Paris manque une occasion d’enfin faire respecter la loi sur l’affichage d’opinion

Mardi 8 juillet 2014, au Conseil de Paris, se discutait un vœu concernant le respect de la loi sur l’affichage d’opinion (art R581-2 et suivant du code de l’environnement) [1]. Cette loi impose aux communes une surface minimale réservée à l’affichage d’opinion et à la publicité relative aux activités des associations sans but lucratif.

Danielle Simonnet, qui présentait ce vœu, rappelait que pour respecter cette loi, Paris devrait mettre à disposition environ 1200 m² d’affichage servant aussi bien les associations que l’expression d’opinion et notamment celle des élus. Avec ses 289 panneaux, Paris ne respecte pas cette législation, d’autant que l’affichage parisien est réservé à l’usage associatif alors que la loi prévoit aussi l’affichage d’opinion. Ce dernier est d’ailleurs le titre du chapitre du code de l’environnement qui lui est consacré. C’est dire son importance dans l’esprit du législateur.

Avant de livrer le verbatim de la réponse de l’exécutif parisien et des échanges qui ont suivi, nous en profitons pour rappeler quelques points :

– En premier lieu que l’affichage associatif et politique est le seul qui respecte la liberté de réception puisqu’il est contraint à un format (affiche de 50×70 cm dans des panneaux de 1 à 2 m²) qui oblige les passants à avoir une démarche active envers lui et donc à signifier leur consentement à la réception du message. Et qu’à ce titre, il ne peut en aucun cas être considéré comme une « pollution visuelle », mais plutôt comme l’exercice démocratique de l’accès à l’information pour tous, même de ceux qui ne possèdent pas de moyens informatiques.

– Ensuite, que la loi prévoit bien l’affichage associatif et l’affichage d’opinion. Le fait de vouloir distinguer l’un plutôt que l’autre en arguant d’une « dilution de l’information » pour pouvoir voter en défaveur du vœu montre une totale méconnaissance de la loi…

– …sinon une parfaite hypocrisie quand on sait que certaines bâches publicitaires peuvent faire jusqu’à 1000 m² (c-a-d la surface totale demandée par la loi pour l’affichage d’opinion à Paris), que le nombre de mobilier urbains publicitaires s’élève à près de 1500 et que l’on recense près de 2000 panneaux de 8 m² (contre 289 panneaux d’affichage libre, de 1 à 2 m²). La « pollution visuelle » et la « dilution de l’information » sont plutôt à combattre sur le terrain publicitaire que sur les panneaux quasiment invisibles d’expression libre.

– Ensuite, que si la loi concernant l’affichage d’opinion était respectée, les divers organismes qui le pratiquent actuellement seraient moins tentés de s’adonner à l’affichage sauvage, notamment lors des campagnes électorales. Nous le précisons pour Jean-Louis Missika, président de séance qui s’amusera de voir l’UMP voter en masse en faveur de « l’affichage sauvage ». L’affichage sauvage existe notamment parce que la Mairie ne prévoit pas suffisamment d’affichage d’opinion.

– Enfin, nous regrettons de voir les élus Europe Écologie Les Verts voter en défaveur de ce vœu alors même que lors de la campagne municipale 2014, dans la réponse qu’ils avaient fait à notre questionnaire, ces derniers nous avaient assuré de leur volonté d’augmenter le nombre de ces panneaux, afin notamment de lutter contre l’affichage sauvage en campagne électorale[2].

Il est très dommage que ce vœu n’ait pas été adopté. Nous invitons donc tous les élus :

– à ne pas en rester là et à reproposer un vœu ciblé sur la mise à disposition de plus de panneaux d’affichage libre (tout contenu confondu).

