Ce jeudi 9 juillet 2015 devait être l’occasion de la lecture définitive à l’Assemblée nationale du projet de loi pour la croissance et l’activité, dite loi Macron.
Publicité sur les stades
Plutôt que d’en débattre une dernière fois à l’Assemblée, le gouvernement a préféré engager sa responsabilité par le truchement de l’article 49-3 de la Constitution. Par conséquent, sauf à ce qu’une motion de censure passe, ce qui est très peu probable, les députés vont devoir accepter tout ou rien. Ce sera donc une acceptation générale du « tout » que constitue le fourre-tout de cette loi (pour rappel, elle légifère aussi bien sur le travail du dimanche, l’enfouissement de déchets nucléaires, le transport, les notaires et huissiers, que sur la publicité).
Le Premier Ministre a, en 6 minutes, bouclé (bâclé ?) la discussion. Et l’Assemblée nationale se réunira à nouveau le 15 juillet quand toute la France sera partie en vacances.
Les gestionnaires de stades sont donc ravis, ils pourront déroger au code de l’environnement en toute impunité en apposant sur les stades des publicités qui donneront sur la voie publique, sans restriction de taille ni de hauteur.
Loi Evin mise à mal
Mais la loi Macron fait aussi des heureux parmi les vendeurs d’alcool, puisqu’elle donne un grand coup dans la loi Evin [1], en définissant une distinction trouble entre publicité et communication en faveur de l’alcool, avec comme curseur le fait que la publicité doive être « perçue comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne ».
Il semblerait que les viticulteurs soient derrière cet amendement. Les mêmes qui ne se rendent pas compte qu’ils jouent contre leur camp et qu’ils auraient plutôt tout intérêt à demander à ce que la loi Evin revienne à ce qu’elle était avant 1994, c’est-à-dire qu’elle interdise l’affichage publicitaire et les visuels dans la presse.
En effet, ces deux supports sont largement utilisés par des grands groupes multinationaux qui sont leurs principaux concurrents et qui inondent les marchés avec des produits standardisés. La publicité pour ces produits facilite leur mainmise sur le marché.
Il semblerait que les petits producteurs préfèrent faciliter encore la tâche aux grands groupes, leur permettant de faire des publireportages encore plus facilement qu’actuellement. Une très mauvaise solution pour aider les produits du terroir, en plus de donner un très mauvais signal sur la consommation d’alcool.
Retour des publicités sur les monuments historiques
Dans le même temps, les sénateurs planchent sur un amendement à la loi biodiversité et paysages pour supprimer l’amendement de la députée Laurence Abeille rétablissant l’interdiction des bâches publicitaires sur les monuments historiques [2]. Sous prétexte de récolter quelques millions d’euros (17 depuis que la possibilité existe en 2007, soit 8 ans), les sénateurs sont prêts à dénaturer les monuments historiques, à bafouer le code de l’environnement et à matraquer les citoyens et les touristes en vendant leur « temps de cerveau disponible » aux annonceurs qui ont déjà énormément de « terrains de jeux » à leur disposition.
Les grands annonceurs qui utilisent ces supports de plusieurs centaines de mètres carrés sont aussi les premiers à s’adonner à l’optimisation, voire à l’évasion fiscale. Si la préoccupation des sénateurs était vraiment une gestion « saine » des budgets, ils devraient se pencher sur ces pratiques qui sont des manques à gagner pour le budget de l’État, plutôt que de donner aux grandes marques la possibilité de tuer la concurrence des PME/TPE qui n’ont pas les moyens de communiquer ainsi, mais qui sont assujetties pleinement à l’impôt sur les sociétés.
D’autant que faire croire que la publicité est une manne financière qui tombe du ciel et que les annonceurs sont des mécènes est une hypocrisie qu’il faudrait faire cesser. La publicité est un impôt privé que les marques font payer aux consommateurs.
D’un côté, l’État s’assoit sur des recettes, de l’autre, il donne la possibilité aux entreprises de se faire voir partout (jusque dans les photos souvenirs des touristes), tout en faisant passer ces sociétés comme indispensables aux services publics : des abris-voyageurs aux vélos en libre service, en passant par la rénovation des monuments historiques…
Notes :
[1] voire l’analyse de l’ANPAA http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/12/n-autorisons-pas-l-alcool-a-occuper-un-espace-mediatique-encore-plus-grand_4652992_3232.html
[2] Source : http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/publicite-monuments-un-amendement-qui-bache-977440