Retour à Paris

Danielle Simonnet (liste « Décidons Paris ! »)

Réponse reçue le 28 février 2020 (version pdf) :

Réponse de « Décidons Paris » au questionnaire

de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP)

I. Orientation générale

« Décidons Paris » s’engage résolument contre l’envahissement publicitaire, en cohérence avec les multiples vœux déposés par Danielle Simonnet au Conseil de Paris depuis 2014 sur le sujet (pas moins de 32 !). En effet, seule l’action publique peut empêcher que régies publicitaires et grandes firmes transnationales ne prennent possession de l’espace public, et ne transforment la cité en un vaste supermarché à ciel ouvert. Car cet horizon dystopique est en passe d’advenir par les nouvelles technologies, qui permettent un accaparement inédit de l’attention des habitants. De façon significative, les grandes régies publicitaires qui se partagent les marchés parisiens, JC Decaux, Clear Channel et Exterion Media, ne cessent de vanter leurs programmes de DOOH (Digital Out-Of-Home), qui accompagnent le « citoyen-consommateur » (sic) tout au long de son parcours urbain, au moyen des stratégie marketing sophistiqués reposant sur le tracking publicitaire et le ciblage socio-comportemental permis par la publicité numérique. Il faut donc, à l’inverse, consacrer la liberté de réception d’une information publicitaire, et partant, encadrer très fortement la liberté d’affichage publicitaire. Si cet encadrement n’est pas réalisé au niveau national par le législateur (Code de l’Environnement), les municipalités disposent, grâce à leur Règlement Local de Publicité (RLP), de la possibilité d’être plus restrictif que le cadre national.

En outre, le fondement écologique et éthique de la critique de la publicité est bien connu : d’une part, la société de consommation, dont la publicité est l’un des piliers, est précisément le modèle de développement économique qui a mené à l’impasse écologique où nous nous trouvons, et dont nous devons sortir pour faire face à l’urgence climatique (12 ans pour changer de mode de production et de consommation, selon les scientifiques du GIEC) ; d’autre part, la publicité est en elle-même énergivore, notamment la publicité numérique (vidéo) qui connaît un véritable boom : elle représente un gaspillage d’électricité colossal alors que nous devons aller vers la sobriété énergétique : à titre d’exemple, un panneau numérique de 2m2 à 2 faces consomme 13 fois plus qu’un panneau identique simplement rétro-éclairé ; en chiffres absolus, cela correspond à 12 565 kWh par an, soit l’équivalent de 3 foyers parisiens de 4 personnes (hors chauffage).

A cet égard, la publicité incarne bien le pire du capitalisme : elle entretient le désir de choses inutiles et, dans le même temps, la frustration d’en être pour l’essentiel privé ; elle est le vecteur d’une vision idéologique de la société qui fait primer l’avoir sur l’être, les biens sur les liens ; elle diffuse l’idée immorale que tout désir est légitime du moment qu’il peut est satisfait par l’argent ; elle véhicule une image stéréotypée et censément idéale de la société, en complet décalage avec la réalité, et sous-représente certains groupes sociaux et minorités ; elle est très souvent sexiste. D’autre part, la publicité cherche à se « moraliser » en se faisant passer pour une forme (dévoyée !) de mécénat, qui permettrait d’économiser de l’argent public : mais il faut rappeler d’abord que les coûts de publicité sont toujours répercutés dans le prix d’achat, ce qui signifie que c’est le consommateur qui paye in fine pour se faire matraquer de pubs ; ensuite, que c’est uniquement parce que la municipalité (et plus généralement, l’Etat) s’est soumise au diktat de l’austérité néo-libérale qu’elle se retrouve contrainte de marchander ces formes de financement illégitimes ; d’autant que si le marché est lucratif pour les professionnels de la publicité, les rentrées d’argent sont maigres pour les pouvoirs publics — comparer les 10 milliards de budget de la Mairie de Paris aux 41 millions que lui rapporte la pub sur le mobilier urbain d’information (MUI), les 2,8 millions que rapportent en tout les pubs géantes sur 3 églises parisiennes (Saint-Eustache, Madeleine, Saint-Augustin) ; pour la RATP même, le dernier chiffre est de 70 millions reversés à la RATP en 2009 (pour un chiffre d’affaire global estimé à 130-150 millions en 2019).

