Ce mardi 3 juin, le tribunal administratif de Lyon a rendu une décision qui annule certaines dispositions du règlement local de publicité de la Métropole de Lyon, notamment celles qui interdisent la publicité numérique sur tout son territoire et celles qui encadrent les publicités et enseignes lumineuses derrière les vitrines.

Capture du règlement local de la Métropole de Lyon
Le 26 juin 2023, la Métropole de Lyon votait un règlement local de publicité intercommunal (RLPi) assez ambitieux. Fruit d’un long processus débuté en 2017, il interdisait notamment les écrans numériques dans l’espace public sur l’ensemble des 58 communes du Grand Lyon, et encadrait fortement les publicités et enseignes lumineuses derrière les vitrines, comme le permet l’article L581-14-4 du code de l’environnement depuis la loi « Climat et résilience » de 2021. Or ces dispositions n’arrangeaient pas le groupe d’affichage Phenix qui a donc attaqué certaines dispositions du RLPi du Grand Lyon au tribunal administratif, qui a rendu son verdict ce mardi 3 juin.
Qui est le groupe Phenix, qui attaque le RLPi du Grand Lyon ?
Ce groupe était à la base spécialisé dans le « micro affichage », à savoir des publicités de petits formats sur les baies vitrées ou sur les devantures des magasins. C’est sa branche Insert qui s’en charge toujours. Rappelons que si les publicités sur baies vitrées et sur les devantures ont été légalisées par le Grenelle de l’environnement, alors qu’elles étaient interdites auparavant, et que les dispositions concernant les devantures, si elles sont aujourd’hui légales, contreviennent au principe qui interdit la publicité sur les murs non aveugles1. On peut donc affirmer que Phenix bénéficiait d’ores et déjà d’un traitement de faveur lui permettant d’apposer des dizaines de milliers de publicités à des endroits où elles sont normalement interdites.

Photo d’une affiche « Insert » sur la devanture d’une boulangerie.
Depuis quelques années, le groupe Phenix s’est emparé du numérique en conservant sa spécialité : afficher sur les vitrines des magasins. On a donc vu apparaître des écrans numériques de plus en plus nombreux derrière les vitrines. On pourrait penser que ces publicités transgressent l’article R581-36 qui dispose que « la publicité lumineuse ne peut […] recouvrir tout ou partie d’une baie ». Mais le code de l’environnement s’interdit de réglementer les publicités situées à l’intérieur d’un local, y compris lorsqu’elles sont visibles de l’espace public. Il suffit donc à Phenix d’installer ses panneaux numériques sur la vitrine à l’intérieur du magasin pour respecter la loi. Pour les passant·es et leur cadre de vie en revanche, le résultat est le même et l’agression publicitaire lumineuse de plus en plus présente dans nos rues.
Loi « climat et résilience » et lobbying
Dans la première mouture du projet de loi « climat et résilience », le gouvernement d’alors semblait vouloir en partie remédier2 à cette situation avec son article 7 qui permettait aux intercommunalités d’encadrer les publicités et enseignes derrière les vitrines, donc potentiellement d’interdire les dispositifs les plus agressifs. Mais le travail de lobbying, notamment de Phenix en créant de toutes pièces une fausse association de commerçant·es « Touche pas à ma vitrine », a fait son œuvre en limitant encore plus la portée de l’article définitivement adopté. Ce dernier définit strictement ce qui peut être encadré, à savoir les horaires d’extinction, la surface, la consommation énergétique et la prévention des nuisances lumineuses, pour les seules publicités lumineuses et non plus pour toutes publicités, qui plus est.
Sur la décision du tribunal administratif
Le RLPi de la Métropole de Lyon prévoyait donc d’encadrer les publicités et enseignes numériques derrière les vitrines, les interdisant dans certaines zones, notamment hors agglomérations3, et proscrivant, là où elles étaient autorisées, la diffusion d’images qui ne seraient pas fixes. Une disposition qu’on retrouve par exemple dans le RLP de Paris pour les enseignes numériques des établissements culturels ou des cinémas4. Malheureusement, le tribunal administratif de Lyon a estimé dans son jugement que la Métropole n’avait pas assez justifié ces interdictions et restrictions. Il a donc annulé :
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l’interdiction totale des publicités numériques dans toute la Métropole sur l’espace public ;
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l’interdiction presque totale des enseignes numériques ;
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l’obligation de n’avoir que des images fixes, sans animation pour les publicités et enseignes lumineuses ;
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l’interdiction des écrans derrière les vitrines dans certaines zones.
