son royaume : ' L'environnement ne doit pas remettre en cause l'économie. '
P : Mes très chers frères, mes très chères soeurs, prions ensemble.
S + P : Notre Grand Capital, qui es aux cieux, que ton idéologie soit incontestée, que ton règne total s'accomplisse, que la volonté du marché soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd'hui la croissance éternelle et pardonne notre sobriété comme nous pardonnons à ceux qui n'ont pas dépensé. Et ne nous laisse pas succomber à la tentation de nous contenter de ce dont nous avons besoin.
P : Mais délivre-nous du mal.
S + P : Amen
P : Délivre-nous, de grâce, Grand Capital, de tous les maux passés, présents et à venir ; et par l'intercession de saint Jean-Pierre Gaillard, du bienheureux et glorieux CAC 40, Dow Jones et indice Nikkei. Daigne nous accorder l'abrutissement par une consommation sans fin et effrénée, avec la bénédiction de saint France-Inter, saint TF1 et de tous les médias réunis ; afin que, par le secours de ta miséricorde, nous soyons toujours affranchis du désir d'être des humains libres et conscients, et en sûreté au milieu de tous les fléaux qui nous menacent : prise de conscience, liberté et volonté de vivre pleinement. Par le même saint Jean-Marie Messier, ton Fils, qui vit et règne, Grand Capital, avec toi, dans l'unité de la croissance, de la consommation et du progrès.
S : Amen.
P : Que l'abrutissement par la consommation soit toujours avec vous.
S : Et avec votre absence d'esprit.
P + S : Amen.
P : Euro du Capital, qui rachètes les péchés du monde, aie pitié de nous.
P + S : Euro du Capital, qui rachètes les péchés du monde, donne nous des objets.
P : Grand Capital, toi qui as dit à tes apôtres : « Je vous laisse le marché, soyez-y soumis », ne considère pas mes péchés, mais la foi dans cette vérité ; daigne soumettre et régner selon ton incontestable volonté. Toi qui, étant Dieu, vis et règne pour l'éternité. Amen.
S : Amen
P : Toi-même, ô Grand Capital, nous te prions.
Grand Capital, que la réception de notre euro, que je me propose de prendre, bien que très indigne, profite à la protection du marché et me procure le bonheur. Toi qui vis et règne, étant Dieu, avec notre père le Grand Capital, dans l'unité de la consommation, dans tous les siècles des siècles. Amen.
Grand Capital, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement un indice boursier et mes stock-options prendront de la plus-value. Que l'euro de notre Grand Capital garde mes actions pour la consommation éternelle.

Le prêtre boit du vin de messe.

Voici l'euro du Grand Capital qui ôte les malheurs du monde. Grand Capital, fais que la souillure de la contestation ne demeure plus en moi. Que l'euro régénère les plus purs d'entre nous, et notamment le plus pur des purs : Guy Sorman
P : Le Grand Capital soit avec vous.
S : Et avec votre absence d'esprit.
P : Prions
P : Nous rendons grâce au Grand Capital.
S : Et avec votre absence d'esprit.
P : Que le Grand Capital tout puissant, la sainte croissance, la sainte
consommation et le saint progrès vous bénissent.
S : Amen

Le prêtre et les fidèles distribuent l'euro.

P : La croissance soit avec vous.
S : Et avec mon absence d'esprit.

7. Chanson (reprise 4)

 


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3) CHRISTIANISME ET PUBLICITÉ.

