Mesures « publicité extérieure » du projet de loi climat : notre avis

Dans le cadre du projet de loi visant à retranscrire les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) nous a demandé l’avis de R.A.P. sur les mesures portant sur l’affichage extérieur.

Photo : Lionel Allorge / Wikimedia Commons

En effet, le projet de loi propose différentes mesures pour modifier les règles de la publicité extérieure :
– l’article 6 prévoit de modifier le régime actuel de la compétence en matière de police de l’affichage ;
– l’article 7 prévoit de permettre aux maires de réglementer les publicités et enseignes à l’intérieur des vitrines, ce qui est légalement interdit actuellement ;
– l’article 8 prévoit d’interdire les publicités tractées par avions.

Aussi, des propositions d’ordre réglementaire (donc, absente du projet de loi puisqu’elles passeraient par décret ministériel) sont avancées :
– le passage de la surface maximale des panneaux de 12 m² à 10,5 m² ;
l’extension de l’obligation d’extinction des publicités entre 1h et 6h du matin aux unités urbaines de plus de 800 000 habitants.

Vous retrouverez ci-dessous notre analyse envoyée au MTES cette semaine.
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Mesures « publicité extérieure »
du projet de loi climat

Avis de Résistance à l’Agression Publicitaire
Janvier 2020

Article 6 : Décentralisation de la police de la publicité

Sur cet article, notre association ne comprend pas en quoi il retranscrit le travail de la Convention Citoyenne pour le Climat. Jamais cette proposition n’a été faite par aucun groupe de travail de la CCC.

Cette modification serait dangereuse selon nous. Elle empêcherait en effet de pouvoir se tourner vers le/la préfet·e en cas de défaillance de la mairie. Avoir deux interlocuteur·ices potentiel·les permet d’augmenter les chances de faire aboutir les procédures.

De plus cette modification créerait une « France moche » à deux vitesses : des villes où les maires ont une volonté de faire respecter le code de l’environnement et leurs Règlements locaux de publicité intercommunaux (RLP(i)), et des villes où les maires n’ont pas les moyens ou la volonté de le faire. Actuellement les Directions Départementales des Territoires font le travail quand les mairies ne le font pas.

Enfin, cette modification obligerait à multiplier les procédures si l’on envisage de « nettoyer » une voie traversant plusieurs communes. Pour les associations qui désireraient s’y atteler, la décentralisation impliquerait d’envoyer des lettres à chaque commune, de faire le suivi et d’intenter éventuellement des procès pour chaque commune qui refuserait d’agir. Autant dire que cette modification serait de nature à décourager même les associations les plus actives sur ce sujet.

Cette disposition serait donc un véritable et grave recul par rapport à l’existant.

Nous demandons donc a minima de ne pas modifier le régime actuel de compétence de la police de l’affichage extérieur, voire, de revenir à la situation d’avant le Grenelle de l’environnement de 2010 où les maires et les préfet·es avaient un pouvoir concurrent, que les communes disposent d’un RLP(i) ou non.

Article 7 : Possibilité de déroger au L581-2

Si nous partageons le constat que des dispositifs publicitaires ne respectant pas les règles du code de l’environnement et/ou des RLP(i) apparaissent derrière les vitrines, profitant du vide juridique créé par l’article L581-2 du code de l’environnement, nous estimons que la réponse apportée ici risque de n’avoir qu’un impact très limité, voire nul, avant de nombreuses années.

En effet, la plupart des intercommunalités a déjà révisé son RLP(i) ou est en passe de le finaliser après un processus long. Il apparaît donc peu probable que ces collectivités engagent à nouveau ce processus pour simplement intégrer cette nouvelle possibilité.

Il serait donc préférable de modifier directement l’article L581-2 et de supprimer la deuxième phrase pour permettre aux communes de contrôler les dispositifs derrière les baies, visibles des voies ouvertes à la circulation publique sans attendre une révision du RLP(i).

Article 8 : Interdiction des avions publicitaires

Sur l’article 8 qui est censé interdire les avions publicitaires, nous profitons de cet avis pour mettre en garde sur la proposition actuelle. Le projet de loi propose d’ajouter l’article L581-15 dans l’article L581-26 afin de créer un dispositif de sanction qui n’existe pas actuellement concernant l’article L581-15.

Il apparaît cependant que cet ajout n’est pas suffisant pour interdire les avions publicitaires si la rédaction de l’article L581-15 est laissée en l’état actuel, puisqu’il dispose qu’on peut interdire la publicité sur les véhicules terrestres sur l’eau ou dans les airs dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Or ce décret n’existe pas concernant la publicité tractée par avion, et n’est évoqué ni dans le projet de loi, ni dans l’exposé des motifs.

Pour éviter que cette interdiction, seule mesure de la Convention citoyenne sur la publicité reprise « sans filtre », ne voie jamais le jour, faute de décret, il faudrait aussi, en plus de la modification de l’article L581-26 telle que proposée, modifier l’article L581-15 pour préciser que la publicité dans les airs est bien interdite.

Propositions de nature réglementaire

Surface maximale de 12 m² à 10,5 m²

Si nous souscrivons à la volonté de réduire la surface des panneaux, cette réduction paraît peu propice à  modifier le paysage publicitaire. Cette proposition va en revanche entériner le format de panneaux de 8 m² de surface « utile », format qui devient progressivement la norme pour les panneaux grand format.

Or faire la différence à l’œil nu entre un panneau de 12 m² et un panneau de 8 m² ou 10,5 m² n’est pas toujours évident. L’impact sur le paysage est peu ou prou le même.

Nous sommes très loin de notre revendication : des panneaux de 2 m², avec plusieurs affiches de 50 x 70 cm, non éclairés, non lumineux et donc non numériques, seules mesures qui pourraient permettre d’assurer la liberté de réception des passant·es, tout en permettant de garantir la liberté d’expression par la publicité.

Rappelons que la Convention citoyenne demandait l’interdiction de toute publicité extérieure. Si notre association ne revendique pas une telle mesure, force est de constater que cette réponse gouvernementale est pour le moins légère.

Extinction des publicités lumineuses entre 1h et 6h du matin quelle que soit la taille de l’unité urbaine

Étendre l’extinction des publicités lumineuses à toutes les unités urbaines, quelle que soit leur taille et que leur RLP(i) le prévoie ou pas est une bonne chose.

Cependant, nous continuons à estimer que cette plage horaire est trop limitée. D’une part, elle ne permet pas de contenir la pollution lumineuse importante des dispositifs publicitaires. D’autre part ces horaires ne facilitent pas le contrôle du respect de cette règle puisque les services sont fermés à ces heures.

Enfin, il faudrait supprimer les différentes dérogations à cette règle, notamment celle offerte aux publicités sur le mobilier urbain. Il s’agit en effet des publicités les plus nombreuses en ville, et permettre à ces dispositifs de ne pas être éteints diminue grandement la portée de cette règle.

Nous proposons donc d’étendre les horaires d’extinction entre 22h et 6h pour les publicités et d’imposer l’extinction des enseignes à la cessation de l’activité des établissements.