Alors que le consensus scientifique devrait pousser les gouvernements et les entreprises à accélérer la transition vers une société décarbonée, les publicités commerciales continuent de mettre en avant des produits à l’empreinte climatique très élevée.
Ainsi les secteurs les plus néfastes pour le climat sont généralement ceux qui investissent les plus grandes sommes dans la publicité. A titre d’exemple, en 2019, les investissements de publicité et de communication des secteurs automobile, aérien et énergies fossiles en France sont estimés à plus de 5,1 milliards d’euros. Rien que les SUV, qui représentent l’une des principales causes d’augmentation des émissions de C02 de la France, dominent aujourd’hui largement le paysage publicitaire automobile.
Non seulement la publicité stimule les ventes de biens climaticides, mais elle augmente aussi le niveau global de consommation : une étude de référence sur le marché américain a conclu qu’elle constitue le facteur direct d’une hausse de 6,79 % du niveau de consommation du pays sur 30 ans. En d’autres termes, la publicité entretient un cercle vicieux à l’origine d’une hausse constante des émissions de gaz à effet de serre : surexploitation des ressources, fabrication en masse, stimulation de la demande, hausse de la consommation, renouvellement rapide pour cause « d’obsolescence », etc.
Rappelons enfin que la question climatique est aussi un enjeu de santé publique. La pollution de l’air causée par l’exploitation des énergies fossiles entraîne plus de décès que le tabac, dont la publicité a été interdite en France. Il est insensé de persister à faire l’apanage d’activités aux conséquences si dramatiques !
Au-delà de l’impact des activités promues, les publicités mentionnées rendent nos imaginaires captifs, conditionnés par le mirage de la croissance, basée sur la hausse perpétuelle de la consommation.
Non seulement la publicité aliène l’individu en lui faisant miroiter la consommation de masse comme composante indispensable du bonheur, mais elle lui fait également associer des valeurs culturelles dites « extrinsèques », c’est-à-dire indépendantes de l’individu en lui-même, à l’acte d’achat. Ainsi le statut social, la symbolique de la liberté, les stéréotypes liés à la virilité et la féminité ou encore le potentiel de séduction s’illustrent par l’utilisation et l’accumulation de marchandises climaticides.
En pleine crise énergétique, le gouvernement demande par ailleurs des efforts aux citoyen·nes –notamment les plus modestes- pour atteindre des objectifs de sobriété. Or, la publicité entretient des injonctions contradictoires : comment assimiler la nécessité de moins prendre la voiture, de baisser son chauffage, de faire attention aux vêtements que l’on achète lorsque partout, sont vantés les « bienfaits » des SUV, des week-ends à Dubaï, de la fast-fashion ?
En plus de générer de la frustration et du mal-être, cette incohérence contribue à rendre confus les enjeux réels du dérèglement climatique et retarde la réflexion vers la construction d’autres modèles de société(s) post-croissante(s).
Les techniques d’influence utilisées par les entreprises polluantes à travers la publicité visent à déplacer la responsabilité des émissions sur l’individu, plutôt que de l’inscrire dans le cadre d’actions politiques collectives. C’est d’ailleurs pourquoi la publicité s’adresse directement à notre personne, souvent à l’impératif.
Face à cela les mentions légales, telles que le hashtag #SeDéplacerMoinsPolluer sur les publicités pour voitures, apparaissent dépourvues d’utilité de par leur format en retrait et leur contenu trop généraliste (voire totalement contradictoire puisque le produit vanté est toujours présenté comme un besoin fondamental).
Un autre tactique à laquelle les grands pollueurs excellent, est la construction de leur réputation par des discours d’écoblanchiment. En effet, « l’image de marque » est aujourd’hui un actif intangible extrêmement précieux pour une enseigne. La publicité est ainsi un outil de renforcement positif de son image, parfois plus qu’un outil de vente d’un bien spécifique. Des chercheurs·ses ont par exemple démontré que la simple présence d’éléments de « nature » dans une publicité affecte positivement la perception qu’a son public de l'empreinte écologique de la marque annoncée. Le sponsoring culturel et sportif est aussi utilisé pour assurer l’acceptabilité sociale d’activités industrielles climaticides.
De nouveau, l’organe d’autorégulation de la publicité est un garde-fou bien trop faible au regard de l’urgence des enjeux climatiques. Sa mission étant de « préserver l’image de la publicité », il empêche l’émergence d’un droit véritablement contraignant en maintenant des « sanctions » tardives et très peu dissuasives.