Dur, dur d’être étudiant ! La faculté se présente comme un nouvel univers pour les anciens lycéens ou adultes en reprise d’étude. Afin de faciliter leur intégration, les facultés et les associations étudiantes mettent en œuvre de nombreuses actions afin de les soutenir dans leurs différentes démarches. Malheureusement, ces bonnes intentions ne sont pas partagées par toutes les associations ni toutes les facs, qui pour des euros sont prêtes à renoncer à leur mission. C’était le cas à la rentrée 2012 à l’université de Nanterre où la banque LCL était autorisée à venir dans le hall du bâtiment juridique faire de la publicité, c’est le cas aujourd’hui à la fac de Versailles St-Quentin-En-Yvelines où l’association juristribune promeut cette dernière.
Quand la faculté et les associations étudiantes ne servent plus les intérêts des étudiant-e-s
La publicité est un message de propagande visant à faire adopter une idée ou un comportement à la multitude. Les universités ou les associations entrant dans une dépendance financière et contractuelle à l’égard d’une banque ou autre perdent mécaniquement l’autonomie qui les caractérisait et ne peuvent plus répondre de façon pertinente au besoin d’information de leur public. J’écris bien information, il est nécessaire de distinguer la propagande de l’information. La propagande est un discours visant à persuader qu’une chose est bonne même si elle ne l’est pas en réalité, elle ferme le champ des possibles de l’individu qui la subit en tentant de la charmer et de l’orienter dans une direction qui n’est pas forcément son intérêt. L’information, elle, rend libre, parce qu’elle est plus neutre, vérifiée et fondée sur la raison. Elle ne vise pas à la promotion d’un produit ou une idée mais à transmettre des éléments factuels à la personne qui la reçoit de façon à ce qu’elle puisse faire un choix en conscience.
La nature de l’offre n’est pas en question
L’association étudiante ou l’université vend un espace visuel de façon à ce que la banque puisse faire passer son message sans médiation. Quelque soit la nature de l’offre faite par la banque, elle ne peut être d’intérêt général car pas d’intermédiaires membre de la communauté universitaire pour la traiter. La banque reste totalement maitresse de son message. Aucune analyse critique en fonction des préoccupations des étudiant-e-s ou de travail de comparaison avec d’autres banques n’est réalisé. Le but du format publicitaire est justement d’échapper à ce traitement pour frapper avec plus de facilité les esprits. Or, l’intérêt de la banque est de capter de nouveaux clients pour ouvrir de nouveaux comptes bancaires. Ce qui n’est pas l’objectif d’une faculté ou d’une association étudiante.
Ce manquement aux objectifs et la perte d’autonomie de l’université vis à vis de ses membres est d’autant plus inquiétantes qu’elle semble se répandre comme une trainée de poudre. À mesure que les moyens s’amenuise, l’université cherche de nouvelles sources de financement et la publicité se vend comme une source de revenus « gratuite ». Or rien n’est plus trompeur. Il s’agit en réalité d’une marchandisation du temps d’attention des membres de la communauté universitaire, qui est captée au détriment d’une information plus sérieuse et soucieuse de l’autonomie de l’étudiant.
Sécuriser l’accès à l’information de l’étudiant
Il est urgent que les étudiant-e-s se préoccupent de leur environnement mental. Ce n’est ni banal ni normal de subir une tentative de persuasion de la part d’une banque en milieu universitaire. Et demain, ce sera quoi ? La pub pour la voiture électrique ?[1] Pour des boissons énergétique ?[2] Ah non, ça a déjà eu lieu !
Nous sommes dans une société de la communication où nous ne cessons de recevoir des messages inutiles. Notre capital cognitif, notre capacité à percevoir les choses au cours d’une journée, est limité. L’université doit demeurer un lieu de savoir où la quiétude est entretenue de façon à favoriser la recherche, et que ce capital cognitif serve la science plutôt que la bêtise.
Antonin Moulart, administrateur de l’association R.A.P.
[2] L’ESQYV, journal étudiant de l’UVSQ (2008) n°12 P. 12