Pour un certain nombre de chrétiens authentiques, ou même simplement d'humanistes modérés, il y a antinomie entre christianisme et publicité. Ce fut le cas notamment de René Macaire, théologien catholique, co-fondateur de R.A.P. Le Christ chasse les marchands du temple. Il a la fameuse parole : « Vous ne pouvez choisir Dieu et l'argent ». C'est dire combien la « marchandisation » du monde, et le culte de la consommation sont aux antipodes de toute spiritualité.
De ce point de vue, deux entreprises peuvent paraître particulièrement perverses et choquantes :
- la récupération par le système publicitaire des symboles ou des thèmes religieux, pour mieux prendre la place du culte en en galvaudant les « valeurs » ;
- le recours aux « techniques publicitaires » par les institutions religieuses qui pensent ainsi « parler le langage de notre temps ».
La première entreprise apparaît dans d'innombrables campagnes, où la célébration des produits ou de la consommation est donnée comme le Sens même de la vie, occultant d'autant mieux toute dimension spirituelle que celle-ci semble parfaitement récupérée par les marchands.
La seconde est théorisée par quelques personnalités du monde catholique, notamment par Monseigneur Foley, Président du Conseil pontifical, qui déclarait en février 1997 : « Jésus lui-même a fait de la publicité » et souhaitait que « l'Église sache mieux utiliser la publicité comme un instrument de pré-évangélisation » !...

 

Ces remarques doivent permettre de mieux comprendre la parodie de liturgie publicitaire dont ont eu l'idée les animateurs de Casseurs de pub. Il ne s'agit pas de se servir ici de la publicité pour faire la satire du religieux en utilisant le cadre formel de la Messe, mais bien au contraire, d'utiliser la liturgie de la Messe comme révélateur de l'entreprise publicitaire, en ce qu'elle ne cesse fondamentalement de récupérer le religieux, de le piller et de le dévaloriser, pour en occulter la dimension propre, en ne laissant plus comme horizon spirituel au monde d'aujourd'hui que le culte du veau d'or, de la gabegie des ressources planétaires, dans un incroyable égoïsme collectif.
Célébration quotidienne de la Bourse. Culte de la croissance en soi, au détriment des dégâts qu'elle entraîne hors de l'Occident. Consécration de l'euro (souvenons-nous du slogan des européennes : « Je vis en Europe, donc je pense en euro »). Pressions des marchands pour ouvrir les jours fériés, les dimanches, (tout ce qui pourrait donner le temps de penser et de « contempler » sans « consommer »), et plus généralement, marchandisation de toutes les fêtes (Noël n'est plus Noël !). « Prenez de l'avance sur les fêtes » (achetez dès octobre). Voilà dans quel monde de « croissance », de consumation et d'absence d'esprit les sirènes publicitaires tentent de nous faire vivre. C'est une perpétuelle « messe noire », si l'on peut dire.
À partir de là, le spectacle mis en scène par les Casseurs de pub semble se justifier. La « consécration » de l'Euro en guise de consécration eucharistique sert précisément à faire prendre conscience aux gens du pseudo-culte dans lequel on tente de les entraîner malgré eux (ce qui revient à défendre le vrai culte, la vraie dimension spirituelle). Quand je lis par exemple le simple pastiche : « Que la croissance soit avec vous - Et avec votre absence d'esprit », je vois clairement démasqués ces faux monnayeurs d'un paradis artificiel que sont... les publicitaires ! Il me semble que tout prêtre authentique rirait de voir ainsi stigmatisés les suppôts des faux cultes de notre époque.

François BRUNE

N.B. Dans Le Meilleur des Mondes,Huxley mettait déjà en scène le culte d'un grand Être nommé Ford, à l'approche duquel il fallait se signer (par le « signe de T », - T comme Tacot !). Au cours de l'Office de Solidarité, les fidèles, réunis par Douze, consommaient rituellement la nourriture idéale du régime, le « soma », une drogue miracle chargée d'opérer la communion de l'assemblée dans l'euphorie...

 


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4) QUAND LA PUBLICITÉ DÉVALORISE LA "GRATUITÉ"

- Suite à une conférence de JL Sagot Duvauroux , et à son livre « Pour la gratuité » :

« Le marché sait bien l'attrait qu'exerce la gratuité. Faute de pouvoir l'anéantir, il s'efforce, en l'utilisant à ses propres fins, de la désamorcer. La confusion qui s'instaure entre les vraies gratuités et ces singeries contribue aussi à miner l'exigence de responsabilité. Assaut des placards miraculeux qui offrent tout pour rien et... pour que s'entre bâillent les porte-monnaie ! Gratuité gadget, gratuité fantaisie qui infantilise, et mitonne ses cadeaux comme le pêcheur à la ligne plante un asticot sur son hameçon. »(page 71)

Et voilà que je me rends au Géant Machin où me sont proposés cette semaine deux paquets de café plus un gratuit pour 24fr.

