Tribune – Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) Strasbourg

Par cette tribune, RAP Strasbourg entend partager avec les habitant·e·s ses préoccupations et ses propositions pour un changement radical de la place de la publicité dans la ville. Nous souhaitons également exprimer notre désaccord suite à la validation du RLPi (Règlement Local de Publicité intercommunal) par l’EMS (Eurométropole de Strasbourg), ainsi que le renouvellement de la concession afférente au mobilier urbain. Nous souhaitons interpeller les élu·e·s, actuel·le·s et à venir, sur les enjeux majeurs du système publicitaire.

Notre vision de la ville est : un espace et des équipements publics hors de la marchandisation du monde

La publicité ne s’adresse qu’aux consommateur·rice·s au détriment des citoyen·ne·s éveillé·e·s et responsables. À la publicité nous préférons la culture, le paysage et les arts (qui embellissent nos villes et nous font grandir en-dehors d’une vision commerciale), la philosophie, la poésie, l’humour et la littérature, les associations, la politique locale et les initiatives sociales, l’expression libre, individuelle et gratuite.

La seule publicité acceptable est celle que l’on consulte librement, en conscience. Elle doit revenir à un rôle neutre, non agressif et purement informatif ; elle doit être contenue, localisée, égalitaire d’accès et non imposée.

(extrait du « Manifeste contre le système publicitaire » de RAP)

Pour les élections municipales nous revendiquons la réappropriation du mobilier urbain et suppression de la publicité dévastatrice

RAP Strasbourg souhaite adresser à l’ensemble des prétendant·e·s à l’élection municipale, c’est-à-dire à celles et ceux qui décideront du devenir de la ville, ses revendications pour que la publicité dans l’espace public soit remise en question.

Encadrer la publicité et réduire sa place dans la ville

  • Réglementer la taille de l’affichage publicitaire en la limitant au format 50 x 70 cm maximum.
  • Supprimer les publicités des moyens de transport publics et des véhicules de la ville. À défaut, n’autoriser que des affichages artistiques et culturels, sans contre-partie financière ni profit.
  • Supprimer les « sucettes » (panneaux scellés au sol) qui n’apportent aucun service aux usager·ère·s (comparées aux abris voyageur·se·s) et laisser le mobilier utilitaire au service de transport.
  • Créer une commission éthique préalable à la diffusion des campagnes publicitaires pour encadrer les contenus et supprimer les représentations dégradantes et oppressantes : sexistes, homophobes, racistes… Les critères devront être établis collectivement et de façon participative, en collaboration avec des associations spécialisées sur ces questions.
  • Insérer dans le contrat de gestion du mobilier urbain une clause anti-publicité discriminatoire.
  • Instaurer l’arrêt de la diffusion par défaut d’imprimés publicitaires via des sociétés de distribution et permettre aux habitant·e·s qui souhaitent en recevoir de l’indiquer sur leur boîte aux lettres (renverser la norme actuelle, aller vers un dispositif « Oui Pub »). Si ce n’est pas le cas, envoyer à tou·te·s les habitant·e·s un autocollant « Stop Pub » par courrier, à renouveler tous les 2 ou 3 ans.

Changer le modèle économique des équipements publics : mobilier urbain et infrastructures sportives ou culturelles

  • Ne pas lancer d’appel d’offre pour le mobilier urbain et ainsi éviter le renouvellement
    ou la reconduite d’un contrat avec une société d’affichage privée (JCDecaux, Clear Channel…).
  • Se réapproprier le mobilier urbain comme un équipement public. RAP Strasbourg a étudié plusieurs options économiques et pratiques pour le concrétiser dès 2020 et se propose d’y travailler conjointement avec la municipalité pour les mettre en place.
  • Se positionner contre le name branding du stade de la Meinau, à l’inverse du club de basket de Strasbourg-Illkirch (SIG), dont le stade portera le nom de « Crédit Mutuel Forum ». Redonner de la place à toutes les activités locales et de la visibilité à l’actualité non marchande
  • Diviser par 2 la surface d’affichage sur le mobilier urbain et permettre un accès égal à toutes les activités locales (organisations culturelles et militantes, petits commerces, artistes…). L’espace d’affichage serait organisé pour que ces différents acteurs disposent d’une même surface dédiée.
  • Taille d’affichage maximale cumulée de 2 m² par dispositif.
  • Augmentation du nombre d’espaces d’affichage libre (aux normes avec le code de l’environnement déjà existant et à réglementer pour plus d’équité au niveau des types de contenus), associatif, d’information de la ville et d’affichage publicitaire de format réduit.

