Zéro pub pour Autolib !

Depuis début octobre, à Paris, le service d’auto-partage Autolib exploité par le groupe Bolloré a décidé de « tester » l’apposition de publicités sur 10 % de ses véhicules. 400 nouvelles publicités sont donc visibles dans l’agglomération parisienne pour une durée de trois mois. La volonté de Bolloré est de généraliser la pratique aux 4000 véhicules si le test est concluant, espérant ainsi rendre Autolib plus rentable. Le communiqué se veut rassurant : « Les marques présentes sur les voitures seront sélectionnées selon une charte éthique restrictive ».

Pour rappel, Autolib avait déjà testé la publicité sur ses véhicules en juin dernier, sans réaction de la part de la Ville.

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Photo promotionnelle, montrant des véhicules publicitaires dans une zone interdite de publicité

Ces publicités sur Autolib posent cependant deux problèmes légaux : un de fond et un de forme.

Problème de fond

autolibL’article R581-48 du code de l’environnement interdit le stationnement des véhicules utilisés « à des fins essentiellement publicitaires » lorsque les publicités sont visibles d’une voie ouverte à la circulation publique. Le caractère essentiellement publicitaire s’apprécie en fonction de l’équipement et de l’utilisation du véhicule, comme le rappelait le préfet de police lors d’une question au Conseil de Paris en avril 2004. Or, lorsqu’elles sont stationnées sur leurs emplacements et en recharge, donc inutilisées, les Autolib doivent être considérées comme essentiellement publicitaires, et devraient être garées dans dans endroits clos, comme les taxis qui supportent de la publicité le font normalement, lorsqu’ils ne sont plus en service.

Problème de forme

L’article P5.2.1 du règlerlp_paris_p5_vehiculesment local de publicité de Paris (RLP) interdit explicitement le pelliculage des vitres, quel que soit l’utilisation du véhicule, à des fins essentiellement ou accessoirement publicitaires. Quand bien même la publicité serait autorisée sur les Autolib, elle ne saurait l’être dans ces conditions. Il paraît étonnant de pouvoir user de sa délégation de service public pour imposer des publicités manifestement illégales.

Nous avons rapidement contacté la Direction de l’Urbanisme, en charge de faire respecter le RLP de Paris. Il nous a été répondu qu’un constat avait été réalisé par un agent et qu’un courrier avait été envoyé à la société Autolib le 11 octobre leur rappelant diverses disposition, notamment :

  • Le seuil de surface affectée à la publicité pour les véhicules non équipés et non utilisés à des fins essentiellement publicitaires ;
  • L’interdiction du recouvrement des vitres par un film adhésif sur l’ensemble du territoire de la Ville de Paris ;
  • L’interdiction de séjour des véhicules supportant de la publicité dans les zones de publicité interdite et en zone de publicité restreinte D.

Certains élus se sont manifestés à la suite de l’apparition de ces publicités. Le maire adjoint EELV du 18e arrondissement, Fred Badina, s’est récemment inquiété du manque de visibilité dû à cet affichage sur la vitre arrière. Le conseiller du 11e arrondissement, David Belliard, réagissait en dénonçant l’incohérence de laisser augmenter le nombre de publicités sur les Autolib alors même que l’objectif affiché de la Ville est d’en diminuer le nombre partout ailleurs.

Mises à part ces déclarations sur les réseaux sociaux et la lettre envoyée par la direction de l’urbanisme, la réaction de la Ville et des élus semble très tolérante vis-à-vis de cette nouvelle agression publicitaire venant d’un groupe industriel profitant d’une délégation de service public. La lettre n’a, dans tous les cas, pas fait effet, puisque les publicités sur les vitres arrière sont encore visibles actuellement.

On voit ici la difficulté pour la mairie de faire appliquer le RLP par des groupes industriels, de peur de les froisser et de perdre leur soutien pour des projets qu’elle compte porter à son bilan. Quitte à ouvrir des brèches pour d’autres groupes. Notamment certains taxis qui pratiquent ce genre de publicités illégales depuis trop longtemps.

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Pelliculage sur la vitre arrière interdit par le RLP

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Taxi hors service, visible d’une voie ouverte à la circulation publique