Vélib’ : opération blanchiment écologique

Paris, le 30 juin 2008

CP de Résistance à l’agression publicitaire, la Vélorution, Solidaires Cyclocity, les Déboulonneurs, Relocaliser & Désinformatiser, Action consommation, la Décroissance, Casseurs de pub, la Brigade activiste des clowns

« Nous ne sommes pas des loueurs de vélos. Notre finalité est bien de vendre de la publicité et de gagner des parts de marché (1).» JCDecaux a érigé le vélo en argument de vente pour séduire les municipalités désireuses de « verdir » leur image afin d’envahir encore un peu plus notre espace quotidien de publicités. Mais, un coup de marketing médiatisé et financé par la publicité ne tient pas lieu de politique de développement du vélo sur le long terme. Devançant la « petite fête » organisée par la ville de Paris pour la première année des vélib’, nous organisons une action le 5 juillet 2008 (2) pour alerter les Parisiens sur la face cachée de ces fameux vélib’ et surtout pour demander au maire de Paris de séparer le marché des vélos du marché publicitaire afin que la mise à disposition de vélos ne soit pas un outil de promotion au service des publicitaires mais soit envisagée comme un véritable service public de transport accessible à tous les Parisiens (même aux plus démunis qui n’ont pas les 150 euros de caution requis pour utiliser un vélib’).

Il n’est pas question de discuter l’utilité de ce service mais bien d’en dénoncer le mode de gestion illustrant la démission des élus face au pouvoir économique des afficheurs (et leur future dépendance !) et leur manque de volonté de mise en place d’une réelle politique en faveur du vélo. N’y a-t-il pas contradiction totale à faire financer un projet de promotion de vélos par un secteur qui fait l’apologie de la voiture ? En liant systématiquement publicité et vélo, les marchés publics excluent les professionnels du vélo et des transports dont la publicité n’est pas le cœur de métier. Ainsi, les acteurs locaux performants (3) – associations, PME, acteurs de l’économie sociale et solidaire et de l’insertion professionnelle – sont touchés de plein fouet ; la création d’emplois locaux, le développement de filières industrielles régionales du vélo sont menacés (4). C’est donc un modèle économique uniforme et monopolistique qui s’installe.

Il existe un moyen simple de contrecarrer cette dérive commerciale : formuler le marché public en séparant publicité et vélo. Certaines collectivités, comme Orléans, ont fait le choix de déconnecter les deux marchés. Cela relève de la responsabilité des collectivités, d’autant qu’aucune raison ne justifie cette collusion. La mairie de Paris gagnerait davantage notamment en termes de transparence des coûts, de souplesse de fonctionnement et de respect de la concurrence, à dissocier les marchés. Si elle avait fait ce choix judicieux, l’extension du vélib’ à la banlieue parisienne ne serait pas aujourd’hui bloquée. En effet, derrière le financement publicitaire, il y a le risque inhérent pour la mairie de se retrouver roues et pédales liées par le marché publicitaire.

Dernièrement, les publicitaires, mécontents du futur règlement local de publicité (RLP) parisien, ont pointé la contradiction qu’il y avait à faire financer les vélos par la publicité pour ensuite diminuer la place de cette dernière dans l’espace public. Il est important de souligner que le groupe de travail qui élaborait le RLP parisien a été opportunément mis en sommeil pendant dix-huit mois, le temps de rendre les exigences du RLP compatibles avec le contrat Vélib, sans débat… Alors que de plus en plus de citoyens souhaitent une diminution de la pression publicitaire (5), la contrepartie des vélib’ s’est traduite à Paris par un triplement de la surface publicitaire avec la généralisation du défilement des panneaux. Systèmes déroulants et lumineux qui décuplent leur impact sur les paysages, provoquant une gêne visuelle et mentale importante pour les habitants et un gaspillage énergétique inacceptable (6).

Inacceptables aussi, les conditions de travail des salariés de Cyclocity, filiale du groupe JCDecaux gérant les vélos en libre-service. Les salariés dénoncent un non-respect du droit du travail (licenciement abusif, etc.), des règles de sécurité (remorques sans frein ni feux de recul, etc.) et surtout des conditions de travail déplorables (sac à dos de 25 kg de matériel à transporter sur des vélos, etc.) (7). Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que 60 % de ceux qui ont été embauchés entre mai et juin 2007 aient quitté l’entreprise.

En outre, contrairement aux idées reçues, les vélib’ ne sont pas gratuits et encore moins payés par la publicité. Avec ce système, la mairie abandonne une partie de la redevance qu’elle toucherait pour les panneaux publicitaires. Dans d’autres villes, c’est la totalité de la redevance avec l’argent de la location des vélos qui est abandonnée aux publicitaires (Paris a de la chance d’être la vitrine de JCDecaux). Mais c’est surtout le consommateur qui, par le biais de ses achats, paye le système des vélos en libre-service. Or, au bout de dix ans d’investissement financier, la ville ne sera même pas propriétaire de ce service et on nous parle de bon gestionnaire…

Contact  presse : Laure Nicolas : 01 43 28 39 21 ou 03 22 47 37 59
Pour plus d’informations : https://antipub.org/velo


Notes :
(1) Dixit Jean-Charles Decaux, « Les pays où nous avons mis Vélib tirent nos marges », La Tribune, 17 mars 2008.
(2) Samedi 5 juillet 2008 à 16 heures, à la station vélib’ de la place Edmond-Michelet à côté du centre Georges-Pompidou (4e).
(3) Voir la Coopérative Movimento, exclue du marché à Toulouse.
(4) Projet Vélo 18.
(5) 78 % des Français jugent la publicité envahissante selon un sondage IPSOS/Australie de novembre 2007.
(6) Une station de publicyclettes, avec ce fameux panneau publicitaire lumineux et déroulant, sa borne informatique, consomme autant qu’une famille.
(7) Pour plus d’informations : https://antipub.org/velo.