Élections européennes 2024 – La publicité, thématique banalisée et minimisée

Le dimanche 9 juin 2024 auront lieu comme tous les 5 ans les élections européennes en France métropolitaine, ainsi qu’à partir du 6 juin pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Polynésie française et les Français·e·s établi·e·s sur le continent américain.1 Ce afin d’élire les 81 eurodéputé·e·s représentant la France au Parlement européen à Strasbourg. Ils et elles feront partie du total des 720 représentant·e·s pour l’ensemble des pays membres de l’Union européenne (UE) – contre 705 au précédent mandat, avec 79 eurodéputé·e·s français·e·s.2

Le rôle des représentant·e·s au Parlement est de formuler, discuter et voter les textes législatifs au niveau européen. En France, l’ensemble du territoire est réuni en une circonscription unique, et la répartition des 81 sièges réservés aux élu·e·s s’établit à l’issue du scrutin. Chaque parti ayant rassemblé plus de 5% des suffrages se voit attribuer un nombre de sièges proportionnel à leur classement électoral.3

Si le jeu politique de la constitution des listes candidates4 par certains partis et le procédé démocratique du système électoral actuel peuvent laisser à désirer pour une grande partie de la population, il n’en reste pas moins que la législation européenne a une influence certaine sur les règlementations nationales des pays membres de l’UE.

Cette législation peut tout à fait, selon les compétences de l’UE, concerner le système publicitaire : il existe par exemple une directive qui interdit la publicité et le parrainage transfrontières en faveur du tabac5, ou encore des textes luttant contre les allégations relevant du greenwashing. C’est aussi pourquoi R.A.P. avait soutenu l’initiative citoyenne Ban Fossil Ads, qui demandait l’interdiction européenne des publicités des entreprises fossiles. Bien qu’elle n’ait pas obtenu le nombre de signatures nécessaires pour être examinée, elle aura permis la diffusion des enjeux liés aux publicités climaticides dans toute l’Europe et la mise en place d’une dynamique qui devrait s’inscrire dans les élections à venir.

Au vu des programmes qui détaillent les objectifs des différentes listes, il apparaît toutefois que la question de la publicité n’a, sans grande surprise, pas une place de choix, excepté pour certains partis qui semblent avoir intégré quelques enjeux majeurs.

Image originale libre de droits, pixabay.com
Image originale libre de droits, pixabay.com

Gauche radicale

Du côté de Lutte ouvrière (« Lutte ouvrière – le camp des travailleurs », Nathalie Arthaud), du Parti Communiste Français (avec la Fédération de la gauche républicaine et le Parti communiste réunionnais, pour « La gauche unie pour le monde du travail », Léon Deffontaines) et du Parti des Travailleurs (« Pour le pain, la paix, la liberté ! », Camille Adoue), le sujet de la publicité n’est malheureusement pas évoqué dans leurs programmes et sites respectifs.

Sur le site de La France insoumise (Liste éponyme, Manon Aubry), il se résume à l’intention de « bannir la publicité lumineuse ». Proposition que nous soutenons, sous réserve d’avoir plus de détails sur sa mise en pratique concrète.

Le Nouveau Parti anticapitaliste – Révolutionnaires (« Pour un monde sans frontières ni patrons, urgence révolution ! », Selma Labib) et le Parti révolutionnaire Communistes (« Non à l’Europe capitaliste », Olivier Terrien), à ce jour et à notre connaissance, n’ont pas encore publié leurs objectifs, ni mentionné la publicité dans leurs professions de foi.

L’Association Nationale des Communistes (« Non à l’UE et à l’OTAN, communistes pour la paix et le progrès social », Charles Hoareau), quant à elle, s’oppose à l’UE et souhaite une sortie immédiate de l’OTAN, refusant de fait de proposer des mesures législatives à l’échelle européenne. Elle affirme une position anticapitaliste.

Gauche à Centre

Les Écologistes – EELV (« Europe Écologie », Marie Toussaint), de leur côté, ont le programme qui contient le plus de propositions pour réguler la publicité et le pouvoir des multinationales. Leur liste souhaite « mettre fin aux panneaux publicitaires lumineux notamment dans l’espace public, les transports et les commerces. Elle propose également d’interdire les publicités pour les produits climaticides (issus des secteurs pétro-gazier, chimiques, etc.). » Mais aussi de « créer une loi de séparation des lobbies et des institutions » ou encore « assurer aux Européen·ne·s un droit de ne pas être traqué·e·s en ligne, en encadrant la publicité ciblée privilégiant la publicité contextuelle et en assurant la gratuité du droit à la vie privée en ligne. » Concernant les usages liés au numérique, un objectif affiché est de « renforcer les actions antitrust pour éviter que des entreprises dominent l’ensemble de l’écosystème de la publicité en ligne. »

Par ailleurs, l’un des membres de cette liste actuellement eurodéputé, David Cormand, s’engage depuis quelques années dans la lutte contre l’invasion publicitaire. À l’initiative de la campagne We Skip Ads, nous invitant collectivement et au niveau européen à « zapper » la pub, il recommande entre autres « [d’]établir une liste précise de produits et services dont la consommation est qualifiée de « préjudiciable à la protection de l’environnement, à la santé ou à la sécurité » afin qu’ils fassent l’objet de restrictions publicitaires » et expose les limites de l’autorégulation.