La Métropole de Lyon se retrouve donc aujourd’hui, sur ces points, à devoir appliquer la réglementation nationale qui autorise les publicités et enseignes numériques. Néanmoins le déploiement de la publicité numérique dans l’espace public ne pourra pas se faire partout. En effet, les zones 1 et 2 interdisent la publicité, et les zones 3, 4 et 7 interdisent la publicité lumineuse, donc numérique qui en est un sous-ensemble. Dans les zones 5 et 9, la publicité numérique murale sera autorisée jusqu’à 2 m², et jusqu’à 4 m² dans les zones 6 et 85. Dans toutes ces dernières zones, la publicité lumineuse scellée au sol est interdite.
Mais si les conséquences sont certes quelque peu limitées pour le Grand Lyon, le message envoyé au reste de la France est désastreux : les afficheurs pourront brandir ce jugement face à toute collectivité qui voudrait restreindre le développement des écrans dans leurs territoires. Car, pour les afficheurs, le seul RLPi acceptable est celui qui reprend les règles nationales, et celui qui profite des possibilités de dérogations pour permettre des publicités là où elles sont normalement interdites6. Le secteur n’a jamais accepté qu’un RLPi soit plus restrictif que la loi, ce qui était pourtant l’objectif, raté, du Grenelle de l’environnement.
Nous invitons fermement la majorité Écologiste de la Métropole de Lyon à faire appel de cette décision, tant pour le cadre de vie de son propre territoire que pour les futures révisions de RLPi en France, pour permettre aux intercommunalités d’empêcher la prolifération de dispositifs agressifs, énergivores, polluants à produire, difficiles à recycler, et poussant toujours plus à la surconsommation. Car tant qu’une loi nationale n’aura pas définitivement interdit la publicité lumineuse dans son ensemble comme nous le demandons avec le collectif « Zéro watt pour la pub », seules les collectivités peuvent s’emparer de ce sujet via leur RLPi. Et la décision du tribunal administratif de Lyon ne va pas faciliter la tâche des autres collectivités pour s’en prémunir.
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Notes
1 Article R581-22 du code de l’environnement : « la publicité est interdite […] sur les murs des bâtiments sauf quand ces murs sont aveugles ou qu’ils ne comportent qu’une ou plusieurs ouvertures d’une surface unitaire inférieure à 0,50 mètre carré »
2 D’une manière non satisfaisante comme nous l’expliquions dans l’article en lien.
3 Où, rappelons-le, hormis quelques exceptions issues du Grenelle de l’environnement (autorisant la publicité dans l’emprise des aéroports) et de la loi Macron de 2015 (l’autorisant dans l’emprise de certains stades), la publicité y est interdite.
4 Notons cependant que cette disposition n’est pas du tout respectée à Paris.
5 Le territoire aggloméré de la Métropole de Lyon est couvert par neuf zones, numérotées de 1 à 9 :
• Zone 1 : Espaces de nature,
• Zone 2 : Patrimoine remarquable du secteur sauvegardé du Vieux Lyon, des pentes de la Croix Rousse et du cœur du quartier Gratte-Ciel de Villeurbanne,
• Zone 3 : Centralités de villes, bourgs et quartiers,
• Zone 4 : Sites paysagers et tissus résidentiels,
• Zone 5 : Axes de déplacement en zones urbaines peu hautes,
• Zone 6 : Axes de déplacement en zones urbaines avec plus grande hauteur,
• Zone 7 : Sites paysagers de parcs d’activité ou commerciaux et d’équipements,
• Zone 8 : Zones d’activité et zones commerciales non denses,
• Zone 9 : Quartiers tertiaires, commerciaux et d’équipements denses.
6 Notamment les dérogations permises par l’article L581-8 du code de l’environnement, aux abords des monuments historiques ou dans les parcs naturels régionaux…