– à rencontrer notre association et à se mettre d’accord sur un texte qui pourrait faire en sorte que Paris respecte enfin le code de l’environnement en matière de panneaux d’affichage d’opinion, élément central dans une politique de lutte contre l’affichage sauvage.
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Notes

[1] On trouvera ce débat à cette adresse, à partir de 05h12m30s : http://event.paris.fr/Datas4/conseil/158083_53bae507ed5d1

[2] « La plupart des candidats EELV ont défini par écrit leurs pratiques en matière d’affichage ; mais vous savez que Paris ne respecte pas ses obligations en matière d’affichage libre, c’est pourquoi nous pratiquons l’affichage en dehors des panneaux réservés, mais en respectant l’environnement et le cadre de vie : nous ciblons donc les affichages publicitaires illégaux, les palissades de chantier, armoires électriques… Par ailleurs certains candidats EELV ont renoncé à l’affichage sauvage. »

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Verbatim du débat :

Vœu numéro 65 relatif aux panneaux d’affichage associatif et d’opinion

Pauline Véron : Les associations parisiennes ont accès à 289 panneaux d’affichage pour faire part aux parisiens de leur activité. En effet nous avons considérablement augmenté les dispositifs d’affichage, depuis 1990 et jusqu’en 2011, la ville de paris disposait d’un ensemble de panneaux géré par des sociétés dans le cadre d’un marché public. Afin de favoriser l’affichage des associations locales nous avons augmenté le nombre de ces panneaux et transféré la gestion aux mairies d’arrondissement. En effet, dans le cadre de ce marché, des affiches d’associations qui n’étaient pas de l’arrondissement pouvaient faire part de leurs activités et du coup, les associations de l’arrondissement n’avaient pas forcément accès aux panneaux dans leur arrondissement. Donc, avec ce nouveau système nous avons permis de mieux cibler la communication et de la rendre plus efficace pour les associations.

S’il est souhaitable que les associations disposent de suffisamment de panneaux, il n’est pas souhaitable de voir proliférer des dispositifs d’affichage. Ceci représentant soit un risque de pollution visuelle, soit, il me semble, un risque un risque de dilution de l’information. A trop vouloir multiplier les dispositifs d’information et d’affichage, on risque de ne plus savoir très bien où trouver l’information. Il est préférable d’avoir un dispositif visible et correctement géré au service des associations.

Votre vœu aborde également la question de l’expression politique. Je remarque votre volonté de mélanger communication des associations et communication des élus. Et peut-être votre communication puisque vous l’évoquez. La presse nous a déjà informé que nous n’aviez pas attendu une réponse à ce vœu pour vous afficher sur les murs de Paris et faire des comptes rendus, je dirais, un peu sauvage. Puisque c’est le terme adéquat. Je pense que les élus disposent de suffisamment d’outils de communication pour faire valoir leurs points de vue, que ce soit la presse, les tracts, les journaux, les outils numériques, pour ne pas prendre le risque de créer de la confusion sur les panneaux existants entre communication associative et communication politique.

De plus vous aurez noté que le nouveau règlement intérieur accorde désormais aux élus non inscrits un espace d’expression dans chaque numéro du journal municipal ainsi que sur le site paris.fr ce qui est une avancée démocratique dont je ne doute pas que vous saurez vous saisir.

Mme Simonnet, si vous acceptez de retirer le 2e tiret de votre vœu concernant la communication des élus, mais en gardant uniquement les aspects relatifs à la communication des associations, je suis prête à y donner un avis favorable, sans cela je serai contrainte d’y donner un avis défavorable.

Réponse (partielle) de Danielle Simonnet : Je regrette de découvrir en séance la proposition de l’exécutif. Si nous en avions parlé au préalable, comme sur d’autres sujets, nous aurions pu trouvé un bon consensus. […]

Je ne suis pas d’accord avec le fait que la ville ne s’engage pas à appliquer la loi sur les panneaux de libre opinion.

Mise au vote : forêt de mains levées à droite

Jean-Louis Missika, président de séance : Je ne savais pas que l’UMP était à ce point favorable à l’affichage sauvage.

Délibéré : vœu rejeté à 32 voix pour et 35 voix contre.

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