Une décision définitive du Conseil d’État vient de confirmer l’annulation de la passation de contrat de mobiliers urbains d’information (MUI) avec la Somupi, filiale de JCDecaux. Paris va donc devoir lancer un appel d’offre si elle veut installer à nouveau des MUI. Durant tout ce temps, 18 à 20 mois, les rues de la capitale seront donc débarrassées de ces « obstacles urbains ».
Résistance à l’Agression Publicitaire (R.A.P.) accueille positivement ce dénouement qui va redonner de la qualité de vie aux résidents de la capitale et invite la Mairie a s’approprier cette avancée politique afin d’aller plus loin dans la sobriété publicitaire.
Le 20 février, JCDecaux enlève le bas
Ce lundi 5 février, le Conseil d’État (CE) a définitivement annulé le contrat de mobiliers urbains d’information entre JCDecaux et la Ville de Paris. L’afficheur a donc jusqu’au 20 février pour démonter les 1630 dispositifs présents sur le territoire de la capitale, actuellement vides depuis le 1er janvier.1
Ce jugement est le résultat d’une suite de revers administratifs pour la ville de Paris, liés d’abord à sa volonté en 2017 d’introduire des écrans publicitaires dans les rues,2 puis devant l’urgence de la fin d’année dernière où le contrat avec l’afficheur arrivait à son terme, de mettre en place un contrat provisoire – sans écrans vidéo- avec l’afficheur JC Decaux. C’est alors l’absence de mise en concurrence qui a annulé le processus, ce que vient de confirmer la décision du jour au CE.3
Pour la sobriété publicitaire
R.A.P. considère que l’introduction d’écrans vidéo est nuisible parce qu’ils constituent de multiples pollutions : visuelle, lumineuse, énergétique, écologique, cognitive et mentale4. De manière plus générale, R.A.P. estime qu’il faut mettre un terme à la fuite en avant publicitaire, en premier lieu dans l’espace public où la liberté de réception5 n’est pas respectée.
Selon Thomas Bourgenot, chargé de plaidoyer de l’association : « la Mairie, contre son gré, est responsable d’une véritable avancée en matière de politique environnementale et sociale. Il n’y aura pas de retour en arrière possible, les habitants n’accepteront pas qu’on leur impose à nouveau tous ces obstacles publicitaires. À elle maintenant d’assumer véritablement une politique de sobriété publicitaire, en cohérence avec le Plan Climat, et de limiter les injonctions publicitaires qui incitent à la surconsommation. » La Ville est par ailleurs actuellement en train de réviser son Règlement local de publicité6, une bonne occasion de faire de Paris un exemple mondial d’une ville qui assure une sobriété publicitaire.
Paris se « Grenoblise » malgré elle
Malgré elle, la ville de Paris se retrouve ainsi dans une situation similaire à celle de Grenoble début 2015. En effet, Grenoble avait décidé en décembre 2014 de ne pas renouveler le contrat qui la liait à JCDecaux pour les mobiliers urbains d’information (MUI), décision qui avait valu de nombreuses reprises dans la presse. La grande différence est que Grenoble avait décidé de ce non-renouvellement, alors que Paris se le voit imposer du fait de son entêtement.
Au delà de Grenoble et maintenant Paris, d’autres villes du monde ont avancé vers la sobriété publicitaire, comme São Polo au Brésil en 2007 qui a enlevé massivement la publicité de ses rues en 2008 avant de la réintroduire de manière très régulée en 2011. La ville de Chennai en Inde a eu a peu près le même parcours à partir de 2009. Quand à la capitale politique de l’Australie, elle a décidé dès sa fondation d’interdire les publicités en 1937 et ne dispose toujours pas aujourd’hui des scellés au sol que les habitants de Paris verront enlevés dans les jours qui arrivent. Des luttes locales pour des villes sans pub ont par ailleurs actuellement cours à Berlin, Genève ou Bristol ou Bergen en Norvège.
Notes
1 – L’article P1.6 du Règlement local de publicité de Paris : « L’exploitant d’un emplacement publicitaire doit remettre ce dernier dans son état initial, dans un délai n’excédant pas 15 jours suivant la cessation de son droit d’exploitation. La remise en état comprend outre l’enlèvement du dispositif, l’enlèvement des traces visibles de son existence. »
2 – En mars 2017, Paris votait en conseil municipal le renouvellement du contrat entre la Ville et l’afficheur JCDecaux, contrat qui devait prendre fin le 31 décembre 2017. Dans ce nouveau contrat, était prévu qu’une part du parc des MUI serait numérique. Or, le Règlement local de publicité de Paris interdit les écrans. Le contrat était donc manifestement illégal. C’est ce qu’avait conclu le tribunal administratif en avril 2017, décision qui avait été confirmée par le Conseil d’État en septembre.
3 – À la suite de cette annulation, l’exécutif parisien a donc proposé au Conseil de Paris de novembre 2017 de voter un contrat provisoire de 20 mois, sans mise en concurrence. Ce contrat a été rapidement attaqué par la concurrence, Exterion Media et Clear Channel, et notamment en se demandant : « Quel signe enverrait le juge en exonérant une collectivité de ses obligations de mise en concurrence lorsque l’urgence qu’elle invoque vient de sa propre erreur dans la passation de son marché initial ? Autrement dit, pour passer un contrat sans mise en concurrence, et favoriser l’entreprise privée de son choix, une autorité publique n’aurait qu’à commettre une erreur dans la passation de son marché initial pour pouvoir, une fois ce marché annulé par les concurrents spoliés, le passer directement avec l’opérateur favori sans mise en concurrence, en le modifiant à la marge »
4 – Voir notre campagne nationale « Stop Pub Vidéo »
5 – Corollaire de la liberté d’expression, la liberté de réception impose de recueillir le consentement de la personne à qui on adresse un message.
6 – Une consultation publique sur cette révision est en cours, jusqu’au 2 mai 2018