Équinoxe (« Équinoxe : écologie pratique et renouveau démocratique », Marine Cholley) s’engage également à agir dans ce domaine de trois façons :
 – « Interdire les publicités promouvant des activités néfastes pour la santé et l’environnement » ;
 – « Réguler la publicité pour limiter fortement les incitations à la consommation » ;
 – « Interdire la publicité dans les grands médias et remplacer cette source de financement par une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ».

La liste multipartiste « Écologie au centre » (Jean-Marc Governatori) quant à elle, selon sa 73ème mesure, voudrait « interdire les publicités de produits nuisibles au climat, à la nature et à la santé, » sans donner plus de précisions.

Pour Place publique et le Parti socialiste (« Réveiller l’Europe », Raphaël Glucksmann), si sa tête de liste s’est positionnée en faveur de l’encadrement de la publicité du secteur de la fast fashion, rien n’est indiqué concrètement dans le programme.

Nouvelle Donne et Allons Enfants (« Changer l’Europe », Pierre Larrouturou) ont un programme partiellement en cours de rédaction, mais qui mentionne l’indépendance des médias. Leur site renvoie cependant à un programme spécifique à chaque parti. Celui de Nouvelle Donne s’engage à « fixer des règles pour encadrer la publicité de masse sur des produits industriels dont la surconsommation est dangereuse pour la santé, la biodiversité, le climat, voire interdire la publicité sur les transports les plus polluants (trajets en avion, véhicules thermiques de plus de 1,4 T et électriques de plus de 1,8 T). » Celui de Allons Enfants ne parle pas de publicité.

Enfin, rien n’est mentionné concernant la publicité pour les partis/mouvements et listes suivantes : les listes multipartistes « Écologie positive et Territoires » (Yann Wehrling) et « Europe Territoires Écologie » (Guillaume Lacroix), République souveraine et L’appel au peuple (« Nous le peuple », Georges Kuzmanovic), Parti des citoyens européens (« PACE – Parti des citoyens européens, pour l’armée européenne, pour l’Europe sociale, pour la planète ! », Audric Alexandre), Union des démocrates musulmans français (« Free Palestine », Nagib Azergui).

Nous n’avons par ailleurs pas trouvé le programme officiel du micro-parti Écologie politique, pacifisme et objection de croissance Brouette (« Paix et Décroissance », Michel Simonin), ni celui de Démocratie représentative (Liste éponyme, Hadama Traoré).

Centre à Droite

Plus le curseur se déplace à droite sur le spectre des positions politiques, moins la question de la publicité est abordée. Ainsi, elle n’est mentionnée par aucun des partis et mouvements suivants : Ensemble et UDI (« Besoin d’Europe », Valérie Hayer), Résistons (« L’Alliance rurale », Jean Lassalle), Les Républicains (« La droite pour faire entendre la voix de la France en Europe », François-Xavier Bellamy), Fédération citoyenne et Nous Citoyens – France (« Pour une autre Europe », Jean-Marc Fortané).

Autres

Si le Parti animaliste (Liste éponyme, Hélène Thouy) ne fait pas mention d’actions spécifiques dirigées contre la publicité sur son programme, il prévoit malgré tout des dispositions sur l’étiquetage environnemental, ainsi qu’un engagement contre la pollution lumineuse.

Le Parti pirate (Liste éponyme, Caroline Zorn) s’était positionné en faveur de l’interdiction des écrans publicitaires vidéo en 2019, mais le programme de cette année n’en parle pas. Néanmoins, il va dans le sens d’une baisse du pouvoir des multinationales, par exemple via « la création de biens communs, tels que les logiciels libres, les biens culturels gratuits, les outils de brevet ouvert et le matériel éducatif libre et ouvert » ou bien avec la volonté « [d’]interdire l’usage des données à caractère personnel à des fins de profilage. »

Europe Démocratie et Espéranto (« Espéranto langue commune », Laure Patas d’Illiers) n’évoque pas non plus la question publicitaire, bien qu’elle énonce ceci : « pour garantir l’expression et la diversité des opinions, l’indépendance des médias, notamment des grands groupes industriels ou financiers, doit être assurée. » Annonce digne d’intérêt qui reste néanmoins vague.

Pour terminer, la liste multipartiste « Défendre les enfants » (Gaël Coste-Meunier) et La Ruche citoyenne (Liste éponyme, Lorys Elmayan) n’abordent pas directement ce sujet dans leur programme.

Nous n’avons par ailleurs pas trouvé d’informations sur la liste du Changement citoyen (« Pour une humanité souveraine », Léopold-Edouard Deher-Lesaint, surnommé Fidèl’), ni sur celle de « Pour une démocratie réelle : Décidons nous-mêmes ! » (Philippe Ponge).


Nota Bene : concernant les partis d’Extrême droite ou s’en approchant, R.A.P. considère que leurs positions discriminantes excluent et stigmatisent plusieurs groupes sociaux, leur ôtant de fait toute légitimité en tant que représentant·e·s de la population française dans son ensemble au sein de l’UE. Notre association fait donc le choix de ne pas leur donner de visibilité dans cet article.


 

Notes :

1 « Élections européennes de 2024 en France », article Wikipédia, 9 mai 2024.
2 « Tout savoir sur les élections européennes », site du gouvernement français, 18 mars 2024.
3 Liste des groupes et partis politiques européens.
4 « Liste des listes aux élections européennes de 2024 en France », article Wikipédia, 22 mai 2024.
5  Dans les médias autres que la télévision.