Communiqué du 26 mars 2015
Ce jeudi 19 mars, dans le cadre du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l’Assemblée nationale a adopté un amendement porté par la députée Laurence Abeille (EÉLV). Cet amendement, le n°1005, dispose que l’article L621-29-8 du code du patrimoine, qui permet actuellement de déroger au code de l’environnement en autorisant l’apposition de bâches publicitaires sur les monuments historiques pendant les périodes de travaux extérieurs, est purement et simplement abrogé.
Dès le vote de cet article en 2007, notre association avait prévenu de l’aberration que constituait une telle possibilité. En mai 2014, nous avions encore alerté la Ministre de la Culture d’alors, Aurélie Filippetti, en lui demandant, soit d’abroger l’article, soit de le modifier pour diminuer la surface d’affichage. Solution qui permettait de ne pas passer par l’Assemblée nationale. Sans réponse de sa part, nous désespérions de voir ce dossier avancer sous la mandature de François Hollande.
C’est donc avec surprise que nous avons pris connaissance de l’amendement écologiste, soutenu, une fois n’est pas coutume, par l’UDI dont nous découvrons des positions antipublicitaires. Peut-être que l’opération du géant des boissons sucrées sur le Palais de Justice aura été la goutte de soda de trop ?
Toujours est-il que le projet de loi a été adopté à une large majorité en première lecture ce mardi 24 mars, amendement n°1005 compris.
Reste donc à passer l’étape du Sénat et celle de la seconde lecture à l’Assemblée. La victoire n’est donc pas acquise. Les conditions qui ont permis de faire passer cet amendement ce jeudi ne seront pas forcément réunies lors de ces deux prochaines étapes. D’autant que sur ce dossier, les afficheurs, JCDecaux en tête, risquent d’user de leurs vastes réseaux et de supplier les parlementaires, d’une part de voter, et d’autre part, de voter contre. Nous notons qu’à l’Assemblée nationale, l’amendement est passé contre l’avis du gouvernement. Il est donc à craindre que ça ne passe pas au Sénat ni en seconde lecture.
La position de la rapporteure de la loi, Geneviève Gaillard (PS), ainsi que celle du gouvernement, pour être contre cet amendement est double :
– D’un côté, en matière d’affichage extérieur, il y aurait plus urgent, comme interdire la publicité hors agglomération
– D’un autre côté, ces publicités géantes permettent de financer les travaux.
Sur le premier point, nous sommes d’accord, il y a plus urgent, comme ré-écrire et simplifier la loi sur l’affichage extérieur. Nous avions approché le Ministère de l’Écologie dès l’élection de François Hollande pour lui soumettre le projet de réparer les erreurs faites lors du Grenelle du Paysage en 2010-2012. Quelques réunions ministérielles plus tard nous font penser que bien qu’il y ait plus urgent en matière d’affichage extérieur, il est surtout urgent d’attendre.
Profitons-en pour rappeler à la rapporteure (et au gouvernement ?) que la publicité est d’ores et déjà interdite hors agglomération, et que s’il reste encore des préenseignes dérogatoires hors agglomération, celles-ci devront disparaître dans une grande majorité au 13 juillet 2015. Encore faudra-t-il que des moyens soient alloués pour vérifier que les dispositifs soient bien mis en conformité, c’est-à-dire, démontés.
Sur le second point, si nous ne contestons pas que la publicité puisse apporter de l’argent, nous contestons la gratuité pour les citoyens de cette « manne » financière. Les dépenses publicitaires ne tombent pas du ciel et les entreprises qui s’affichent sur les monuments historiques ne sont pas particulièrement philanthropes. Le prix de la publicité est répercuté dans le prix des produits, et c’est donc le consommateur final qui finance toutes ces rénovations, mais sans le savoir. En effet, sur un ticket de caisse, on voit bien apparaître la TVA, mais jamais la part des coûts publicitaires compris dans les produits. Pour certaines marques, on est bien au dessus des 20% de la TVA.
Le financement publicitaire prôné par certains politiques est donc une hypocrisie, puisqu’il s’agit de faire payer le contribuable en tant que consommateur. Et ce financement est d’autant plus hypocrite que les multinationales qui ont les moyens de se payer de telles campagnes sur les monuments historiques sont aussi celles qui pratiquent le plus une « optimisation » fiscale qui est parfois à la limite de la légalité. Si ces multinationales payaient le même taux d’imposition qu’une simple PME, l’État aurait très certainement les moyens de financer les rénovations de ses monuments.
Il faut croire qu’il paraît plus simple à certains politiques de laisser les caisses de l’État se vider pour mieux vanter un modèle publicitaire prétendument gratuit.