Publicité : le « cent filtres » de Macron

Paris, 08/12/2020 : Aujourd’hui, le gouvernement a présenté l’ébauche de son projet de loi censé traduire « sans filtre » les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC). À l’origine, 12 d’entre elles portaient sur la régulation de la publicité. Le résultat est plus que décevant : Emmanuel Macron n’a pas respecté sa parole et a choisi d’évacuer toutes les mesures importantes, pour ne garder sans filtre que la plus anecdotique. L’activisme du lobby publicitaire, particulièrement intense depuis le mois de juin n’y est sûrement pas étranger1.

Pour rappel, la CCC a été convoquée par Emmanuel Macron pour répondre aux revendications d’écologie et de justice sociale des Gilets Jaunes. 150 citoyen·nes ont été sélectionné·es au hasard pour décider ensemble de propositions afin de réduire l’impact climatique de la France. Le chef de l’État s’était engagé à les reprendre « sans filtre ». Pendant neuf mois, ces citoyen·nes se sont donc réuni·es, et ont donné au chef de l’État 149 propositions. Celles portant sur la publicité demandaient entre autre l’interdiction de promotion de produits trop polluants, l’interdiction des écrans numériques dans l’espace public, l’installation d’un bloqueur de pub intégré dans les navigateurs internet…

Le résultat ? Une seule mesure est reprise sans filtre, quatre sont vidées de leur contenu ou remises à plus tard, et les sept autres sont « portées disparues ». La seule mesure conservée « sans filtre » est l’interdiction des avions publicitaires, mesure certes nécessaire, mais plus que symbolique tant la pratique est faible au regard des autres supports de publicité.

L’interdiction de publicité pour les produits polluants est remplacée par une interdiction de promotion des énergies fossiles, qui sont en fait très rares dans les publicités. L’interdiction générale est remise à plus tard, avec la mise en place d’un CO2-score qui est encore à construire. L’interdiction de publicité pour les véhicules malusés, qui avait été demandée « a minima » par la convention, « n’est pas retenue » avec l’argument  du financement des médias. L’argument est d’autant plus fallacieux que le seuil actuel de malus fiscal qui aurait été retenu pour cette mesure n’aurait touché que moins de 2% des voitures neuves vendues2.

Plutôt qu’interdire les écrans numériques et l’affichage publicitaire, le gouvernement propose de donner exclusivement aux maires la compétence de police de l’affichage, qui dans une minorité de cas est dévolue aux préfets. Les maires pourront aussi interdire les écrans numériques dans leur règlements locaux de publicité… ce qui est déjà possible aujourd’hui. L’interdiction des écrans numériques ne concernerait donc que les maires qui ont une volonté politique à ce sujet.

Seule légère avancée en matière d’affichage : le gouvernement semble vouloir donner la possibilité aux maires d’agir sur les dispositifs publicitaires dans les vitrines des magasins, actuellement exclus de la législation. À noter aussi, la volonté d’expérimenter l’autocollant « Oui Pub » sur les boîtes aux lettres, alors que les citoyen·nes demandaient l’interdiction pure et simple des prospectus publicitaires. Cette expérimentation, basée sur le volontariat des communes, se ferait sur trois ans avant une éventuelle généralisation.

Parmi les mesures portées disparues, on note deux régulations majeures : l’obligation d’intégrer un bloqueur de pub sur les navigateurs Internet et l’interdiction de promotion pour les produits nocifs pour la santé.

Le gouvernement compte donc une fois de plus sur l' »engagement des filières »3, c’est-à-dire alimenter le mythe de l’autorégulation, plutôt qu’instaurer des règles contraignantes et réellement efficaces.

Selon Tanguy Delaire, porte-parole de Résistance à l’Agression Publicitaire, « le secteur publicitaire et le gouvernement verrouillent tout. On avait l’espoir de voir aboutir un mouvement citoyen démocratique et écologiste, et tout ce qu’on obtient ce sont des miettes et une récupération politique qui sert l’inertie climatique. Le pire face au dérèglement climatique, c’est de faire semblant.« 


Notes

3– Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture annonce sur cette mesure « Nous avons déjà les engagements des filières » pendant la session du groupe de travail « Se Nourrir » entre le gouvernement, les parlementaires et les citoyen·nes des la CCC le 8 décembre 2020.