Afin de persuader la CNIL que nous sommes nombreux à ne pas vouloir être pistés par une horde de publicitaires avides de données personnelles dès que l’on sort de chez soi, RAP vous invite à interpeller la CNIL à propos des capteurs d’audience et de fréquentation dont nous détaillons le principe dans ce dossier.
Nous avons envoyé une lettre avec le collectif Souriez, vous êtes filmés, disponible ici.
Pour ce faire, deux possibilités sont offertes :
– Envoyer un courrier papier en imprimant ce document, en ajoutant vos nom, prénom, adresse et signature en début et fin de document (texte en rouge) à la CNIL :
Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
8, rue Vivienne
CS 30223
75083 Paris cedex 02
– Envoyer ce même document, après modification nominative, par fax au :
01 53 73 22 00
La CNIL n’accepte malheureusement pas de sollicitations électroniques de ce type.
N’hésitez pas à envoyer un courriel à contact@antipub.org pour nous indiquer si vous avez participé. Merci !
*****************************
Objet : dispositifs d’analyse du comportement des consommateurs
Madame, Monsieur,
A l’heure où des sociétés commencent à commercialiser des capteurs d’audience et de fréquentation [1], je me permets d’attirer votre attention sur plusieurs points que vous n’avez jamais abordés lors des rares avis que vous avez émis sur ces dispositifs.
Loi sur la vidéosurveillance
Je m’étonne qu’il soit plus facile d’installer une caméra de surveillance à des fins publicitaires que pour assurer la protection et la sécurité des personnes et des biens matériels, les caméras de vidéosurveillance étant soumises à autorisation préfectorale.
La loi de 1995 dispose que l’on peut installer des caméras de surveillance dans les endroits ouverts au public, mais uniquement pour assurer la protection et la sécurité des biens et des personnes. Le législateur a défini les limites strictes du champ d’application à ces critères, dans l’idée de fixer un cadre précis qui ne doit pas être dépassé.
Si l’on suit l’esprit de la loi, les dispositifs d’analyse du comportement des consommateurs ne sauraient être autorisés.
Néanmoins, s’ils sont effectivement soumis à la loi n°78-17 du 6 juillet 1978 comme vous semblez l’entendre, ces dispositifs posent tout de même des questions sur lesquelles il serait rassurant de vous voir prendre position.
Sur le consentement des personnes concernées
L’article 7 de la loi de 1978 prévoit qu’un « traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée »
Or, dans votre avis du 19 avril 2010, vous affirmez que « Les données ainsi collectées […] sont des données à caractère personnel dans la mesure où elles peuvent permettre d’identifier une personne physique » et que « par conséquent, la loi « informatique et libertés » s’applique pleinement à ces dispositifs. »
De ce fait, ces dispositifs sont soumis à l’obligation de recueillir le consentement des personnes concernées prévu par l’article 7, puisqu’ils ne répondent à aucune des cinq conditions, prévues par ce même article, permettant d’en être exempté.
S’ils ne respectent pas cette obligation, les capteurs d’audience et de fréquentation sont donc illégaux au regard de la loi que la CNIL est censée faire respecter.
Collecte de manière loyale et licite : information et droit d’opposition
L’article 6 de la loi de 1978 prévoit que « les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ». Vous le rappeliez dans votre avis du 19 avril 2010 : pour collecter des données personnelles, il faut que les personnes concernées soient informées de la collecte. Vous précisiez alors : « Une information claire doit être affichée dans les lieux où sont mis en place ces dispositifs afin de garantir une réelle transparence vis-à-vis du public. Cette information doit, notamment, préciser la finalité du dispositif et l’identité de son responsable. »
Or, à l’heure actuelle, si des dispositifs de mesure automatique d’analyse du comportement des consommateurs ont été installés, aucun affichage de ce type n’a été mis en place à ma connaissance.
Il me semblerait aussi nécessaire que vous vous prononciez sur la possibilité d’exercer son droit d’opposition pour les personnes concernées (article 38 de la loi de 1978). Nous devrions en effet pouvoir refuser d’être pistés à des fins d’analyse pour des études dont la finalité est purement commerciale. A plus forte raison lorsque ces capteurs sont disposés dans des magasins mais collectent les données des personnes dans l’espace public (caméra donnant sur la rue dans les vitrines, récupération des identifiants des téléphones des passants, etc.).
La question est d’autant plus préoccupante qu’il est très facile de recouper les données issues de ces capteurs avec les données de caisse, et ainsi de pouvoir faire correspondre un identifiant anonyme avec un acte d’achat nominatif (carte bancaire, chèque…).
Les récentes avancées en matière de reconnaissance faciale [3] devraient aussi être abordées. Une interdiction absolue de ce type de technologies me paraît plus que légitime au regard des dérives que l’on peut craindre.
Surveillance des salariés
J’attire aussi votre attention sur le fait que les capteurs de fréquentation permettent aussi d’exercer un contrôle sur les salariés. C’est même l’un des arguments de vente de la société TrendCube [4] qui se vante de pouvoir analyser une baisse de chiffre d’affaires au regard du trafic détecté pour définir si la performance de l’équipe commerciale est bonne ou mauvaise.
Cette société vantant par ailleurs le fait que son capteur est de « petite taille » et qu’il « se dissimulera facilement sous votre caisse » [5], nous pouvons réellement nous inquiéter de l’information donnée aux salariés comme l’exige tout système de surveillance les concernant.
Dans l’attente d’une réponse détaillée à ces questions, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de ma considération la plus distinguée.
_______________________
Notes :
[1] Quvidi (http://www.quividi.com/fr/), Eikeo (ex-Majority Report http://www.eikeo.com/), Smart Flows (http://www.smart-flows.com/) ou encore TrendCube (http://www.trencube.com/)
[2] « Ecrans publicitaires du métro parisien : illégalité et illégitimité du système », RAP juillet 2009
https://antipub.org/wp-content/uploads/2014/05/Dossier_CNIL_v.3.1-1.pdf
[3] « Reconnaissance faciale : un algorithme a battu les humains », Futura-Sciences.com du 25 avril 2014 (http://www.futura-sciences.com/magazines/high-tech/infos/actu/d/technologie-reconnaissance-faciale-algorithme-battu-humains-53475/)
[4] http://www.trencube.com/etudes-de-cas/votre-equipe-commerciale-elle-performante/
[5] http://www.trencube.com/comment-ca-marche/