Loi relative à l’économie circulaire et à la lutte contre le gaspillage : une occasion manquée de légiférer sur la publicité

Le projet de loi relative à l’économie circulaire et à la lutte contre le gaspillage continue d’être examiné en séance publique cette semaine. Les articles relatifs à la publicité ont été débattus, et malgré quelques avancées timides, les amendements proposés ou soutenus par Résistance à l’Agression Publicitaire (R..A.P.) n’ont pas été adoptés. Ce rejet quasi systématique souligne un manque de volonté politique de légiférer sur ce sujet pourtant crucial pour l’économie circulaire et la lutte contre le gaspillage.

L’objectif de R.A.P. était à la fois de renforcer la législation concernant les supports publicitaires, mais aussi et surtout leurs contenus, afin de limiter les nombreux effets négatifs de la publicité sur la santé humaine et l’environnement1.

Concernant les supports publicitaires, doit être saluée l’adoption d’un amendement permettant au maire d’interdire par arrêté toute publicité numérique ou lumineuse, aussi bien sur les voies ouvertes à la circulation que dans les gares et les stations des transports en commun2, bien que cette interdiction ne soit pas inscrite dans le code de l’environnement comme le souhaitait R.A.P3.

Les députés ont aussi adopté l’amendement visant à interdire les cadeaux publicitaires non sollicités4 : seuls sont concernés les cadeaux distribués dans les boîtes aux lettres, et non ceux donnés lors des événements publics, pourtant beaucoup plus problématiques du point de vue de la pollution.

L’amendement proposé par R.A.P. visant à renverser la logique du « Stop Pub » en celle d’un « Oui Pub » – seules les personnes ayant affiché leur accord pour recevoir de la publicité dans leurs boîtes aux lettres se verront distribuer des prospectus publicitaires – n’a, quant à lui, pas été adopté5. De nombreux arguments ont été évoqués au soutien de ce rejet : confusion entraînée par ce changement de système, souhait de continuer à recevoir ces prospectus bafoué, absence d’étude d’impact, filière déjà mise en danger par le numérique, etc. Sur le sujet, seule la proposition de la rapprteure du projet de loi, adopté en commission, reste. Cette proposition consiste à créer une contravention de 5e classe en cas de non respect de l’autocollant « Stop Pub »6, sans toutefois que la réitération de cet irrespect soit constitutive d’un délit7.

Concernant les contenus publicitaires, les amendements visant à interdire la publicité pour les smartphones8, l’eau en bouteille plastique jetable9, les vols intra-nationaux10, les SUV11, ainsi que celle qui incite à la dégradation, au mésusage ou à l’abandon des produits12 n’ont pas été adoptés. Les mêmes arguments qui avaient permis de les rejeter en Commission du développement durable ont été avancés. Tout d’abord, ces interdictions seraient trop générales et contreviendraient au principe de liberté du commerce et de l’industrie. Ensuite, il serait préférable d’attendre le rapport sur la publicité commandé par le gouvernement avant de légiférer sur le sujet. Pour rappel, ce rapport ne sera publié qu’en mars 2020… soit après les débats, et vraisemblablement après le vote du projet de loi.

Enfin, le fait que les citoyens faisant partie de la Convention citoyenne pour le climat se soient emparés de la question de la publicité a aussi été évoqué pour dégager les députés de la responsabilité de légiférer sur ce sujet. L’idée d’un Pacte national avec les entreprises a aussi été évoquée à plusieurs reprises par la Secrétaire d’État auprès de la Ministre de la transition écologique et solidaire.

Au-delà de l’interdiction pure et simple, des députés avaient aussi proposé que la publicité pour certains produits (véhicules très polluants, textiles d’habillement, équipements électroniques etc.) contiennent des mentions légales (du type « Nuit gravement au climat », calqué sur le modèle du « Évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » etc.)13. Là encore, ces amendements, pourtant très timides au regard des enjeux, ont été rejetés sans longs débats.

Enfin, il doit être noté que l’amendement visant à renforcer la cohérence entre les émissions diffusés sur le service public et les enjeux de la transition écologique14, ainsi que celui établissant un mécanisme ayant pour but de promouvoir une consommation durable via un fonds abondé par les annonceurs publicitaires15 ont aussi été rejetés.

Suite aux débats en séance publique, le projet de loi sera examiné par une commission mixte paritaire, vraisemblablement au début de l’année prochaine. R.A.P. reste mobilisée afin que le texte final soit à la hauteur des enjeux et objectifs qu’il porte.

1 Pour plus d’informations voir le rapport de R.A.P. de décembre 2019 : https://antipub.org/wp-content/uploads/2019/12/Rapport-RAP-Pub-gaspillage-dec-2019.pdf

6 Article 5 bis D – http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-pdf/2454-p.pdf – À noter que cette contravention s’appliquerait aussi au dépôt d’imprimés publicitaires sur les véhicules.