Encadrer et réduire la pollution lumineuse et les dépenses d’énergies liées à la publicité

  • Interdiction des publicités numériques extérieures et intérieures, lorsque celles-ci donnent sur les voies de circulation (vitrines). Réglementer leur surface dans les locaux privés dans la mesure où elles sont visibles depuis la chaussée.
  • Extinction des enseignes, vitrines et locaux dès la fin de l’activité des commerces.
  • Interdiction du rétro-éclairage pour les publicités non numériques (puisque l’éclairage public a pour rôle d’assurer la visibilité des lieux, contrairement aux panneaux publicitaires).

Faire appliquer la réglementation et les sanctions prévues en cas d’illégalité

  •  Donner les moyens aux agent·e·s de la ville de faire appliquer la réglementation.
  • Instaurer une nouvelle entité pour gérer la diffusion des informations relatives aux règlements et capable de sanctionner les violations aux dispositions réglementaires.

Nos critiques et interrogations, suite au vote du RLPi (28 juin 2019) : non, l’Eurométropole de Strasbourg n’est pas à la hauteur des remarques citoyennes qui lui ont été adressées.

Le conseil de l’Eurométropole de STRASBOURG a adopté un nouveau document d’urbanisme, le règlement local de publicité intercommunal (RLPi), document qui a vocation à encadrer l’implantation de tous les dispositifs publicitaires sur le territoire de la métropole. Selon nous cette nouvelle réglementation fait preuve d’un certain laxisme surtout en ce qui concerne le mobilier urbain (abribus, panneaux…) pour lequel de nombreuses dérogations sont accordées.

Lors des délibérations M. Roland Ries a manifesté son désaccord avec le fait d’écarter la publicité numérique de la ville et il a pu dire :

« On ne peut pas empêcher les choses de se faire, on peut les réglementer, les encadrer, mais une technique nouvelle apparaît, vous ne l’empêcherez pas sous une forme ou sous une autre. »

→ RAP pense que rien n’oblige une ville à installer des écrans numériques. Pourtant c’est bien de la compétence de la mairie, et dorénavant de l’Eurométropole, de réglementer justement la publicité sur son territoire. Elles ont donc les moyens et l’outil juridique / administratif pour décider de ce qu’il est possible d’installer ou non en terme de publicité.

Nous pensons que ces dispositifs ne sont pas inéluctables et qu’il revient aux habitant·e·s de décider des technologies à implanter dans leur espace public. Par ailleurs, les publicités numériques ne peuvent pas être considérées comme un progrès en soi pour les usager·ère·s, mais comme une agression supplémentaire dans un espace public déjà surchargé.

Il est pourtant impératif de noter qu’un panneau avec une face numérique consomme énormément. Ainsi il le fait 7 fois plus que le plus énergivore des mobiliers non numériques, soit entre 6 800 et 12600 Kwh/an.

De même, sur les 800 personnes qui ont répondu à notre questionnaire de consultation (du 15 mars au 15 avril 2019 réalisé au moment de l’enquête publique sur le RLPi) 96,6 % étaient défavorables ou très défavorables aux écrans numériques allant jusqu’à 8 m²et 91,3 % s’opposaient aux panneaux numériques de 2 m² à images fixes (résultats ici).

