Communiqué du 3 septembre 2015
Le ministère de l’Écologie accueillait ce matin une réunion de concertation relative au projet de décret d’application de la loi pour la croissance et l’activité, dite « loi Macron ». Cette dernière autorise en effet désormais dans les stades de plus de 15 000 places assises des publicités de très grand format visibles depuis la voie publique.
Le ministère de l’Écologie, associé à celui de l’Économie, souhaitant aller au delà de l’application de la nouvelle loi, a complété son décret par des articles relatifs à l’affichage publicitaire extérieur. Le texte aurait pour but, selon les organisateurs de la réunion, de « doper la croissance ».
Les associations s’alarmaient déjà du premier projet de décret, à sens unique, toujours en faveur des afficheurs et des enseignistes. Elles découvrent aujourd’hui de nouveaux amendements permissifs apportés semble-t-il avec l’aval de la ministre de l’Écologie.
Des « scellés au sol » dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants
L’article 2, dans la première version du décret, autorisait des panneaux « scellés au sol », les pires en termes d’atteinte aux paysages, dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants, où ils étaient auparavant interdits. Trois conditions étaient mises à cette déréglementation : l’agglomération devait « appartenir à une unité urbaine comprenant au moins une agglomération communale de plus de 10 000 habitants (sic) », les panneaux devaient être « à proximité immédiate d’un centre commercial » et autorisés par « le règlement local de publicité intercommunal ». Ces deux dernières restrictions ont été supprimées dans la nouvelle version du décret.
S’agissant de l’unique garde fou subsistant, rappelons que le projet de décret s’inscrit dans la volonté gouvernementale de « simplification » des règles du droit. Pourtant, il n’hésite pas à créer un nouveau type d’agglomération aux contours flous, inédit dans le code de l’environnement, propice à recevoir des publicités de grandes dimensions.
Les associations ont bien évidemment unanimement exigé le retrait des deux versions de cet article rendant le droit à la fois plus complexe et plus permissif, éloignant encore le code de l’environnement de son but : la prévention des pollutions et la protection du cadre de vie.
Un nouveau mode de calcul qui annule une des mesures phares du Grenelle, quelques jours après son entrée en vigueur
Depuis le 13 juillet 2015, officiellement, plus aucun panneau publicitaire ne peut dépasser la surface totale de 12 m², « dispositif » compris. Or, cette surface totale était auparavant de 16 m², permettant aux afficheurs d’utiliser le format standard d’affiche de 12 m² avec un encadrement portant le dispositif complet à 15 ou 16 m².
Seulement, cette nouvelle norme de 12 m², « dispositif » compris si on lui applique la méthode de calcul en vigueur depuis 1979, obligerait à mettre en conformité les dispositifs de 15 ou 16 m2 évoqués précédemment. Les ministères ont donc décidé « d’aider » les afficheurs en ne retenant plus la taille du dispositif dans son ensemble, mais simplement celle de l’affiche qui y est apposée. S’agissant des bordures, désormais exclues du calcul, le projet prévoit une taille maximale : 25 % de la surface totale de l’affiche ou 25 cm de large.
Considérons une affiche standard de 12 m². Celle-ci autoriserait, avec le nouveau mode de calcul, un dispositif de 15 m² ou 15,5 m² (selon l’une ou l’autre méthode), soit à peu près l’ancienne dimension maximale pourtant désavouée par le Grenelle de l’affichage ! Ce tour de « passe passe » permet en définitive d’annuler les effets bénéfiques de la nouvelle réglementation, sans toutefois l’abroger…
Le décret projeté empêche concrètement que l’affiche standard de 8 m2 (10 m2 dispositif compris) ne remplace l’affiche de 12 m2 (15 m2 dispositif compris) dans nos paysages.
À l’origine, le projet prévoyait d’exclure du nouveau mode de calcul favorable aux afficheurs le « mobilier urbain » et les « publicités numériques ». Le nouveau projet revient sur cette limitation, en permettant à ces publicités de conserver des formats devenus illégaux depuis le 13 juillet 2015.
Or, un décret, à moins d’être illégal, ne peut défaire ce qu’une loi prévoit, qui plus est depuis 1979 : « les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites publicités sont] assimilés à des publicités » ([art. L. 581-3 du code de l’environnement), texte récemment conforté par le Conseil d’État (CE, req. 169570, 6 octobre 1999).
Les associations ont, évidemment, comme pour l’article précédent, unanimement demandé la suppression de cette mesure, dans ses deux versions.
Publicité lumineuse : des seuils abandonnés au profit d’une notion d’« éblouissement » plus vague
Afin de limiter la pollution des publicités lumineuses, le Grenelle de l’affichage prévoyait des seuils de luminosité moyens et maximaux à respecter sous peine de non-conformité, seuils qui devaient être définis par arrêté.
Les auteurs du projet de décret, faisant état de « difficultés techniques », suppriment en définitive toute référence à des seuils pour leur substituer une vague notion « d’éblouissement », laissée à l’appréciation du maire ou du préfet.
Dans la pratique, le projet laisse ainsi les mains libres aux afficheurs pour installer des dispositifs énergivores, agressifs, dangereux tant pour le paysage, la faune et la flore, que pour les usagers de la voie publique.
Pourquoi ne pas autoriser le mobilier urbain numérique dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants ?
Alors que l’article R581-42 interdisait la publicité numérique dans toutes les agglomérations de moins de 10 000 habitants, le projet de décret propose d’en minimiser la portée en l’autorisant dans les 61 unités urbaines de plus de 100 000 habitants définies par l’INSEE. Cela revient à permettre les publicités scellées au sol les plus agressives dans des communes qu’il faudrait préserver de ce nivellement publicitaire.
Libéraliser la publicité pour faire consommer et sortir de la crise. Est-ce si simple ?
Cette réunion s’est déroulée au Ministère de l’Écologie sans qu’il n’ait jamais été question d’écologie. En revanche, une fois de plus, les ministères jugent que le code de l’environnement doit reculer devant des considérations économiques : les afficheurs doivent conserver, voire augmenter le nombre et la dimension de leurs panneaux.
Pourtant, ces dispositifs, dont on ignore s’ils contribuent réellement à la croissance économique française, sont des sources de paupérisation certaine pour les agglomérations qui en sont affligées, dégradant leurs paysages, autant que leur image. Il s’agit, en réalité, plus de symptômes de la crise que de remèdes qui lui seraient apportés. Ne déréglementons pas l’affichage.
Résistance à l’Agression Publicitaire
Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France
Collectif des déboulonneurs