Analyse détaillée du décret affichage de la loi Macron

Le gouvernement souhaite la bonne année aux afficheurs !


Le gouvernement a lancé une consultation publique sur le décret « publicité » de la loi pour la croissance et l’activité, dite loi Macron. Cette consultation est programmée du 15/01/2016 au 09/02/2016.

Projet de décret

Un décret dicté par les afficheurs

Nous nous alarmions déjà en septembre, après une réunion de concertation au Ministère, d’un projet de décret à sens unique qui profite de la loi Macron, déjà scandaleuse à elle seule puisqu’elle permet d’implanter des dispositifs énergivores aux formats démesurés sur les stades, pour ajouter des mesures de recul absolu par rapport au Grenelle de l’Environnement qui, en comparaison, pourrait paraître progressiste. La nouvelle version du projet de décret est encore pire que celle proposée en septembre.

Aucune demande des associations n’a été prise en compte dans cette nouvelle mouture. En revanche, les modifications et ajouts sont directement recopiés des exigences de l’industrie publicitaire : le projet de décret donne toujours la possibilité d’installer des scellés au sol, notamment lumineux et numériques, dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants, là où ils ont toujours été interdits ; le gouvernement persiste à ne pas vouloir fixer des seuils de luminance et de consommation électrique des dispositifs lumineux ; pour couronner le tout, le gouvernement revient purement et simplement sur le 12 m2 comme format maximal, en réinstaurant le 16 m2 (voir ci-dessous pour plus de détails).

Mascarade

Les réunions de concertation auxquelles nous participons sont donc une mascarade complète, toutes nos propositions sont ignorées, ce qui montre une fois de plus que les afficheurs tiennent toujours le stylo, et ce, quelle que soit la majorité gouvernementale en place, comme le confirmait une source ministérielle au Canard Enchaîné pendant l’élaboration du décret d’application du Grenelle de l’Environnement [1].

Enfin, ce projet de décret tombe au lendemain de la COP21, censée permettre à nos sociétés d’éviter une hausse de la température moyenne mondiale de plus de 2° C à la fin du siècle. Pour le gouvernement, il ne semble pas y avoir de contradictions à prétendre « sauver le climat » tout en permettant aux publicitaires d’implanter des dispositifs énergivores qui augmentent la pollution lumineuse, et en laissant carte blanche à une industrie dont le but est de pousser à une surconsommation qui est directement responsable de l’augmentation des gaz à effet de serre, sans parler des pollutions diverses ou de la surexploitation des ressources.

Rappelons à toutes fins utiles que JCDecaux, le premier afficheur au monde, faisait partie des partenaires officiels de la COP21. Sur ce point, on pourra accorder au gouvernement une certaine constance dans l’écoblanchiment.

Mobilisation !

Toutes ces mesures sont inacceptables. Il est temps que le gouvernement cesse de faire les lois en recopiant soigneusement les demandes des afficheurs délinquants, pour arriver à un détricotage d’un texte déjà très permissif en matière d’affichage extérieur.
C’est pourquoi il faut participer à la consultation publique en écrivant à cette adresse : Qv2.Qv.Dhup.Dgaln@developpement-durable.gouv.fr (avec contact@antipub.org en copie cachée). Nous vous proposons un modèle de message à envoyer par ce biais. Il est bienvenu de le personnaliser. Un document est en ligne pour s’inspirer.

Pour une action plus rapide, il est possible de participer à la cyberaction proposée par Paysages de France et d’autres associations, dont R.A.P.

Nous vous invitons aussi à signer ces deux pétitions, lancées par Paysages de France.
ALERTE ! les afficheurs font la loi au ministère de l’Écologie : une enquête parlementaire s’impose !
Ségolène Royal, ne livrez pas nos paysages aux afficheurs, ne signez pas ce décret !

Merci de votre participation !

Notes
[1] « Ça vole bâche » Canard Enchaîné du 1er juin 2011.

