Signons la lettre ouverte contre les publicités fossiles à la COP27 !

À l’occasion de la COP27 qui se tiendra en Égypte du 7 au 18 novembre 2022, RAP fait partie des signataires de la lettre ouverte pour l’interdiction des publicités et du sponsoring des entreprises fossiles. Provenant d’une coalition d’associations luttant contre les publicités climaticides, cette lettre requière l’interdiction de la propagande des entreprises fossiles lors d’un événement qui constitue, pour des centaines de représentant·es d’entreprises polluantes, une occasion de plus de faire valoir leurs intérêts privés. La version ci-dessous est traduite depuis l’anglais. 

À Abdel Fattah El-Sisi, président de la COP27, aux membres de la délégation égyptienne et aux membres du secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) :

Par cette lettre, nous, une coalition mondiale de professionnel·les de la santé, de scientifiques, d’ONG et de militant·es, vous demandons instamment d’interdire les publicités et le sponsoring de l’industrie fossile lors de la COP27. Le gouvernement britannique a interdit aux compagnies pétrolières et gazières de conclure des accords de sponsoring lors de la COP26 à Glasgow, car les organisateur·ices ont admis que les allégations de l’industrie pétrolière concernant l’atteinte de l’objectif « zéro émission » ne tenaient pas la route et que leurs plans d’affaires actuels sapaient directement les objectifs de l’accord de Paris sur le climat [1].

Au vu des précédentes conférences tenues par la CCNUCC, nous nous attendons à ce que l’industrie fossile cherche à sponsoriser la COP27 et à faire de la publicité dans et autour des espaces de négociation. Nous demandons donc à la CCNUCC d’agir conformément au dernier rapport du GIEC, qui affirme que « sans mesures d’atténuation urgentes, efficaces et équitables, le changement climatique menace de plus en plus la santé et les moyens de subsistance des populations du monde entier, la santé des écosystèmes et la biodiversité ». Il indique également que limiter le réchauffement de la planète à 2,0 ou 1,5 °C implique des réductions rapides et profondes des gaz à effet de serre, ce qui nécessite une transition vers la fin des énergies fossiles[2].

Cela signifie qu’il faut cesser toute collaboration avec l’industrie fossile, en l’occurrence les entreprises produisant les combustibles fossiles, les compagnies aériennes et les constructeurs automobiles. Nous demandons donc instamment à la CCNUCC de suivre l’exemple du  gouvernement britannique lors de l’organisation de la COP26 et de ne pas accepter le sponsoring de l’industrie fossile, ainsi que d’interdire ses publicités lors de la COP27 en Égypte.

La crise climatique est reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme la plus grande menace du XXIe siècle pour la santé humaine[3]. Responsable de 89 % des émissions annuelles de CO2, l’industrie fossile alimente la crise climatique et la pollution atmosphérique. Chaque année, 13 millions de personnes meurent de causes environnementales évitables, parmi lesquelles la pollution atmosphérique due à la combustion des énergies fossiles qui entraînerait près de 8 millions de décès par an [4][5].

Par le biais du marketing et du sponsoring, les entreprises fossiles encouragent et normalisent l’utilisation des énergies fossiles à une époque où nous devrions de toute urgence les éliminer progressivement. Depuis des décennies, les entreprises fossiles, les compagnies aériennes et les constructeurs automobiles dépensent des milliards de dollars en publicité. Une analyse approfondie d’InfluenceMap a révélé que TotalEnergies, Shell,Chevron, ExxonMobil et BP, les cinq supergrands groupes pétroliers, dépensent 750 millions de dollars par an pour se présenter comme proactifs dans la lutte contre la crise climatique; alors que leurs activités principales sont la recherche et l’exploitation du pétrole et du gaz [6]. Leurs publicités nous font croire qu’elles agissent pour le climat, alors que leurs investissements réels démontrent le contraire. Par exemple, Shell et TotalEnergies ont investi, entre 2018 et 2020, 3-5% (Shell) et 10-14% (TotalEnergies) dans les énergies renouvelables alors que leurs publicités parlent à 81% (Shell) et 55% (TotalEnergies) de « solutions » vertes à la crise climatique[3].