Or, malgré ses intentions affichées de limiter l’envahissement publicitaire, l’exécutif actuel présente un bilan lamentable en la matière, et non dénué d’hypocrisie. La Mairie a été au mieux passive (par exemple sur le développement d’écrans publicitaires derrière les vitrines commerciales), au pire complice du développement incontrôlé de la publicité dans la capitale : en raison des rentrées d’argent espérées, la Mairie est favorable au développement d’un maximum de publicités sur son mobilier urbain (au sens large), et en particulier, à la transition vers la publicité numérique (qui génère plus de profits), au mépris de la qualité de vie de ses habitants et du coût écologique désastreux de cette politique. Si la révision programmée du RLP de 2011 a été repoussée à la prochaine mandature, le pire est à craindre en cas de reconduction de la majorité actuelle : en effet, en 2017, dans la première mouture du plan imaginé alors par JC Decaux (qui a depuis perdu le marché au profit de Clear Channel), c’était déjà 15% d’écrans numériques qui étaient proposés ; le silence d’Anne Hidalgo à la suite de la pétition de Greenpeace Paris demandant l’interdiction de la publicité numérique en dit très long.

En raison des nombreux « trous dans la raquette » du RLP (il est ainsi difficile de croire aujourd’hui qu’il interdit la publicité numérique, tant elle s’est imposée partout où une faille juridique le permettait), sa révision est plus que nécessaire : mais pour « Décidons Paris », elle doit se faire impérativement dans un sens restrictif. Notre objectif est de tendre vers une ville sans pub, et d’utiliser tous les leviers pour atteindre cet objectif. La liste « Décidons Paris » s’inspire de ce qui a été réalisé depuis 2014 à Grenoble (majorité EELV-France Insoumise/PG). Faire de Paris une ville sans pub serait un signal extrêmement fort, en marquant un puissant changement d’échelle. D’autant que la capitale a plus de leviers à sa disposition que Grenoble, qui n’a pas toute la compétence en la matière (transférée pour partie à la Métropole, et au Syndicat mixte des transports grenoblois).

Par ailleurs, il faut également souligner que le RLP n’est, souvent, pas respecté. Nous réaliserons un état des lieux de ces manques dans la perspective d’augmenter le nombre d’agents en charge de faire appliquer ces règles.

II. Réponses au questionnaire

1. RLP

Seriez-vous prêt·e à réviser le RLP en vue de :

Limiter la taille des affiches à un format de 50 x 70 cm sur des dispositifs de 2 m² maximum ?

Oui. Nous souhaitons inscrire cette limite de format dans la révision du RLP. En effet, elle est décisive pour garantir la liberté de réception du message publicitaire, et il est tout simplement injustifiable que cette limitation, qui s’applique à l’affichage d’opinion, ne s’applique pas également à la publicité.

Proscrire les écrans numériques publicitaires dans l’espace public, y compris sur les mobiliers urbains ?

Oui, il faut impérativement proscrire les écrans numériques. Si la publicité est intrinsèquement anti-écologique, parce qu’elle encourage à la surconsommation, les écrans numériques de publicité le sont doublement, car ils conduisent également à une consommation d’énergie importante pour la diffusion du message publicitaire. La Mairie doit aussi entamer un bras de fer juridique contre les écrans numériques dans les vitrines de commerce, en allant s’il le faut jusqu’au Conseil d’Etat, pour renverser la « jurisprudence Zara », dont le fondement juridique est très faible.

Proscrire tout dispositif publicitaire consommant de l’électricité ? Les classiques affiches collées sont peu à peu remplacées par des panneaux déroulants et éclairés ou par des écrans vidéo, consommant de l’électricité.

Oui, dans la même logique que celle que nous portons pour les panneaux numériques, nous souhaitons proscrire les panneaux qui consomment de l’énergie : panneaux déroulants ou éclairés, écrans vidéo. Nous souhaitons au contraire imposer une limitation des panneaux à des panneaux non lumineux, non déroulants et encore moins numériques, limités à 2m².

Réglementer l’extinction des lumières des enseignes et des publicités, y compris les mobiliers urbains, qui aujourd’hui n’ont pas d’obligation d’extinction ?

Oui. Nous nous battrons pour l’extinction des enseignes et lumières des vitrines des commerces la nuit, qui est très peu respectée aujourd’hui. Cela vaut aussi, bien évidemment, pour les publicités dans les vitrines. Nous souhaitons proscrire tout dispositif de publicité consommant de l’électricité dans l’espace qui relève du RLP, et a fortiori nous sommes favorables à l’extinction de ces dispositifs, y compris les mobiliers urbains.