Sur l’implication des habitant·e·s dans le choix du RLPI Yves Bure dit que :

« La période d’enquête publique a permis au public de s’exprimer et il l’a fait très tardivement mais dans des proportions qui ne sont pas négligeables quand je regarde le nombre d’interventions au sujet du PLU (Plan Local d’Urbanisme). […] nous avons largement tenu compte des demandes relayées par les uns et les autres »


→ Il s’agit d’un document de 293 pages dont la compréhension nécessite de disposer de certaines compétences pour le déchiffrer (connaissances juridiques, techniques…).

Nous considérons que la population a été privée d’une garantie participative et n’a pas pu être correctement informée car :

  • le bilan de concertation est absent du dossier d’enquête publique, or celle-ci ayant été faite son bilan et ses conclusions doivent obligatoirement y être présents (cf. L123-12 du Code de l’environnement) ; l’Eurométropole n’avance aucun argument légal pour justifier cette erreur ;
  • Le rapport d’enquête publique n’était pas consultable en ligne (contrairement à d’autres) il était consultable uniquement sur place à la mairie ; finalement la publication des conclusions du commissaire-enquêteur sur le site de l’Eurométropole a été effectuée la veille du vote du RLPi.

De plus RAP considère que les observations fournies n’ont pas été prises en compte ; sur les 13 propositions de RAP qui s’appuyaient sur les 800 réponses au questionnaire, seule 1 demande a trouvé une intégration dans le RLPi : celle concernant l’éclairage du mobilier urbain qui proposait une uniformisation des extinctions pour tout dispositif publicitaire lumineux. En effet, le mobilier urbain était seulement soumis à une obligation d’extinction de 1h30 à 4h30 tandis que le reste des dispositifs publicitaires lumineux étaint soumis à une extinction de 23h à 7h.

Nous avions rendu publiques toutes nos observations, que nous avions aussi transmises aux élu·e·s par mail.

À l’heure actuelle le RLPi est entré en vigueur, cependant le contrôle de sa mise en conformité fait défaut. Relevant normalement d’instructeur·rice·s qui devraient constater les infractions puis les sanctionner, il repose en réalité sur des militant·e·s qui informent la population et les commerces en infraction et comblent ainsi l’absence totale de réaction de l’Eurométropole de Strasbourg. Cette situation n’est en aucun cas envisageable et/ou pérenne concernant l’application d’un texte de loi.

Un combat dès maintenant : pour l’interdiction de toutes les publicités numériques dans l’Eurométropole

Une pétition a été lancée pour exiger que l’interdiction des publicités numériques soit débattue et soumise au vote d’une prochaine séance du Conseil de l’Eurométropole. Son contenu détaille les impacts et répercussions de l’implantation de tels dispositifs dans nos villes (vous pouvez la consulter dans le lien ci-dessous).

Notre pétition (organisée entre le 1er octobre 2019 et le 31 décembre 2019) a recueilli 1340 signatures en défaveur de l’implantation de panneaux numériques. Ce résultat démontre la parfaite opposition des habitant·e·s de Strasbourg à l’installation de ces dispositifs.

Sans aucune consultation préalable de la population la municipalité a pourtant renouvelé en décembre 2019 le contrat de concession sur le mobilier urbain. Ainsi la société JCDecaux pourra exploiter encore 10 ans durant le mobilier urbain strasbourgeois. Est ainsi prévue la mise en place de 58 panneaux numériques.

Il ne faut pas perdre de vue que cette concession de mobilier urbain est un contrat, et que tout contrat se modifie. Il suffirait ainsi que les instances municipales démontrent un certain courage politique pour rédiger un amendement du contrat dans le sens souhaité.

Ainsi RAP Strasbourg milite activement pour une modification du contrat de concession, à titre principal pour limiter l’implantation de panneaux numériques bien sûr, mais également pour faire insérer une clause d’interdiction des publicités discriminatoires.


https://petition.antipub.org/petition/12/