Projet de loi climat : l’article 6 est un recul

Nos associations demandent au président de la République de renoncer à une mesure concernant l’affichage publicitaire inscrite dans le projet de loi censé répondre aux demandes de la Convention citoyenne pour le climat.

L’article 6 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique propose en effet de dessaisir le préfet de son pouvoir de police de la publicité (affichage publicitaire).

Or, contrairement à ce que prétend le Gouvernement, la réglementation en matière d’affichage, déjà largement bafouée, le serait encore davantage, entraînant automatiquement une augmentation considérable du nombre de dispositifs publicitaires en infraction dans notre pays.

→ Comprendre les enjeux en deux minutes

Lettre ouverte au président de la République

Objet : demande de modification de l’article 6 du « Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique »

Monsieur le président de la République,

Nos associations sont conduites à vous alerter sur les conséquences désastreuses qu’aurait l’article 6 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique.

Cet article, qui propose de dessaisir les préfets de leur pouvoir de police de la publicité, est présenté par le Gouvernement comme la transcription d’une demande de la Convention citoyenne pour le climat. 

Or il s’agit d’une grossière contrevérité. C’est en revanche, depuis longtemps, le rêve des afficheurs, et pour cause.

Du fait de cet article, la réglementation de l’affichage publicitaire serait encore moins respectée et plus que jamais bafouée. Avec pour conséquence l’aggravation de la pollution, jusque dans les parcs régionaux, de pans entiers du paysage français.

C’est pourquoi nous vous demandons de mettre un terme à ce projet, cela avant même tout travail parlementaire tant il est évident que cet article aurait des effets inverses de ceux prétendus.

Le Gouvernement prétexte en effet qu’il permettrait « une meilleure prise en compte des réalités locales permettant aux maires de mener des actions adaptées à leur territoire notamment en termes de qualité de l’espace public et du cadre de vie. »

Rien n’est plus faux.

En effet, les maires des petites communes ignorent généralement la réglementation nationale — très complexe — régissant la publicité et ne disposent d’aucun personnel formé, ne serait-ce que pour effectuer un simple constat d’infraction, dans un domaine où les illégalités sont massives. Ils seraient ainsi abandonnés par l’État face à des afficheurs aguerris.

De plus, les rapports de proximité qu’entretient naturellement le maire avec, notamment, les acteurs économiques locaux le placent dans une situation inconfortable et peuvent le mettre en difficulté, y compris politiquement. Et trop souvent, le dissuadent d’agir. De ce fait, nombre de maires qui détiennent actuellement le pouvoir de police de la publicité ne l’exercent pas. Même lorsqu’il s’agit d’appliquer le règlement de publicité de leur commune ou qu’ils sont saisis d’une demande expresse de faire respecter la loi.

À l’inverse, le pouvoir qu’a le préfet d’agir au nom du droit et de l’État libère les maires des pressions qui peuvent s’exercer sur eux. Et leur évite de se retrouver en première ligne. 

Le Gouvernement, en se déchargeant du problème sur les maires, les laisserait se débrouiller tout seuls, y compris face aux afficheurs. Résultat : la plupart de ces maires renonceraient à faire appliquer la réglementation.

Plus grave peut-être, le transfert du pouvoir de police aux seuls maires sonnerait la fin des actions de dépollution, cohérentes et d’ampleur, à l’initiative des préfets, par exemple le long d’un axe traversant plusieurs communes, sur le territoire d’un parc naturel régional ou sur un itinéraire à fort enjeu paysager.

Avec la fin prévisible des services dédiés à la publicité, ce serait aussi la perte de compétences majeures d’agents disposant d’une réelle expertise et d’un sens du service public leur permettant d’avoir une vue globale à l’échelle d’un département. 

Ainsi, respecté dans une commune, le Code de l’environnement pourrait être bafoué dans la commune voisine. Sans que l’État puisse se substituer au maire défaillant. Seul le pouvoir de police du préfet, garant de l’État de droit, peut empêcher que la réglementation s’applique, non pas de façon aléatoire et arbitraire, mais dans le respect du principe d’équité sur l’ensemble du territoire national.

En tout état de cause, l’objectif poursuivi par ce projet de loi, la lutte contre le dérèglement climatique, impose a minima une application stricte des dispositions du Code de l’environnement en matière d’affichage publicitaire.

Il est donc indispensable que l’article 6 du projet de loi soit modifié.

Il faut en effet que chaque maire de France voulant agir sur le territoire de sa commune ait la possibilité de le faire. Mais aussi que les préfets conservent leur pouvoir de police afin de pallier la carence des maires défaillants, de les aider si nécessaire, mais aussi afin de conduire des actions coordonnées à l’échelle d’un territoire.

Autrement dit, que le maire et le préfet exercent en la matière un pouvoir concurrent.

Dans cette attente,  

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Agir pour l’environnement

Les Amis de la Terre

Paysages de France

Résistance à l’Agression Publicitaire

Sites & Monuments

 

 

Copie à Monsieur le Premier Ministre