La mairie de Paris annonce toute fière qu’elle va se doter d’un règlement local de publicité très restrictif, jouant les grands défenseurs de l’espace public et du patrimoine. Tout ceci mérite un peu de décryptage… Quel est le vrai bilan de ce nouveau règlement de publicité parisien ?
La fin des 4×3 … mais le début des 8m² déroulants
Le RLP de Paris version 2011 prévoit comme celui de 2007, une réduction des formats de 12 m² à 8 m². C’est effectivement un geste symbolique fort puisque les 4×3 sont depuis longtemps la verrue des paysages urbains et péri-urbains. Mais 8 m² cela reste très grand et il est difficile de faire la différence ! Par exemple, les grands panneaux sur mats sont à 8 m².
Car la tendance des afficheurs est déjà de passer au 8m². Le panneau est alors déroulant. Non seulement il gaspille de l’énergie mais il permet de caser 2 à 3 fois plus d’affiches publicitaire. Et le mouvement attire l’oeil et constitue ainsi une agression publicitaire supplémentaire.
30% de panneaux en moins … et combien en plus ?
Avec la fin des ZPE (Zones de publicité élargies), on attend effectivement 30% de panneaux grands formats en moins. C’est surtout dans des zones dévastées comme aux abords du périphérique que cela aura le plus d’effet.
Une règle de densité permettra ainsi de vraiment faire baisser le nombre de panneaux et on peut s’en réjouir.
Mais… sans aucun RLP ce serait 80% des panneaux qui tomberaient car le RLP est plus permissif que la loi générale, notamment en ce qui concerne les panneaux aux abords des monuments historiques (il y en a beaucoup à Paris !).
Et surtout le RLP de Paris a pris une décision qui pourrait bien revenir au même en terme de nombre d’affiches, puisque le RLP permet de mettre de la publicité sur les bâches de chantier, quelque soient les travaux, avec une surface de 16m². A raison d’une moyenne de 60 chantiers de ravalement à Paris par mois, cela fait 60 affiches publicitaires de 16 m², soit l’équivalent de 120 panneaux de 8m² !
Alors va-t-on vraiment avoir moins de publicité dans les rues ?
L’interdiction de la pub autour des écoles
Cette mesure visant à protéger les écoles de l’invasion publicitaires (les enfants et les adolescents ne devraient pas être des cibles marketings) est un premier pas, très important, et qui on l’espère servira d’exemple ailleurs en France.
Dommage que cette mesure ait été mesquinement rabotée par rapport au RLP de 2007, parlant unique de 25 mètres autour de l’entrée de l’école… Si les enfants peuvent voir les pubs depuis les fenêtres de l’établissement, cela ne sert pas à grand chose.
L’interdiction des écrans numériques, des capteurs d’audience etc.
Grâce aux associations (car sans notre action, les afficheurs auraient déjà dégainé leur écrans comme ils l’ont fait dans le métro), le RLP de Paris a pris la mesure du danger de voir débarquer à Paris les télévisions géantes, pouvant être équipées de vidéo-surveillance publicitaire. Saluons donc cette mesure préventive.
A également été retenue notre proposition de palier à l’inventivité débordante des afficheurs et d’éviter tous les procédés nouveaux tels que les pubs olfactives, en relief, par pochoir au sol etc…
Aucune mesure contre le gaspillage énergétique
C’est le plus grand recul par rapport au RLP de 2007 : il était en effet prévu une extinction des panneaux entre minuit et 7h, dans un but d’économie d’énergie. Cette mesure, parfaitement cohérente avec le plan climat, est partie aux oubliettes, sous la pression de JCDecaux, qui entend bien faire défiler et éclairer toute les nuit ses publicités. Quand nous quittons une pièce nous éteignons la lumière. Pas les afficheurs.
Le micro-affichage reste illégal … sera-t-il pour autant sanctionné ?
Le micro-affichage, ce sont les affiches qui envahissent les vitrines des commerces. Ces dispositifs étaient illégaux jusqu’à la loi Grenelle II. Saluons ici la volonté de la Mairie de Paris de réaffirmer l’illégalité de ces panneaux. La société Insert reste donc à Paris, un « délinquant » de l’environnement.
Mais si aucune sanction n’est prise, aucun panneau ne sera retiré et cela restera sans effet !
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Combien de panneaux en moins ? va-t-on vraiment faire baisser la pression publicitaire à Paris ? le vrai bilan sera fait par les Parisiens et les amoureux de Paris, qui jugeront sur pièce.
Au final, on peut dire que Paris résiste bien aux écrans publicitaires, elle reste le terrain de jeux du mobilier urbain et des bâches publicitaires…
Charlotte Nenner
Paris, le 18 février 2011