Première condamnation pénale pour une société d’affichage sauvage

Ce mercredi 28 août se tenait le premier procès d’une société d’affichage sauvage en correctionnelle. La société a été condamnée à la peine maximale ainsi que son dirigeant, mais assortie de sursis pour ce dernier.

Sur une façade d'immeuble, un pan entier recouvert d'affichages sauvages.

Urban Act. Ce nom résonne dans l’enceinte des locaux de RAP depuis des années. Cette agence spécialisée dans ce qu’on appelle dans le secteur la « guérilla marketing » est dans le collimateur de notre association pour être la plus importante dans ce créneau. La « guérilla marketing », c’est le nom plus vendeur pour parler d’affichage sauvage, soit le fait d’apposer des publicités à des endroits interdits et/ou sans autorisation.

Après des années à voir ces agences jouer au chat et à la souris avec les services de propreté de la ville de Paris, le parquet s’est enfin décidé à poursuivre Urban Act, pour une vingtaine d’opérations entre 2017 et 2021, dont celle de la fresque quai de Valmy en 2017. C’est donc à la 31e chambre correctionnelle du tribunal de Paris que s’est tenu le procès de l’agence et de son dirigeant. La Ville de Paris était partie civile, ainsi que RAP qui a aussi pu se porter partie civile et apporter son témoignage sur cette pratique que la Ville peine à endiguer depuis tant de temps. Le dirigeant n’a pas daigné se présenter à l’audience, arguant qu’il était en vacances. Soit.

Nous faisions une recension du phénomène dans le bilan du précédent mandat de Paris (2014-2020), rappelant les différents vœux votés en Conseil municipal ainsi que les déclarations des élu·es qui aimeraient faire autre chose que nettoyer les murs après le passage de ces agences qui collent de manière industrielle dans une ville qui compte déjà des dizaines de milliers de supports publicitaires, que nous dénonçons par ailleurs, mais qui restent, eux, légaux. Les élu·es de Paris attendaient la compétence accordée aux villes de pouvoir appliquer directement des amendes administratives pour essayer de gonfler les factures (1500 € par affiche) alors que précédemment elle ne pouvait que facturer les frais de nettoyage via des constats de recouvrement d’affiches (environ 500 € par endroits nettoyés, mais qui peuvent contenir plusieurs affiches). Cette nouveauté légale qui existe depuis le 1er janvier 2024 a déjà permis à la Ville de dresser pour plusieurs centaines de milliers d’euros d’amendes à diverses agences et annonceurs.

C’était donc au tour du parquet de rappeler à l’ordre l’agence la plus visible et la plus active de ce créneau. La procureure a fait une plaidoirie que ne renierait pas notre association, s’étonnant qu’une société s’assoie ainsi sur des règles qui ne souffrent d’aucun vide juridique, en étrillant la défense qui arguait que les affichages étaient « éphémères » ou faits à partir de papier recyclé, rappelant qu’un papier, tout recyclé ou recyclable qu’il soit, reste un déchet à traiter par la collectivité. Elle a aussi regretté que la mal nommée loi « climat et résilience » ait modifié l’article L581-34 du code de l’environnement, qui permettait, avant le 1er janvier 2024, d’appliquer des amendes autant de fois qu’il y avait de publicités. Pour cette raison, elle a plaidé la peine maximale pour le dirigeant, soit 7500 €, assortie d’une interdiction d’exercer pendant trois ans. Et pour la société, 37500 €, soit cinq fois le montant prévu pour une personne physique, applicable aux personnes morales.

Le juge a suivi en partie la procureure en prononçant une amende de 37500 € à Urban Act, 7500 € dont 5000 € avec sursis pour son dirigeant, ainsi qu’une obligation de publicité du jugement sur le site de la société ainsi qu’un encart dans le journal Le Parisien. Il n’a cependant pas retenu l’interdiction d’exercer pour le dirigeant. En tant que partie civile, RAP a obtenu un euro symbolique. Le préjudice de la Ville de Paris sera traité dans un second temps, le 15 janvier 2025.

Nous regrettons que le dirigeant n’ait pas été présent pour expliquer face au juge pourquoi il s’affranchissait ainsi de la loi depuis si longtemps, car plus que le montant des amendes, qui restent anecdotiques pour une société au chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros par an, le mauvais quart d’heure passé devant un juge peut avoir un effet dissuasif. Par la voie de son avocat, il a assuré être en train de changer de modèle économique, comme il nous l’écrivait l’an dernier après que nous lui avons envoyé un courrier pour lui demander de cesser.

Espérons que ce premier procès pénal pour ce type d’agences fasse réfléchir les autres. Mais au regard des peines encourues, nous craignons que ce ne soit encore pas suffisant.