Comme Coluche , me voici donc passant à la caisse avec seulement mon paquet gratuit pour remercier la caissière de son beau cadeau ... Je vous dis pas la panique... Et le patron du magasin qui débarque comme un fou prêt à me traiter de voleur ou de mauvais joueur.

« Le troisième paquet est gratuit si vous achetez les deux autres ! »

J'essaie alors de lui expliquer que si je dois D'ABORD payer , il ne peut plus , ensuite, parler de « Gratuité », et qu'il emploie donc ce mot pour faire semblant.
( Un SDF fauché ne peut absolument pas profiter de cette offre gratuite ! )

« Mais si vous divisez le prix des deux paquets par 3 , vous allez bien voir que vous y gagnez : Payer 24 francs pour deux paquets , c'est bien plus cher que 24 F. pour 3 paquets ».

J'essaie alors de lui expliquer qu'effectivement le paquet dit « gratuit » m'est vendu en réalité 8fr (24 F. divisé par 3 ) au lieu de 12fr (24fr divisé par deux ).

« Comment pouvez-vous dire que votre paquet est « gratuit » si vous le vendez 8 F.? »

Là, manifestement ma question se noyait dans sa petite tête de marchand.

Pour sortir de cette impasse je lui proposais donc de lui verser 8fr pour son paquet , ce qui le fit bondir puisqu'il se retrouvait en rayon avec 2 paquets manifestement orphelins d'un troisième (donc avec la difficulté de les vendre à 12 F. pièce). Et honnêtement, sous les yeux de sa caissière qui se marrait , il ne se sentait pas très à l'aise de faire payer 8f quelque chose qui pour lui était bien gratuit !

Un client, chariot plein et un peu impatient, me proposa d'aller remettre le paquet « dit gratuit » sur le rayon et de l'attendre à la sortie, et là, surprise. Il me faisait cadeau de son troisième paquet de café.
C'était le premier geste vraiment gratuit que j'enregistrais dans cette journée de la Saint Martin.
Ah! j'oubliais! Comme je préfère le thé, c'est le chômeur qui vendait « Macadam » devant Géant machin qui a récupéré finalement ce troisième paquet sans rien payer, évidemment !.....

Pier Nicolas (Divajeu)

 

5) PUBLICITÉ PHARMACEUTIQUE : QUESTION ÉCRITE

Suite à l'article « Publicité médicale en Europe » de M. Bourbon paru dans RT 20, une adhérente à écrit au député de sa circonscription. Ce dernier a transmis la question écrite (reproduite ci-dessous) à Bernard Kouchner sur les risques de déréglementation de la publicité pharmaceutique.

Jean-Claude LEFORT 8 novembre 2001

QUESTION ECRITE de Jean-Claude Lefort, député de la 10ème circonscription du Val-de-Marne, à M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé.

