RAP

 

Paris, le 4 décembre 2003

à

Mme Anne-Marie Idrac,
Présidente de la R.A.T.P.
54, quai de la Râpée
75012 Paris


Madame la Présidente,

Je me permets de vous écrire pour vous faire part de notre grande préoccupation au sujet de l’agression publicitaire dont sont l’objet les usagers des transports en commun, agression dont l’intensité croît continuellement malgré le niveau de saturation atteint depuis bien longtemps sur le réseau.

Outre le contenu des messages, qui se font de plus en plus sexistes, violents, et tendent toujours à capter l’attention du passant par des procédés plus envahissants et abrutissants, l’on déplore une continuelle surenchère des types de supports publicitaires et une augmentation du nombre des emplacements eux-mêmes. Je ne citerai que quelques exemples parmi les plus frappants : véhicules recouverts d’adhésifs (« pelliculage »)(1), panneaux lumineux déroulants apposés à l’extérieur de la plupart des stations sur les bouches de métro (depuis deux ans), contremarches publicitaires, publicités au sol, publicité sur les portillons automatiques, les portes, les murs des bouches du métro, multiplication des dispositifs lumineux, et même, dernièrement, apparition de la publicité sonore. Au sujet de cette dernière, ses instigateurs n’hésitent pas, dans leur communiqué de presse, à reconnaître leur recherche d’un média « plus agressif » pour capter l’attention de l’usager : je vous laisse méditer la portée morale et sociale d’une telle affirmation, qui apporte un éclairage édifiant à l’ensemble des pratiques de la profession depuis des décennies.

La rentabilité de ce matraquage pour l’usager n’est jamais évoquée chiffres à l’appui, et paraît discutable. Les chiffres dont nous disposons sont partiels ou concernent d’autres réseaux. Ils semblent toutefois indiquer que la contribution de la publicité est extrêmement minoritaire (de l’ordre de 2%) dans le budget des transports parisiens, surtout si l’on déduit les investissements nécessaires à sa diffusion. Une part de ces dispositifs consomme en outre de l’énergie, ce qui grève probablement aussi leur rentabilité pour le réseau de transports.

Nous vous serions forts reconnaissants s’il vous était possible de porter à notre connaissance et à celle des associations d’usagers toutes les informations disponibles quant au rôle effectif de la publicité dans le financement des transports parisiens. Nous vous invitons également à étudier toute possibilité de réduire la pression dont font l’objet les usagers, notamment par une réduction importante du nombre des supports, par la régulation des messages diffusés, par l’abandon des pratiques les plus discutables et l’engagement à ne plus en introduire de nouvelles. Il nous paraît évident qu’une telle réduction pourrait être assurée sans grande perte financière pour la régie, puisque la contribution publicitaire est faible, et le réseau déjà arrivé à saturation de messages.

Je tiens à vous signaler par ailleurs que notre association ne prend aucune part dans l’appel à « recouvrement d’affiches publicitaires » relayé par le site « stopub.tk », conformément aux éléments que nous avons transmis aux huissiers mandatés par la régie « Métrobus ». En revanche, notre mouvement, fondé en 1992 et qui représente 800 adhérents, considère de son devoir d’informer le plus largement possible nos concitoyens sur les problèmes que pose la publicité et sur les formes de résistance qu’ils suscitent.

Nous soutenons que ces actions d’usagers sont le reflet d’une exaspération générale envers la publicité sur votre réseau de transports et ailleurs, et nous comprenons tout à fait le sentiment d’impuissance que peuvent ressentir les usagers face au rouleau compresseur publicitaire. Conformément à l’objet de notre association, nous avons donc engagé des actions légales pour répondre à ce mal-être des usagers : une lettre-type à votre attention leur est proposée sur notre site internet, ainsi que des liens vers les responsables de vos lignes. D’autres initiatives pourront suivre en fonction du degré de votre empressement pour satisfaire à la juste revendication de réduction de la publicité dans le métro.

Je me tiens bien entendu à votre entière disposition pour approfondir ces questions, entendre vos remarques, discuter des modalités ou vous soumettre des propositions plus détaillées pour libérer la RATP et ses usagers des abus de la publicité.

Je vous prie de recevoir, Madame la Présidente, l'expression de ma grande considération.


Thomas Guéret


Président de R.A.P.


Copie à :
- M. le ministère des Transports
- M. le ministre de la Culture et de la Communication
- M. le Maire de Paris
- M. le Président de la Région Île de France
- FNAUT

(1)Le « pelliculage » des autobus de ligne était apparu en 1998 lors de la coupe du monde de balle au pied et avait fait l’objet d’une forte mobilisation de notre mouvement (carte-pétition au ministre des Transports, courrier à votre prédécesseur, actions non-violentes dans les voitures concernées, etc.).
Voir la lettre sur notre site internet : ici