Décret Grenelle II sur l’affichage publicitaire : la « République exemplaire » … des copains.

Le Conseil d’État examine en ce moment le projet de décret sur la publicité extérieure lié à la loi Grenelle II. Cette version finale, fruit d’un intense lobbying des afficheurs auprès du gouvernement, vient mettre un terme au dépeçage du Code de l’Environnement [1].

Une version préliminaire avait été mise en consultation publique en février 2011 [2]. Ce projet avait réussi à faire réagir les associations qui regrettaient à la fois les reculs, la complexité et la timidité du texte, mais également les afficheurs et les professionnels de la pollution visuelle qui avaient hurlé à l’agonie [3]. Depuis c’est le silence radio. La ministre a refusé à plusieurs reprises de rencontrer les associations. Pourtant lors de la brève consultation et selon nos informations, 90% des 7000 personnes qui s’étaient exprimées étaient en accord avec la position des associations.

Au final, ce nouveau texte est donc tout naturellement taillé sur mesure pour l’activité de JCDecaux. Rien d’étonnant à cela, l’afficheur « tenait littéralement le stylo » [4]. Parmi les reculs les plus flagrants introduits dans cette version on trouve :

* les écrans numériques autorisés, de grand format de 8 m², et même de 50 m² autour des aéroports (limités à 2,5 m² dans la version de février)
* les bâches sur échafaudages de chantier pourront supporter 50% de publicité, comme celles qu’on peut voir actuellement sur la Conciergerie ou Le Louvre à Paris (12 m² préalablement)
* la mesure de limitation de la densité des panneaux est vidée de son contenu
* le mobilier urbain n’est pas concerné par l’extinction pour les économies d’énergie et pourra supporter de la publicité numérique

Cette liste ne fait malheureusement que compléter les reculs faramineux déjà enregistrés lors des précédentes étapes. De l’aveu même du ministère, les afficheurs vont pouvoir augmenter leur chiffre d’affaire de 30% grâce à ce texte [5] :
« des études ont été réalisées sur le terrain […]. La remontée de ces données, croisées avec les chiffres fournis par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, fait apparaître un taux très faible (de 5 à 15 %) de dépose ou de mise en conformité du parc publicitaire existant du fait du projet de décret. Ce taux est nul pour ce qui concerne le mobilier urbain qui n’est pas impacté par le décret. Par ailleurs, un développement important de secteurs comme ceux du micro-affichage, des bâches, des dispositifs innovants, des publicités sur aéroports ou gares est prévu, permettant d’envisager une progression de 10 à 30 % des chiffres d’affaires des entreprises investissant dans ces domaines d’activité. »

Nouvelles dérogations, dispositifs et bâches géantes, écrans numériques, conservation du format de 12 m², mobilier urbain préservé et chiffre d’affaire en hausse : alors, ce Grenelle de l’Environnement, protection des paysages ou des intérêts des copains ? Superbe démocratie que celle où la loi est écrite par ceux-là mêmes qui, depuis trente ans, l’ont violée !

[1] http://www.deboulonneurs.org/article521.html,
http://paysagesdefrance.org/spip.php?article378
[2] http://www.deboulonneurs.org/article509.html,
http://paysagesdefrance.org/spip.php?article362
[3] http://www.deboulonneurs.org/article515.html,
http://paysagesdefrance.org/spip.php?article365
[4] 1 juin 2011 – Canard Enchaîné – Ça vole bâche
[5] http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-116206QE.htm

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