Mission « Consommation durable et équitable » – notre avis

Cet été, la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Gregoire, a confié à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) une mission sur la « consommation durable et équitable ». Dans ce cadre, cette dernière a sollicité notre association, Résistance à l’Agression Publicitaire, pour leur fournir nos recommandations.

Vous trouverez la lettre de mission ici.

Notre réponse à la DGCCRF :

Mission « Consommation durable et équitable »

Avis de Résistance à l’Agression Publicitaire

Septembre 2023

Si le gouvernement cherche réellement, avec cette mission, à tendre vers une « consommation durable et équitable », nous serions tenté·es, en préambule, de lui demander comment celui-ci entend aboutir à cet objectif alors que nous sommes soumis·es à plusieurs centaines de messages publicitaires non sollicités par jour1. En effet, ces messages incitent à tout sauf à une consommation « durable et équitable » : voyages en avion à l’autre bout du monde, automobile comme seul moyen de locomotion, malbouffe et alimentation carnée, renouvellement de téléphones encore fonctionnels, fast-fashion, alcool ou paris sportifs…

Les budgets publicitaires de ces secteurs sont tels que les rares messages de prévention sont noyés dans la masse (quand ils ne sont tout simplement pas retoqués par le gouvernement lui-même2), sinon vécus comme des messages culpabilisants, et donc contre-productifs, tant les incitations inverses sont puissantes.

C’est pourquoi nous rejoignons de nombreuses institutions qui recommandent de réglementer plus fermement le secteur publicitaire :

  • le GIEC, qui, dans son dernier rapport, appelle à une « réglementation sérieuse » du secteur3 ;

  • la Convention citoyenne pour le climat, dont les mesures sur la publicité ont été pour le moins édulcorées, si ce n’est tout bonnement rejetées, et notamment l’interdiction de la promotion des produits les plus polluants ;

  • le Réseau de transport d’électricité français (RTE) qui appelle à “la disparition progressive des écrans publicitaires” pour économiser l’énergie et limiter les incitations à la consommation4 ;

  • le Conseil économique social et environnemental (CESE), qui préconise une réglementation plus stricte de la publicité5 ;

  • le Grand Défi des entreprises pour la planète qui prescrit l’interdiction de la publicité « des produits les plus nocifs » ainsi que l’interdiction des écrans numériques publicitaires6 ;

  • ou encore le Haut Conseil pour le climat qui recommande « d’encadrer la publicité afin que n’y soient pas promus des modes de consommation carbonés incompatibles avec la Stratégie nationale bas-carbone »7.

Pour faciliter la tâche de cette mission, plutôt que cinq propositions, nous n’en ferons que trois, qui nous paraissent accessibles, de bon sens, et urgentes :

  • Interdire la promotion des produits les moins « durables et équitables », à commencer par les plus évidents comme les véhicules motorisés individuels, les voyages en avion ou l’alimentation carnée, ces postes étant les plus émetteurs de gaz à effet de serre, mais aussi les plus polluants à bien des égards, ce qui fait consensus dans la communauté scientifique ;

  • Interdire la publicité lumineuse : par projection, par transparence ou numérique. Si l’objectif est bien de « réduire la consommation globale de matière et d’énergie », cette mesure simple, non « punitive » et qui bénéficie d’une large « acceptation sociale »8 permet aussi, comme le rappelle RTE, de limiter les incitations à la consommation ;

  • Créer une autorité indépendante de régulation des contenus publicitaires pour mettre fin à l’échec de l’autorégulation du secteur9.

Ces mesures permettraient :

  • d’arrêter de « vouloir un projet de société » qui incite à renouveler sans cesse les biens de consommation et dans lequel nous n’avons aucun espoir « de vivre et de s’épanouir » ;

  • d’améliorer le « savoir », en limitant les informations partielles et partiales véhiculées par le secteur publicitaire pour améliorer l’image de biens et produits à proscrire ;

  • et donc de « pouvoir » vivre au delà des injonctions à consommer des biens et services dispensables, voire nuisibles, et « au delà de la seule question du pouvoir d’achat ».

Ces mesures ne sont pas que de simples interdictions. Elles sont aussi de fortes mesures incitatives : si les annonceurs souhaitent continuer à avoir accès à la liberté d’expression censitaire10 permise par le système publicitaire, elles doivent d’abord prendre part à la nécessaire « transition écologique » qui tarde malheureusement à advenir. Tant que ces derniers pourront vanter des biens et services incompatibles avec les enjeux actuels, il est illusoire de penser que nous pourrons atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

Paris, le 29 septembre 2023

Le bureau de Résistance à l’Agression Publicitaire