La publicité ne se contente pas de tromper les consommateur·ices, elle influence également les décideur·euses politiques. Les publicités de l’industrie fossile fleurissent généralement autour des moments importants de la prise de décision politique, comme lors de la COP27[7]. Par le biais du sponsoring, ces entreprises font avancer leur propre agenda et se  présentent comme des compagnies vertes et durables menant une transition énergétique effective. En réalité, elles alimentent la crise climatique, retardent l’adoption d’une action climatique efficace et promeuvent de fausses « solutions » climatiques visant à accroître leurs propres profits, altérant ainsi la capacité des écosystèmes à prospérer et à préserver la santé mondiale. La publicité et le financement d’événements importants pour la prise de décision en matière de climat constituent un outil utilisé par l’industrie fossile pour acheter des licences sociales dans le but de retarder l’adoption de réglementations environnementales plus strictes. Mais la science est très claire : nous devons confronter les dynamiques de pouvoir actuelles au sein du processus décisionnel en matière de climat et nous attaquer aux intérêts particuliers de l’industrie fossile pour parvenir à l’action climatique nécessaire.

À l’instar de l’industrie du tabac, l’industrie fossile a délibérément créé de la désinformation et de la confusion autour des impacts sociaux et écologiques néfastes de ses produits, empêchant ainsi la population de prendre conscience des effets dangereux de cette industrie sur la santé mondiale[8]. La Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’OMS a permis de réduire le pouvoir de lobbying de l’industrie du tabac et d’empêcher le sponsoring et la publicité de ses produits et services[9]. À l’échelle mondiale, la pollution atmosphérique causée par les combustibles fossiles provoque désormais plus de décès par an que le tabac. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, a qualifié la pollution atmosphérique de « nouveau tabac »[10]. Pourtant, aucune législation de ce type n’a été mise en place en ce qui concerne l’industrie fossile.

La restriction de la publicité et du sponsoring en faveur des combustibles fossiles est une condition préalable nécessaire et indispensable pour éliminer progressivement les énergies fossiles et lutter contre la poursuite du dérèglement climatique. Le GIEC cite la régulation des publicités parmi les mesures permettant d’atteindre un potentiel de réduction des émissions de 40 à 70 % via un changement de comportement de masse[11]. Les scientifiques de Potsdam désignent l’interdiction des publicités fossiles comme l’une des interventions qui conduiront à un point de basculement social, nécessaire pour  maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 °C[12].  Et les recherches de Diana Ivanova et al. désignent l’interdiction des publicités pour les vols, les voitures et les biens à haute teneur en carbone comme une mesure d’atténuation à fort potentiel[13]. De même, la Cambridge Sustainability Commission on Scaling Behavior Change et le PNUE identifient l’interdiction de la publicité pour les véhicules les plus énergivores en carburants fossiles et sa restriction pour les compagnies aériennes comme des mécanismes de changement de mode de vie ayant un grand potentiel d’atténuation substantielle des émissions [14][15].

Dans le monde entier, un mouvement en pleine expansion appelle à l’interdiction des publicités des entreprises fossiles. De telles restrictions sont en train d’être mises en place à échelles diverses en France, aux Pays-Bas et dans plusieurs conseils municipaux du Royaume-Uni et d’Australie. D’autres campagnes sont en cours de discussion au sein de l’UE et au Canada. L’interdiction de certaines publicités fossiles par la ville d’Amsterdam a eu d’énormes retombées. Elle a conduit, entre autres, au lancement d’une initiative citoyenne européenne visant à interdire les publicités fossiles avec une coalition de nombreuses organisations dirigée par Greenpeace Pays-Bas, une pétition reconnue et pré-approuvée par la Commission européenne.