Proscrire l’utilisation de systèmes de mesure automatique de fréquentation ?

Ces dispositifs sont déjà interdits dans le RLP (P.1.7), mais ce principe doit être maintenu. Actuellement, Mediatransports a profité du fait que le RLP ne s’applique pas dans le métro et les gares parisiennes (assimilés à des « locaux » depuis la jurisprudence d’un arrêt de la cour de Cassation de 1987) pour les installer ou programmer leur installation (expérimentation à Saint-Lazare depuis 2019 sur le traçage des téléphones). Il y a aussi probablement du data targeting réalisé par les écrans disposés derrière les vitrines commerciales, qui échappent également au RLP. Nous explorerons toutes les possibilités légales et politiques pour que la Ville porte la nécessité d’étendre cette interdiction dans le métro et derrière les vitrines.

Instaurer une règle de densité plus restrictive pour la publicité extérieure, y compris pour les mobiliers urbains ?

Oui. Nous préconisons d’encadrer la densité de panneaux afin de la réduire drastiquement et de limiter l’exposition des citoyen.ne.s à la réception de messages publicitaires non souhaités.

Proscrire l’affichage publicitaire sur les véhicules ?

Oui. Actuellement, seuls les « véhicules à usage «essentiellement publicitaire » sont interdits par le RLP, mais il est souhaitable d’aller plus loin, notamment pour les véhicules de transport public.

Proscrire les bâches publicitaires dans l’espace public (hors monuments historiques qui sont du ressort du ministère de la Culture) ?

Oui, nous nous sommes d’ailleurs déjà engagés maintes fois en ce sens, par des voeux de Danielle Simonnet. Actuellement, le RLP réglemente ces dispositifs, mais il faut aller plus loin et les interdire complètement, car par leurs dimensions et leur emplacement, ils violent tout particulièrement la liberté de réception. En outre, la Mairie peut et doit renoncer aux bâches publicitaires sur les monuments historiques dont elle est propriétaire (en particulier, les églises parisiennes).

2. Contrat publicitaire de concession avec la ville ou l’intercommunalité

Envisagez-vous de ne pas renouveler le contrat publicitaire de concession avec la ville ou l’intercommunalité comme l’avait fait la ville de Grenoble pour les mobiliers urbains d’information en 2014 pour :

Les mobiliers urbains d’information ?

Les abris voyageurs ?

Les kiosques ?

Les colonnes et mâts porte-affiches ?

Les palissades de chantier ?

Nous nous engageons à ne renouveler aucun de ces contrats lorsqu’ils arriveront à échéance si nous ne parvenons pas à les rompre avant échéance. Cela nécessite de planifier en amont afin de trouver des modes de financement alternatifs pour la part des politiques publiques qui actuellement se financent par le biais de ces contrats incluant des publicités. Nous pourrons en revanche développer une régie publique des affichages sur les colonnes et mâts porte-affiche et/ou sur les abris voyageurs et les kiosques, qui seront réservés à de l’affichage sur des manifestations culturelles et dans des dimensions réduites (50 x 70 cm maximum par affiche).

Certains de ces contrats courent sur plusieurs mandats, envisagez-vous de résilier le(s) contrat(s) en cours ? Si oui, lesquels ?

Oui. Notre objectif est de tendre vers une ville sans publicités, et nous souhaitons pour cela mobiliser tous les leviers à notre disposition. Néanmoins, la rupture du contrat peut engendrer de lourdes pénalités financières, et il est nécessaire de les anticiper, de les faire valider collectivement, et de garantir la faisabilité juridique de ces ruptures de contrat. Le montant de ces pénalités est impossible à anticiper, il nous semble par conséquent difficile d’envisager de rompre l’ensemble des contrats en même temps. Nous proposons la méthode suivante : d’abord, nous réaliserons dès le début du mandat une concertation citoyenne sur la présence de la publicité dans la ville, afin de déterminer le degré d’urgence de rompre les différentes contrats existants. Cette concertation aura vocation à être un outil et un support de mobilisation citoyenne : nous nous appuierons sur cette mobilisation des habitant.e.s comme moyen de rapport de force dans les négociations avec les groupes, afin d’assurer les conditions les moins désavantageuses de rupture pour la puissance publique. Parce que la lutte contre l’envahissement publicitaire est d’intérêt général, nous assumerons de soutenir les collectifs et les citoyen.ne.s qui réalisent des actions de désobéissance civile antipub.

