Lettre de soutien aux Déboulonneurs en procès le 28 janvier 2019

À l’occasion du procès des Déboulonneurs qui se tiendra le 28 janvier, Résistance à l’Agression Publicitaire apporte son soutien au collectif qui lutte depuis 2005 pour la réduction des formats et de l’impact de la publicité extérieure.

Information Pratiques : procès le lundi 28 janvier 2019 à 13h30 (se présenter une heure avant) cour d’appel de Paris (Pôle 4 chambre 10), 10 Boulevard du Palais, M° Cité

Pour plus d’informations

Il est possible d’aider les Déboulonneurs à financer leur défense, par ici.

Notre lettre de soutien

Paris, le 15 janvier 2019

Mesdames et Messieurs les Magistrates et Magistrats de la 10e Chambre de la Cour d’Appel de Paris,

Depuis plus de 25 ans, les membres de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire (R.A.P) se battent légalement contre l’invasion publicitaire et son incidence sur l’environnement et la société. Nos actions consistent d’une part en l’organisation de différentes mobilisations pour sensibiliser les citoyens, et d’autre part, en interpellant les décideurs nationaux et locaux, pour leur démontrer les méfaits de l’abus de publicités.

Entre 2009 et 2012, R.A.P. a notamment pris part aux travaux du « Grenelle de l’environnement » en matière de publicité extérieure, en participant aux différentes réunions de concertation avec le ministère de l’Écologie et en proposant des amendements pour répondre aux enjeux.

En 2011, lors de la consultation publique sur le projet de décret relatif à l’affichage publicitaire organisée par le gouvernement, différentes associations dont R.A.P. ont appelé les citoyens à exprimer leurs souhaits au sujet de la publicité. Malgré les 7000 contributions, dont 90 % appelaient à une plus grande restriction de l’affichage extérieur, le décret, paru en 2012 n’a repris aucune des revendications de la majorité des contributions pour ne garder que celles des afficheurs, beaucoup plus permissives en la matière.

En janvier 2016, le gouvernement a une nouvelle fois modifié l’article L581-7 du code de l’environnement. Cet article phare en matière de protection du cadre de vie, puisqu’il interdisait toute publicité hors agglomération, était donc encore une fois mis à mal par une dérogation. En effet, le Grenelle de l’environnement avait déjà permis d’implanter des panneaux publicitaires dans les aéroports, les gares routières et ferroviaires, hors agglomération. En 2016, la dérogation s’est élargie aux stades de plus de 15 000 places assises, permettant d’installer des panneaux, notamment numériques, jusqu’à 50 m².

Notre association est présente dans 25 villes en France où des adhérents participent à différentes réunions publiques concernant les Règlements locaux de publicité des intercommunalités. Leur but étant de limiter l’invasion de la publicité dans l’espace public, que se soit le nombre ou la taille de ces panneaux. Depuis quelques années, un nouveau type de panneaux a fait son apparition, il s’agit des panneaux vidéo ou écrans numériques. Nous en avons fait notre campagne prioritaire en 2018 et 2019, tant leur présence nous inquiète par leur triple pollution :

Pollution visuelle : l’œil humain est attiré par ces écrans animés et la lumière qu’ils émettent. Ils devraient donc être considérés comme une source de danger pour la sécurité routière, détournant l’attention des automobilistes. Ainsi, en Belgique, les écrans numériques de ce type sont interdits sur les routes1.

Pollution énergétique et climatique : à l’heure où les prix de l’énergie augmentent et où les citoyens doivent se serrer la ceinture en conséquence, les publicitaires poursuivent un gaspillage énergétique sans précédent, peuvent assécher les dernières gouttes de matières premières, rejeter toujours plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et peser sur la création de nouveaux déchets radioactifs. A titre d’exemple, un bilan carbone réalisé avec la méthode de l’Ademe, démontre que l’on arrive à 1 244 kg CO2/an pour les écrans numériques, contre 125 kg CO2/an pour les affiches papier 4 x 32. Les experts de l’association NégaWatt ont réalisé des études de scénarios de transition et de sobriété énergétique d’ici à 2050, où ils prônent une forte régulation de la publicité et notamment une interdiction des écrans animés3.

Pollution mentale : nous recevons entre 1 200 et 2 200 messages publicitaires par jour et plus de 15 000 stimuli commerciaux4. Les écrans animés s’ajoutent à ces chiffres, alors même qu’ils sont, selon les dires des chercheurs en sciences cognitives, en partie responsables de la surcharge cognitive. De plus, ces nouveaux dispositifs nous imposent encore plus de messages aux images et aux normes agressives, et vont à l’encontre de l’intérêt général. Des travaux récents de sciences sociales et de sciences de l’information et de la communication précisent les effets de la publicité sur les comportements sociaux et environnementaux des citoyens en société.

Ces écrans s’ajoutent partout aux dispositifs existants, aggravant l’invasion publicitaire, saturant nos champs de vision, défigurant nos espaces de vie. Il est urgent de réagir maintenant, avant qu’ils ne soient installés plus massivement, et que le mal ne soit plus difficile à réparer. Après l’arrivée des premiers écrans numériques, R.A.P. a lancé plusieurs alertes quant à l’agression qu’ils représentent. Notre action n’a pas fait reculer les décideurs, même si elle a contribué à sensibiliser le public5.

Nos campagnes, nos participations aux différentes concertations, tant au niveau local que national, sont restées sans écho. Constatant les limites de nos actions légalistes, nous comprenons que certains militants aient recours à des actions de désobéissance civile pour tenter d’alerter les pouvoirs publics des dangers de la publicité dans l’espace public. Nous soutenons donc les Déboulonneurs qui comme R.A.P. ont comme principale revendication la liberté de réception de tous ces messages que l’on nous impose de force à longueur de journée.

Héloïse CHIRON, présidente de l’association sistance à l’Agression Publicitaire


Notes

L’article 80-2 du code de la route interdit de donner une luminosité d’un ton rouge ou vert à tout panneau publicitaire, enseigne ou dispositif se trouvant dans une zone s’étendant jusqu’à 75 mètres d’un signal lumineux de circulation.

4 Publicité, « part de cerveau disponible »… et libre-arbitre, Arnaud Pêtre, chercheur en neuromarketing à l’UCL : http://www.etopia.be/spip.php?article569