Nous demandons à la CCNUCC d’agir conformément à l’impact néfaste des énergies fossiles sur la santé mondiale et de cesser de collaborer avec l’industrie fossile. Nous demandons donc instamment à la CCNUCC de suivre l’exemple du gouvernement britannique lors de l’organisation de la COP26, et ainsi de ne pas accepter le sponsoring de l’industrie fossile et d’interdire ses publicités dans et autour des espaces de négociation de la COP27.

Signer et diffuser la lettre 

 

[1] Taylor M. (2021, october 21). No formal Cops26 role for big oil amid doubts over firms’ net zero plans. https://www.theguardian.com/environment/2021/oct/21/no-formal-cop26-role-for-big-oil-amid-doubts-over-firms-net-zero-plans
[2] Pörtner, H. O., Roberts, D. C., Adams, H., Adler, C., Aldunce, P., Ali, E., ... & Fischlin, A. (2022). Climate change 2022: Impacts, adaptation and vulnerability. IPCC Sixth Assessment Report.
[3] Greenpeace Netherlands and DeSmog (2021) Words vs actions: The truth behind fossil fuel advertising. https://www.greenpeace.org/nl/klimaatverandering/47999/ words-vs-actions/
[4] Torjesen, I. (2021). Fossil fuel air pollution blamed for 1 in 5 deaths worldwide.
[5] Vohra, K., Vodonos, A., Schwartz, J., Marais, E. A., Sulprizio, M. P., & Mickley, L. J. (2021). Global mortality from outdoor fine particle pollution generated by fossil fuel combustion: Results from GEOS-Chem. Environmental Research195, 11
[6] Influencemap.org. 2022. Big Oil's Real Agenda on Climate Change. September 2022. https://influencemap.org/report/Big-Oil-s-Agenda-on-Climate-Change-2022-19585
[7] Brulle, R. J., Aronczyk, M., & Carmichael, J. 2020. Corporate promotion and climate change: an analysis of key variables affecting advertising spending by major oil corporations, 1986–2015. Climatic Change, 159(1), 87-101
[8] Cook, J., Supran, G., Lewandowsky, S., Oreskes, N., & Maibach, E. (2019). America Misled: How the fossil fuel industry deliberately misled Americans about climate change. George Mason University Center for Climate Change Communication.
[9] World Health Organization. (2004). WHO framework convention on tobacco control (No. SEA-Tobacco-6). WHO Regional Office for South-East Asia.
[10] Carrington D and Taylor M. (2018, oktober 27) Air pollution is the ‘new tobacco’, warns WHO head. The Guardian. https://www.theguardian.com/environment/2018/oct/27/air-pollution-is-the-new-tobacco-warns-who-head

[11] IPCC, 2022: Climate Change 2022: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [H.-O. Pörtner, D.C. Roberts, M. Tignor, E.S. Poloczanska, K. Mintenbeck, A. Alegría, M. Craig, S. Langsdorf, S. Löschke, V. Möller, A. Okem, B. Rama (eds.)]. Cambridge University Press. In Press.[12] Otto, I. M., Donges, J. F., Cremades, R., Bhowmik, A., Hewitt, R. J., Lucht, W., ... & Schellnhuber, H. J. (2020). Social tipping dynamics for stabilizing Earth’s climate by 2050. Proceedings of the National Academy of Sciences117(5), 2354-2365.
[13] Ivanova, D., Barrett, J., Wiedenhofer, D., Macura, B., Callaghan, M., & Creutzig, F. (2020). Quantifying the potential for climate change mitigation of consumption options. Environmental Research Letters15(9), 093001.
[14] UNEP, U. (2020). Emissions gap report 2020. UN environment programme.
[15] Newell, P., Twena, M., & Daley, F. (2021). Scaling behaviour change for a 1.5-degree world: challenges and opportunities. Global Sustainability4.
[16] Reclame Fossielvrij. Worldwide initiatives to ban fossil fuel advertisements. <https://verbiedfossielereclame.nl/only-words/>. Accessed 13 September 2022.