Un contexte politique de crises multiples menace aujourd’hui les sociétés humaines. La crise écologique – climatique et environnementale – s’accompagne à l’échelle globale, du défi des inégalités croissantes du désengagement des États au profit des entreprises multinationales.
Ce contexte trouve son origine, à la fois historique et politique, dans le développement de la société de consommation dont le modèle arrive aujourd’hui à épuisement, tant d’un point de vue économique que culturel. Le maintien du développement économique par la stimulation permanente de la consommation trouve ses limites, de même que l’extension du domaine marchand dans les espaces collectifs et les esprits des individus. En raison du développement des technologies de communication et à l’aube du monde des objets connectés, les enjeux liés au maintien de la société de consommation se font plus oppressants encore.
Cette société de consommation repose sur un système publicitaire dans lequel l’industrie de la communication, composée notamment des agences publicitaires et des régies médias, est au service des grandes entreprises . L’association Résistance à l’agression publicitaire (R.A.P.) en France, en lien avec d’autres réseaux à l’échelle nationale et internationale, se donne comme mission de combattre l’hégémonie dont bénéficient les grandes entreprises grâce notamment au système publicitaire. Elle entend ainsi promouvoir la sobriété publicitaire pour contribuer à la sortie de cette société de consommation, dans l’objectif d’avancer vers des sociétés soutenables qu’elle envisage plus résilientes.
L’hégémonie des grandes entreprises, grâce notamment à ce système publicitaire, a de nombreuses conséquences néfastes. Les années d’analyses et de mobilisation de R.A.P. ont amené à catégoriser à travers quatre enjeux principaux.
Les enjeux en matière de libertés
La publicité est devenue omniprésente, et les messages qu’elle véhicule reposent sur des stratégies agressives d’influence psychologique. Elle constitue une forte pression sur les personnes qui reçoivent des milliers de messages au quotidien, souvent sans consentement préalable, dans leurs espaces personnels, dans l’espace public, à travers les médias et de plus en plus, dans leur espace numérique. Dans l’espace public, la publicité non consentie est imposée, dans l’espace personnel, elle est intrusive. Pour le développement du ciblage publicitaire sur internet et dans le monde des objets connectés, la collecte des données personnelles est imposée et intrusive. La publicité imposée ou intrusive manque au respect des libertés et notamment à la liberté de réception dont devraient bénéficier les citoyennes et citoyens.
Les enjeux de société
La publicité des grandes entreprises transmet diverses idéologies, qui ont des effets sur les valeurs et les normes culturelles des individus, développant des stéréotypes qui véhiculent des logiques de domination, notamment sur les genres et les minorités. Il est acquis maintenant que le discours du système publicitaire va à l’encontre des logiques de solidarité. Il laisse croire que le seul bonheur se trouve dans la consommation, créant ainsi des frustrations d’autant plus violentes pour les personnes qui ne peuvent accéder à ces biens et services. En ce sens, la publicité entretient les inégalités.
Par son influence sur les nouvelles générations, ce discours participe au développement de problèmes de santé publique, notamment les troubles de l’alimentation et de l’attention. Par ailleurs, le financement des industries culturelles et médiatiques par la publicité offre une caisse de résonance majeure aux discours des marques. Le placement de produits, le développement du publi-rédactionnel dans la presse et la logique d’audience dans la définition des programmes audiovisuels, orientent encore l’offre culturelle vers la stimulation des consommateurs, au détriment des logiques citoyennes. Le parrainage commercial (sponsoring), et dorénavant le nommage (naming) des infrastructures sportives et culturelles, participe de cette même dynamique.
Les enjeux démocratiques
Au delà des contenus des diverses campagnes publicitaires et des stratégies de communication commerciale des grandes entreprises , le discours publicitaire produit un narratif unique autour de l’incitation à la consommation. Ce discours cristallise une idéologie politique spécifique, l’idéologie marchande, qui se trouve directement au service du maintien de la société de consommation et de la concentration du capital. Le mécanisme de marché publicitaire donne aux grandes entreprises la possibilité de diffuser ce discours idéologique et politique dans la société. Cela se fait au détriment du tissu économique et social local, tels que les associations, les TPE-PME, les petits commerces et l’artisanat, et au service d’une minorité dominante. Par les dispositifs publicitaires omniprésents, les entreprises confisquent la liberté d’expression à une majorité d’individus non-consentants incapables de répondre ou de s’exprimer à une échelle équivalente. Le financement massif des médias d’intérêt général par la publicité, soulève également des enjeux démocratiques, tant vis-à-vis de la pluralité d’opinion qu’en matière de traitement des affaires des grands annonceurs.
Les enjeux écologiques
Au delà de la consommation directe d’énergie par les activités publicitaires qui, dans certains secteurs, constitue un gaspillage intolérable, l’enjeu majeur en matière écologique repose sur le rôle moteur que jouent les activités publicitaires dans le maintien du modèle économique des grandes entreprises. Ces entreprises, soumises à des logiques financières à court terme, reposent généralement sur un modèle productiviste et prédateur en matière de ressources naturelles, basé sur la consommation de masse de biens énergivores et insoutenable écologiquement. Outil central de stimulation de la consommation de ces biens, la publicité élève le niveau général de consommation dans les secteurs où elle est importante, y compris dans des secteurs qui constituent un obstacle direct à la transition écologique. Elle participe de ce fait au maintien d’une notion de croissance basée sur des indicateurs strictement économiques et dans ce sens, l’industrie publicitaire joue un rôle majeur dans la perpétuation d’un modèle menant à l’épuisement des ressources.
Une politique de sobriété publicitaire permettant d’apporter des solutions à ces divers enjeux doit se déployer à travers 6 axes prioritaires :
• Réglementer la diffusion de la publicité dans l’espace public, les services publics et l’espace personnel
• Réglementer la publicité dans les médias privés
• Réglementer des contenus des publicités
• Lutter contre l’hégémonie et pour la transparence des grandes entreprises
• Soutenir la diffusion des savoirs des sciences de l’information et de la communication auprès du grand public
• Mise en place de sanctions dissuasives