Pour éviter les dérives permises par le décret d’application du Grenelle à partir du 1er juillet, RAP demande aux maires de France d’être particulièrement vigilants aux autorisations qu’ils vous donner à des dispositifs agressifs : écrans numériques et bâches publicitaires.
Madame, Monsieur le Maire
La publicité est considérée par une grande majorité des Français comme une nuisance ou une agression[1]. Elle constitue non seulement une pollution visuelle (participant de beaucoup à la « France moche ») mais également une pollution mentale, avec des conséquences sur la santé publique, l’environnement, le sexisme…
La réglementation sur l’affichage publicitaire et les enseignes est complexe. Elle a évolué le 1er juillet dernier par la mise en application du décret n°2012-118 du 30 janvier 2012.
Vous pouvez agir concrètement pour que le territoire de votre commune ne soit pas le terrain de jeu des afficheurs publicitaires.
En effet, les nouveaux dispositifs introduits dans la loi sont soumis à autorisation préalable [2]. Cela signifie que pour toute bâche (attention il peut s’agir de très grand format) ou pour tout écran numérique publicitaire (hors mobilier urbain), vous avez la possibilité de refuser leur installation.
Les motifs de refus pouvant être invoqués sont les suivants :
Pour les bâches de chantier :
– surface consacrée à la publicité trop importante (elle doit représenter moins de 50% de la surface totale)
– imposition d’un trompe-l’oeil (reproduction sur les surfaces laissées libres de l’image des bâtiments occultés).
Pour les bâches permanentes et les dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles (manifestations temporaires) :
– information manquante ou insuffisante relative à la durée d’installation, la surface, les procédés utilisés, les caractéristiques des supports,
– bâche ne respectant pas l’insertion architecturale, l’impact sur le cadre de vie environnant et les incidences éventuelles sur la sécurité routière.
Soulignons, pour les bâches permanentes, que c’est l’installation qui est soumise à autorisation. Le remplacement par une autre bâche n’est soumis qu’à déclaration. Une fois l’autorisation accordée, vous n’aurez plus l’occasion de refuser le remplacement par une bâche agressive.
Pour la publicité numérique :
– information manquante ou insuffisante relative à l’analyse du cycle de vie du dispositif, la visibilité depuis la voie publique la plus proche, les valeurs moyennes et maximales de luminance, les nuisances visuelles pour l’homme et l’environnement (L.583-1)
– respect du cadre de vie
– interdictions s’appliquant aux publicités et enseignes issues du code de la route (R. 418-4)
– consommation énergétique non maîtrisée
À noter que le décret du 30 janvier 2012 permet aux dispositifs numériques de mesurer jusqu’à 8 m² s’ils respectent des normes de luminance et de consommation d’énergie définies par arrêté ministériel, sinon, ils doivent mesurer 2,1 m². Or cet arrêté n’est pas encore sorti. D’ici là, il serait prudent de refuser tout dispositif de plus de 2,1 m². La loi Warsmann étant encore applicable, un dispositif s’avérant illégal aurait six ans pour se mettre en conformité.
Nous vous conseillons d’être extrêmement vigilant sur ces demandes, car une fois autorisé, ce type de dispositif s’incruste pour longtemps dans le paysage (jusqu’à 8 ans pour les bâches et la durée de vie de l’écran vidéo) !
Pour ce qui relève du mobilier urbain, la réglementation nationale étant très laxiste sur le sujet, c’est à vous qu’il revient de réguler les pratiques, notamment au travers du contrat de concession que vous passez avec les entreprises du secteur.
De plus, vous avez toujours la possibilité de réglementer l’affichage publicitaire et les enseignes par un RLP (Règlement Local de Publicité). Nous vous incitons d’ailleurs à en établir afin de maîtriser au mieux l’espace public dans votre commune. Les associations spécialisées peuvent participer aux groupes de travail compétents.
Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.
Charlotte Nenner, présidente de l’association
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1] Source : sondage [Australie-TNS Sofres : Publicité et société.
[2] Article L581-9 du code de l’environnement :
« Peuvent être autorisés par arrêté municipal, au cas par cas, les emplacements de bâches comportant de la publicité et, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, l’installation de dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations temporaires. Les conditions d’application du présent alinéa sont déterminées par le décret mentionné au premier alinéa.
L’installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l’autorisation de l’autorité compétente. »
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Quelques liens :
La Mairie de Pau refuse les écrans numériques (La République des Pyrénées)
La publicité peut avoir des effets nocifs sur la société (Le Monde)
Bientôt des pubs sur télé géantes dans la rue (Arrêt sur images – abonnement)
Affichage et liberté de réception (Jean Morange)