M. Lefort attire l’attention de M. le ministre délégué à la Santé sur les risques d’une déréglementation européenne concernant la publicité pharmaceutique. La publicité faite à l’égard des médicaments à usage humain a été harmonisée et réglementée par la directive européenne 92/28/CEE du 31 mars 1992. Elle interdit la publicité faite à l’égard des médicaments délivrés sur prescription médicale, donne des instructions précises pour la publicité à l’égard des médicaments délivrés sans ordonnance, détermine les conditions dans lesquelles les personnes habilitées à prescrire ou délivrer un médicament doivent être informées. Certains pays vont plus loin que cette directive et interdisent la publicité des médicaments sans ordonnance. Une proposition de règlement présentée par la Commission européenne le 2 octobre 2001, relative aux “ promotions des ventes dans le marché intérieur ”, envisage de lever ces restrictions qu’elle qualifie de “ concurrence déloyale ” au sein de l’Union européenne. Cette proposition peut choquer en soi mais elle ne semble pas concerner la France qui se contente d’appliquer la directive de 1992. Par contre, un rapport de la Commission sur “ l’expérience acquise dans l’application des procédures d’octroi d’autorisation de mise sur le marché de médicaments ”, en date du 23 octobre 2001, envisage explicitement “ d’abandonner la stricte interdiction de publicité imposée aux médicaments délivrés uniquement sur ordonnance ” (rapport cité, p. 23). Cette mesure est justifiée par la demande croissante d’information du grand public pour les médicaments et les détournements de législation offerts par Internet, ce qui repose sur une grave confusion entre le droit à l’information des malades et l’incitation commerciale à la consommation. M. Lefort alerte M. le ministre de la Santé sur les dangers qui découleraient d’un assouplissement de la publicité sur les médicaments : pressions accrues des patients sur les médecins et dangers pour la santé, augmentation des budgets de communication au détriment de la recherche, dérapage des dépenses de santé pour les médicaments remboursables. Il lui demande une position ferme de la France contre cette proposition dont l’application démontrerait, une fois de plus, la pression des intérêts commerciaux des firmes pharmaceutiques au détriment du droit à la santé.

 

6) MÉFAITS PUBLICITAIRES.

Dans certaines stations de RER, des écrans diffusant des séquences publicitaires (les mêmes que ceux déjà présents devant la tour Montparnasse) ont été installés en haut des escaliers mécaniques. Il ne s'agit plus ici d'affiches, fixant une image pour l'éternité, mais de films. Les publicités sont en mouvement et attirent le regard de chaque tirelire ambulante (puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, toute personne voyant ces films est un consommateur potentiel) bloquée, donc réceptive, sur ces escaliers.


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INFORMATIONS DIVERSES

Toutes les informations que vous venez de lire sont publiques, nous vous invitons à les transmettre à toute personne susceptible d'être intéressée : faites circuler !.

Pour tout renseignement (envoi d'un exemplaire de R.A.P.-Échos, notre publication papier, adhésion, etc.) merci de prendre contact avec : R.A.P. (Résistance à l'agression publicitaire) 53, rue Jean-Moulin, 94300 Vincennes tél. : 01 43 28 39 21 (tcp. : 01 58 64 02 93) Adhésion : 15 euros Adhésion petit budget : 7,50 euros Abonnement à R.A.P.-Échos : 5 euros.

Notre permanente assure la permanence téléphonique lundi, mardi et jeudi de 10 h à 13 h (on pourra également nous joindre en dehors de ces horaires, sans certitude de présence toutefois). Réunions mensuelles : calendrier au début de ce message, renseignements supplémentaires au 01 43 28 39 21 ou à contact at antipub.org.

Coordonnées utiles :

Casseurs de pub 11, place Croix-Pâquet 69001 Lyon Tél. 04 72 00 09 82 - Tcp. 04 77 41 18 16 http://www.antipub.org/

Paysages de France (association qui lutte notamment contre l'affichage publicitaire envahissant) MNEI 5, place Bir-Hakeim, 38000 Grenoble Tél. & tcp. 04 76 03 23 75 http://paysagesdefrance.free.fr

Le Publiphobe, association concurrente de R.A.P. (diffusion d'une feuille sporadique par abonnement) B.P. 20012, 94211 La Varenne-Saint-Hilaire Cedex Tél. 01 41 81 69 17 Tcp. 01 42 83 45 01

R.A.P. Belgique 96, rue Le Lorrain, 1080 Bruxelles Tél. 02 / 426 91 91 http://www.antipub.be

Brisons nos chaînes Chez Publico 145, rue Amelot, 75011 PARIS.

http://www.bap.propagande.org/

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