Pour aller plus loin, le détail du projet de décret

Publicité numérique sur les stades (article 1)

Le projet de décret prévoit prévoit que chaque stade de plus de 15 000 places assises, au nombre de 53 sur toute la France [1], pourra installer dans son emprise entre deux et cinq publicités numériques de 50 m2, visibles de la voie publique [2].
Nous avons calculé qu’une telle mesure pourrait engendrer une consommation annuelle totale de 14,8 GWh [3]. 14,8 GWh par an pour pousser à la surconsommation les spectateurs des stades, mais aussi tous les passants et riverains. Cela représente la consommation annuelle moyenne de plus de 2 000 habitants [4].
Malheureusement, cet article est prévu par la loi et il sera difficile de revenir dessus, puisqu’il a été adopté par les parlementaires lors de la loi Macron. Il reste néanmoins améliorable par la consultation (voir notre lettre type).

Les autres articles, en revanche, ne sont que des cadeaux faits par le gouvernement aux afficheurs. Ils pourraient donc tout à fait être retirés en cas de mobilisation massive lors de cette consultation.

Autoriser des dispositifs là où ils ont toujours été interdits (article 2)

Le gouvernement accède ainsi à la très vieille demande des afficheurs de pouvoir installer des scellés au sol dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants, là où depuis 1979, date de la première loi sur l’affichage extérieur, ce type de support a toujours été interdit.

Publicité lumineuse (article 3 et 5)

Le projet de décret tranche aussi sur la question des seuils de luminance des publicités lumineuses. Alors qu’un arrêté pour les fixer était attendu depuis 2012, le gouvernement propose de ne parler que d’ »éblouissement », notion suffisamment floue pour autoriser le pire en termes de consommation électrique et de pollution lumineuse, éblouissement apprécié a posteriori par l’autorité compétente en matière de police de la publicité.

L’article 5 prévoit en outre que le mobilier urbain puisse accueillir des publicités lumineuses, notamment numériques, dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants. Encore une source de gabegie énergétique et de pollution lumineuse dans des agglomérations qui ont toujours été protégées.

Légaliser des dispositifs rendus illégaux par le Grenelle de l’affichage (article 4)

Mieux, grâce à un article un peu technique, le décret tel qu’il est rédigé permet aux afficheurs de ne pas mettre en conformité un nombre impressionnant de panneaux 4×3, rendus illégaux par le décret n° 2012-118 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes qui a fait passer le format maximum d’une publicité de 16 m2 à 12 m2. Cette modification est d’ailleurs illégale puisqu’elle consiste à modifier la portée d’un article de loi (L581-3) par simple décret. Notons au passage que le gouvernement proposait, en septembre, des moulures de 25% de la surface totale des dispositifs. Ce pourcentage est passé à 35% dans le projet de décret proposé ici.

Notes

[1] Télécharger la liste des 53 stades Décret Macron Affichage Liste des stades

[2] Le nombre de panneaux possibles est fonction de la taille de l’unité foncière. Voir l’article R581-25 du code de l’environnement pour plus de détails (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220&idArticle=LEGIARTI000006839705&dateTexte=&categorieLien=cid)

[3] Prenant la consommation d’un écran numérique de 267 W/m2, tiré d’un cas réel, nous avons calculé la dépense énergétique totale de cette mesure si tous les stades se munissaient simplement de trois panneaux chacun.
Un panneau numérique de 50 m2 consomme donc : 13 350 W
Fonctionnant 19h par jour (soit 6935 h par an), il consomme annuellement 92 580 kWh.
Avec une moyenne de trois écrans par stades, soit 160 pour les 23 stades, on aboutit à une consommation annuelle totale de ce parc de 14 812 800 kWh.

[4] Population totale de la France en 2013 : 65,6 millions de résidents (source https://fr.wikipedia.org/wiki/Chiffres_de_population_de_la_France#D.C3.A9finitions)
Consommation totale d’électricité en France en 2014 : 465,3 TWh (source RTE http://www.rte-france.com/sites/default/files/bilan_electrique_2014.pdf)
Soit une consommation moyenne par habitant de 7 088 kWh

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