Le 15 avril dernier, le Commissariat général au développement durable a fait savoir aux « territoires pilotes » que l’expérimentation du dispositif « Oui pub » ne serait pas généralisée à la fin de celle-ci, soit dès ce jeudi 1er mai. Une décision prise sans que les parlementaires aient pu en discuter, qui va à rebours de l’esprit de la loi « climat et résilience » et qui interroge sur la volonté du Gouvernement de faire advenir une quelconque « transition écologique ».
En juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) rendait son rapport avec 149 propositions visant à ce que la France respecte l’Accord de Paris et ses objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre. Parmi les nombreuses propositions concernant la publicité, la CCC proposait d’interdire la distribution de prospectus publicitaires dans les boîtes aux lettres. Malgré l’engagement d’Emmanuel Macron de reprendre « sans filtre » les propositions de la Convention et de les soumettre telles quelles au Parlement, le projet de loi, présenté fin décembre 2020 pour qu’il soit débattu, était déjà largement modifié par rapport aux propositions initiales de la CCC.
Après les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat, la loi « Climat et résilience » avait donc validé la proposition « filtrée » d’une expérimentation d’interdiction des prospectus dans les boîtes aux lettres, sauf si ces dernières étaient munies d’un autocollant « oui pub », d’une durée de trois ans. L’expérimentation a donc débuté le 1er mai 2022 dans quatorze « territoires pilotes » volontaires1. R.A.P. a fait partie du comité de suivi qui s’est réuni régulièrement durant la période, jusqu’au rendu du rapport d’évaluation au Parlement en janvier dernier.
Des remaniements ministériels qui ont engendré des retards
Pour respecter la loi, ce rapport devait sortir entre fin octobre et début novembre, six mois avant la fin de l’expérimentation. À cette date, il était prêt à être envoyé dans le bureau du Premier ministre. Le Gouvernement (Barnier) d’alors devait avoir la tête trop occupée à chercher un moyen de ne pas se faire censurer lors du vote du projet de loi de finances. La censure a néanmoins eu lieu et le rapport est, à notre connaissance, resté sur le bureau du nouveau Premier ministre plus de deux mois supplémentaires avant d’être finalement transmis aux parlementaires début janvier et publié à la fin de ce même mois.
Il ne restait donc à ces dernier·es que quatre mois, plutôt que six, pour faire une proposition de loi et discuter de la pertinence de la généralisation ou non du dispositif. De fait, aucun groupe politique, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, n’a utilisé sa « niche parlementaire » pour faire une telle proposition et le Gouvernement n’a pas jugé bon d’accompagner le rapport d’évaluation d’un projet de loi.
Fin de l’expérimentation… et du « Oui Pub »
Mi-avril, le Commissariat général au développement durable (CGDD) nous a transmis le courrier qui a été envoyé aux territoires pilotes, actant la fin de l’expérimentation et sa non généralisation au reste du pays, précisant que, pour les territoires pilotes, le « Stop Pub » sera à nouveau en application dès le 1er mai 2025. Le CGDD justifie l’absence de projet de loi par « des éléments très contrastés issus de l’expérimentation et du contexte de transition déjà à l’œuvre en matière de publicité », notant que « le Gouvernement poursuit la transition environnementale de la filière : c’est notamment l’objectif du dispositif des « contrats climat » ».
Nous nous étonnons que le CGDD estime que le rapport d’évaluation fasse apparaître des « éléments contrastés »2. S’il n’est certes pas univoque, il montre bien que l’expérimentation a permis une réduction importante des déchets dans les territoires pilotes, ce qui était le principal objectif de cette proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Aussi, il rappelle que les habitant·es et les collectivités ont perçu de façon très positive l’expérimentation, et que même pour les entreprises du secteur de la distribution de prospectus, les plus directement touchées économiquement, elles connaissaient déjà des difficultés avant l’expérimentation. On pourra se référer à notre analyse du rapport pour approfondir.
Le seul point réellement contrasté, de notre point de vue, concerne la comparaison entre les campagnes publicitaires numériques et celles par prospectus. Elle nous semblait en effet dès le départ très hasardeuse, d’abord par la complexité de la mesure pour le numérique, et ensuite par le fait qu’il nous paraissait difficile d’évaluer la part des communications numériques dues au passage au « Oui Pub » en éliminant la tendance des annonceurs à aller vers toujours plus de numérique.
Enfin, nous trouvons difficilement audible que le CGDD affirme que le Gouvernement poursuit la « transition » de la filière grâce aux contrats climat. Notre association s’est, dès le début, montrée sceptique à propos de ce dispositif. Notre suivi de ces contrats, ainsi que les deux premiers rapports de l’Arcom3 à leur sujet, n’ont fait que conforter notre position. Le rapport interministériel qui a fuité le mois dernier est lui aussi plus que « contrasté », puisqu’il estime sobrement que « les contrats climat n’ont pas démontré leur efficacité »4.
« Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas »
Lors de l’entre-deux tours de la dernière élection présidentielle, Emmanuel Macron avait promis, s’il était élu, de faire de ce nouveau mandat un quinquennat écologique et de léguer un monde vivable, promettant que « ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas ». Or depuis trois ans qu’il est réélu, le Gouvernement n’a remis aucun projet de loi écologique sur la table.
Avec cette décision de ne pas généraliser le « Oui Pub », mesure pourtant simple, qui ne bouleverse pas les dynamiques actuelles, qui ne pose aucun problème « d’acceptation sociale » – au contraire, même, puisqu’elle permet aux gens de réellement choisir – et qui est plébiscitée par les collectivités, le Gouvernement et le Président démontrent que l’écologie est loin d’être leur priorité.
—
Notes
1 Article 21 de la loi Climat et résilience : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000043956998
2 (Re)lire notre analyse du rapport : https://antipub.org/experimentation-oui-pub-dans-les-boites-aux-lettres-publication-du-rapport-devaluation-aux-parlementaires/
3 – Contrats-climat : premiers constats et perspectives d’amélioration, Arcom, janvier 2023
– Rapport d’évaluation de l’efficacité des contrats-climat – Premier état des lieux sur l’exercice 2022, Arcom, juin 2024
4 Voir notre analyse du rapport : https://antipub.org/rapport-sgpe/