Faux départ pour la fin de la publicité pour les énergies fossiles

Ce 22 août 2022, le décret d’application de l’article 7 de la loi Climat et Résilience doit – s’il est publié tel quel après la fin de la consultation publique – entériner l’interdiction de la publicité « relative à la commercialisation ou faisant la promotion des énergies fossiles ». En principe, les publicités sur tout support pour les produits énergétiques pétroliers, le gaz, l’hydrogène et le charbon fossiles ne sont plus autorisées. Terminées, les promos sur le gaz à la radio ! Finies, les  images de pompes à essence à la télé ! Enfin, pas tout à fait…Pourquoi ce texte, qui à première vue pourrait constituer une avancée, est-il loin de nous mener à « la fin de la civilisation des énergies fossiles » comme l’avait alors déclaré Barbara Pompili ?

Premièrement, l’interdiction de la publicité pour le gaz est reportée à juin 2023 afin que les nouveaux opérateurs puissent se faire connaître suite à l’ouverture du marché du gaz, qui n’est plus réservé aux fournisseurs historiques. Il est toutefois précisé que cette exception « ne saurait se justifier dans le temps » : à suivre.

Sont aussi exemptées les publicités pour  l’hydrogène « décarboné », dont l’appellation trompeuse n’exclut pas l’utilisation d’une source fossile gazière, et les carburants composés d’un minimum de 50% d’énergies renouvelables – une aubaine pour les biocarburants, pourtant loin de représenter une alternative durable.

 

Concrètement, ces interdictions ne changent pas grand-chose pour les grandes adeptes de l’écoblanchiment que sont les entreprises fossiles. Total nous inonde déjà d’images d’éoliennes alors que les énergies fossiles représentent encore 90% de ses activités. Nous pouvons même présumer que le texte provoquera l’effet pervers de les conforter dans ces pratiques. Pour preuve : le PDG de Total a déclaré que ça ne le dérangeait pas de ne plus faire de pub pour les hydrocarbures…

Par ailleurs, seules la publicité commerciale et la promotion sont bannies. Le sponsoring et la communication institutionnelle pourront sauvegarder l’image de marque des majors fossiles. Il suffit de voir la grande fête des sponsors climaticides qu’est le Tour de France.

 

A l’arrivée, le plus important à retenir est que seule la publicité directe pour les matières énergétiques majoritairement issues de l’exploitation des combustibles fossiles est interdite. La loi opère une sorte de classement entre « bonnes » et « mauvaises » énergies dont on peut faire ou non la publicité, ce qui au-delà d’être discutable sur le plan technique, n’envoie pas les bons signaux quant au véritable problème : leur mode d’usage et la société de consommation dans laquelle ils s’inscrivent.

A ce propos, le Conseil d’État avait précisé que « si le champ d’interdiction devait être interprété comme ne visant que la publicité directe pour des sources d’énergie, et elles seules, le caractère peu fréquent de ces publicités directes et l’absence de référence à des modes de consommation ne permettent pas de considérer cette mesure d’interdiction comme adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi, qui est de diminuer la consommation des produits les plus fortement émetteurs de gaz à effet de serre ». On n’aurait pas dit mieux !

Force est de constater que le gouvernement stagne dans l’inaction climatique. Conservons ainsi notre énergie (sans mauvais jeu de mots) pour les pousser à être à la hauteur des enjeux, et en attendant, partageons l’initiative citoyenne européenne contre les pubs fossiles !