La publicité peut-elle être responsable ?

Nous reproduisons ici un texte initialement paru sur le site Le Drenche qui nous demandait si la publicité pouvait être responsable, cette question et ce terme revenant souvent dans les débats actuellement.
 
 
Contre toute attente, nous commencerons par répondre que oui, la publicité peut être « responsable ». En effet, la publicité, si on la définit comme le fait de rendre publique une information, qu’elle soit commerciale ou non, n’est pas bonne ou mauvaise en soi. La question serait plutôt de savoir si le système publicitaire qui organise la diffusion de l’information rend possible une publicité « responsable ». Pour ce faire, le système publicitaire devrait remplir certaines conditions. 
 
Tout d’abord, il faudrait s’assurer du consentement à la réception des messages par les récepteurs et réceptrices. Si chacun et chacune doit être en capacité d’exprimer librement idées et opinions (ou ses promotions sur le poulet) dans l’espace public, personne ne devrait pouvoir imposer ses messages sans s’assurer au préalable de l’accord des destinataires qui vont le recevoir.
 
Ensuite, dans un souci de sobriété, un système publicitaire responsable interdirait l’utilisation de supports particulièrement polluants et énergivores. Nous pensons en priorité aux écrans numériques publicitaires qui se multiplient depuis dix ans, en contradiction flagrante avec toutes les injonctions qui invitent les citoyens et citoyennes à éteindre leur lumière en sortant de leur salon.
 
Il faudrait aussi s’assurer que l’accès à la parole publique n‘est pas réservé aux plus gros portefeuilles, ni au seul secteur commercial. Si la liberté d’expression doit être garantie aux acteurs commerciaux, il ne faut pas oublier que sa fonction première est de protéger l’expression des idées et opinions. Un système publicitaire responsable garantirait donc l’égalité d’accès à l’expression publique, que les acteurs soient commerciaux, associatifs, politiques ou culturels. Et ce, qu’ils soient riches ou pauvres.
 
Une publicité commerciale, pour être responsable, devrait revenir à son rôle purement informatif. Et donc parler du produit ou service vendu sans l’accoler à des valeurs (un soda qui rime avec bonheur et partage, un jean qui rime avec liberté…) ou des émotions qui créent des sentiments positifs sans fondement.
 
Enfin, pour être responsable écologiquement et socialement, le système publicitaire ne devrait pas promouvoir les produits les plus problématiques socialement ou écologiquement : téléphones ou vêtements produits dans des circonstances proches de l’esclavage, voyages en avions ou en automobiles énergivores, gadgets électroniques à remplacer tous les six mois, produits trop gras, trop sucrés, trop salés, produits jetables sur-emballés, etc.
 
Toutes ces conditions posées, on voit que le chemin sera donc long avant que le système publicitaire tel que nous le connaissons puisse être considéré comme « responsable ». Et à lire les différentes tribunes des acteurs du secteur français depuis six mois, ce dernier semble peu enclin à réellement changer, si ce n’est en ajoutant du « vert », du « éco-responsable » ou du « durable » dans la communication des annonceurs. Les publicitaires voient leur industrie comme « le bras armé de la transition écologique », mais renforcent en réalité des stéréotypes et ralentissent la prise de conscience collective que nous vivons dans un monde dont les ressources sont finies. Ils nous imposent entre 1000 à 2000 messages par jour sans se soucier de notre consentement (écrans agressifs, prospectus non adressés, traceurs numériques…), utilisent des supports énergivores, vantent des produits polluants fabriqués dans des conditions dramatiques, favorisent les gros annonceurs de façon disproportionnée, célèbrent sans fin un monde d’abondance qui n’existe pas.