Si nous nous engageons à soumettre à concertation et à validation par les citoyen.ne.s l’ordre et le degré de priorité de rupture des différents contrats, pour notre part, nous proposons l’ordre de priorités suivant :

  1. Parce qu’il est symbolique de la politique des dernières années et particulièrement énergivore, il nous semble que le contrat le plus urgent à rompre est le contrat sur les mobiliers urbains d’information. En effet, l’information municipale ne doit pas être mêlée à de la publicité. Ces panneaux, qui viennent d’être réinstallés, et comprennent la possibilité technique de publicités numériques, doivent être retirés au plus vite.

  2. Le deuxième chantier auquel il nous semble urgent de nous atteler dans le domaine des contrats comprenant de la publicité, est celui des palissades de chantier. A court terme, nous encadrerons la taille des affiches et panneaux dans le RLP. A moyen terme, nous souhaitons mettre en oeuvre la rupture du contrat, qui a cours jusqu’en 2028. Ces panneaux envahissent l’espace public sans aucun respect de la liberté des Parisien.ne.s de réception du message publicitaire.

  3. Nous souhaitons que le contrat sur les kiosques soit revu entièrement : en effet, les kiosques et l’activité des kiosquiers sont aujourd’hui de simples prétextes pour les entreprises délégataires pour réaliser des bénéfices sur la publicité apposée sur les kiosques. Nous souhaitons proposer un autre modèle, émancipé de la publicité ou la limitant à de l’information sur des événements d’ordre culturel, en concertation avec les kiosquiers, et proposant notamment à ceux-ci l’implication de la ville dans une coopérative de travailleurs indépendants de type SCIC, qui permette aux kiosquiers de s’émanciper des délégataires et de leur apporter un soutien proportionné à l’utilité de cette activité pour l’intérêt général (liberté de la presse, mission d’information dans l’espace public).

  4. Les abris voyageurs doivent également être émancipés de la pub : il n’est pas acceptable que ces lieux d’attente et de repos soient le prétexte pour assaillir les Parisien.ne.s de publicités. Il nous semble nécessaire d’en faire des espaces sans publicités, ou a minima de restreindre les affichages autorisés à des affiches de taille raisonnable (50 x 70 cm) et limité à de l’information sur des manifestations culturelles.

  5. Nous souhaitons faire évoluer le modèle des colonnes et mâts porte-affiche, en maintenant la restriction à des affiches d’information pour des manifestations culturelles, mais en réduisant leur taille selon l’évolution que nous souhaitons dans le RLP, et en envisageant de consacrer au moins une partie de ces colonne à des l’affichage d’opinion ou d’information citoyenne et associative. Nous souhaitons que ces affichages passent en régie publique après échéance du contrat.

3. Faire respecter la loi sur le paysage

Nous constatons qu’il est très difficile de faire respecter la loi par les afficheurs, faute de moyens humains pour contrôler les implantations de panneaux. C’est à la mairie de faire appliquer la législation dans le cas où la commune est dotée d’un RLP. Comptez-vous affecter, embaucher et former des fonctionnaires à cette fin ? Interviendriez-vous pour interdire certaines opérations de marketing de rue et l’affichage publicitaire sauvage ?

Oui. Danielle Simonnet a d’ailleurs proposé et fait adopter un vœu en juillet 2016 allant dans ce sens, mais le contrôle est de fait insuffisant ; comme toujours, seule l’affectation d’un nombre suffisant de fonctionnaire municipaux à cette fin pourra faire respecter les restrictions du RLP (constatations et démarches juridiques). Comme indiqué plus haut, nous réaliserons dès le début de la mandature un état des lieux des manques dans ce domaine dans la perspective d’augmenter les effectifs en charge du contrôle et de la sanction des infractions au RLP.

4. Prospectus dans les boîtes aux lettres

Les prospectus publicitaires dans les boîtes aux lettres représentent 29 kg de papier par foyer et par an. Comptez-vous mettre gratuitement à disposition de vos administrés des autocollants « stop pub » ? Si oui, comptez-vous le diffuser massivement, en le distribuant par exemple dans le journal municipal ?

Oui, nous mettrons à disposition ces autocollants en mairie, dans l’ensemble des services publics municipaux, et par une distribution dans le journal municipal.