Les dérives publicitaires de la marque à la pomme

L’entreprise Apple est aujourd’hui au centre d’un système publicitaire à la dérive. Avec plusieurs centaines de millions d’euros annuels investis dans la publicité et les opérations de relations publiques1, la première capitalisation boursière de la planète avait, en 2016, près d’un quart de sa valeur qui reposait sur son image de marque.

En effet, plus de 150 milliards de la valeur boursière sont à attribuer à la perception – positive et fidèle – que le public a de l’entreprise, et cette confiance dans la marque se monnaye, et se monnaye très cher2. Ce faisant, elle génère des communautés de marque devenues hors de contrôle, où des bataillons de consommateurs de classes moyennes sont prêts – pour ressembler aux catégories CSP+ qui les surplombent – à consacrer toutes leurs économies dans l’achat d’un téléphone ou d’un ordinateur dont le design est reconnaissable parmi tant d’autres, et le prix sans conteste totalement décroché des apports objectifs du produit. C’est là le résultat d’un travail intense de colonisation de l’imaginaire dans lequel parfois, « plus l’image séduit, plus elle désinforme »3.

Il faut reconnaître aussi bien l’habileté de l’industrie de la communication à l’œuvre, que le drame socio-politique en cours dans une société de sur-consommation où les citoyens achètent des marques pour un statut social. Les plus grandes multinationales de la planète qui concentrent les richesses mondiales sont des annonceurs comme Apple, ce sont celles qui tirent artificiellement la demande par l’omniprésence publicitaire et l’obsolescence programmée, celles qui emmènent les peuples et la planète dans l’impasse des inégalités et des déchets, de la pollution et du réchauffement climatique.

Les campagnes de publicité de l’iPhone lancées au niveau global se manifestent par un affichage hors normes, avec, régulièrement, des affiches de centaines de mètres carrés dans l’espace public des plus grandes capitales du monde4, quintessence de l’agression visuelle du monde marchand et du non-respect de la liberté de réception du citoyen de ces messages. Le recours massif aux bâches publicitaires recouvrant les monuments historiques en France – jusqu’au Palais de Justice sur l’île de la Cité à Paris – constituent de plus des opérations publiques à bas coût pour la multinationale, qui laisse entendre dans l’opinion qu’elle contribue à restaurer le patrimoine, quand elle ruine en amont le budget des États en dissimulant plus de 200 milliards de dollars dans les paradis fiscaux5. Dans les médias, Apple travaille de manière dissimulée grâce aux placements de produits dont elle est régulièrement le premier acteur mondial : durant la première décennie du millénaire, un tiers des films les plus vus aux États-Unis ont placé des produits Apple6. Ce travail sous-marin est d’une grande efficacité sur les mécanismes de souvenir de la marque et d’influence sur les attitudes et les comportements.

Ces stratégies publicitaires agressives permettent enfin des résultats surréalistes en termes d’obsolescence organisée : tandis que les iPhones sont produits pour ne durer que quelques années, la soif de consommation générée par la marque lui permet d’obtenir un taux de renouvellement plus rapide encore que ne l’imposent les défaillances techniques. Grâce au travail de design et de déclinaison de gammes – méthode détachée de tout intérêt objectif pour le consommateur – la marque ventile ses lancements de nouveaux produits7 et permet aux jeunes, saturés de campagnes publicitaires, de changer d’appareil tous les 20 mois en moyenne, bien avant la panne technique8. Ainsi augmente encore inutilement la montagne de déchets technologiques…

L’objectif de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire (R.A.P.) est de lutter contre les effets négatifs de la publicité sur l’environnement et la société. Sensible aux nombreux enjeux qui pèsent sur l’iPhone et la marque à la pomme – environnement, conditions sociales, et évasion fiscale entre autres – elle veut également faire entendre qu’une des marques les plus en vue de ce début de siècle est aussi le moteur d’une société de consommation qui ne cesse de montrer l’impasse dans laquelle elle s’installe. C’est dans ce cadre que R.A.P invite l’ensemble du mouvement antipub et tous les citoyenn-es critiques de l’omniprésence publicitaire à se mobiliser à ses cotés dans la campagne #IphoneRevolt. RAP s’ associe à cette campagne pour mettre fin à la publicité imposée (affichage), intrusive (obsolescence organisée) et dissimulée (placement de produits) mise en place par et pour les multinationales.


Notes

1 – En 2009, Apple a consacré un budget de 249 millions de dollars. Source: http://tpe-ppc-apple.e-monsite.com/pages/historique/contexte.html

2 – En mai 2016, Apple était encore la marque la plus valorisée au monde avec 154,1 milliards de dollars en valeur boursière. Source: http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/ces-marques-qui-pesent-le-plus-au-monde-en-valeur-973776.html

3 – Voir le texte rédigé par le sémiologue et écrivain Francois Brune, auteur du Bonheur Conforme (ed. XX). https://antipub.org/au-sujet-du-spot-apple-celebrant-la-campagne-apple/

4 – En 2015, 162 clichés de photographes professionnels et amateurs ont ainsi été placardés sur plus de 10 000 installations, panneaux d’affichage, abribus ou gares, de 73 villes de 25 pays, ainsi que dans des magazines https://www.graphiline.com/article/21065/Cannes-Lions-La-campagne-de-l-iPhone-6-d-Apple-recompensee-pour-sa-creativite

5 – Voir chiffre d Oxfam America d’avril 2017. Source : https://www.oxfamamerica.org/static/media/files/Rigged_Reform_FINAL.pdf

6 – En 2009, 2010 et 2011 et 2014 Apple est le premier en terme de placement de produits dans le classement de Brandchannel. Source : https://www.lesechos.fr/04/03/2015/lesechos.fr/0204200654462_apple-designe-numero-1-dans-le-placement-de-produits-dans-les-films.htm.
De 2001 à 2011, la marque Apple apparaît dans plus 34% des films les plus vus aux États unis. Source : http://brandchannel.com/2016/02/24/2016-brandcameo-product-placement-awards-022416/
Selon une étude de 2012 du l’Hollywood Reporter, les produits d’Apple sont visibles dans 30% des productions cinéma ou télévisée américaines. Source : http://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/series/2014/09/19/28005-20140919ARTFIG00212-iphone-ipad-mac-quand-apple-fait-du-placement-produits-dans-les-series-tv.php

7 – Une sortie tous les 4 mois et demi, contre tous les ans quelques années auparavant. Source : http://itsocial.fr/metiers/marketing/tendances-marketing/les-champions-de-lobsolescence-programmee-psychologique/

8 – Selon l’ADEME, les smartphones sont renouvelés en moyenne tous les 20 mois. Source : http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avisademe_allongement-duree-vie-produits_201604.pdf