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Ce que l’on subit

La publicité dans les médias en question

Le modèle économique des médias – presse, radio, télévision – dits « de masse » est majoritairement basé sur le financement par la publicité. À tel point que certains publicitaires n’hésitent pas à dire que la publicité est « le sponsor de la démocratie »1 et la garante de la pluralité des points de vue.

Pour les médias qui choisissent ce financement, il ne s’agit pas de chercher à avoir de nouveaux lecteurs, auditeurs ou spectateurs, mais d’acquérir et de conserver les annonceurs.

Patrick Le Lay, alors PDG de TF1 expliquait comment il voyait les choses en 2004, dans le livre Les dirigeants face au changement2 :

Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective “business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit […].
Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible […].
Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise.

Pour justifier de leurs audiences, et ainsi leurs tarifs publicitaires, les médias ont différents outils :

– Pour la télévision et la radio, la société Mediamétrie est en charge de mesurer les audiences, plus connu sous le terme d’audimat. Pour la télévision, 13000 personnes volontaires, soit 5000 foyers, représentatifs de la population française constituent le panel qui permet d’extrapoler à la population dans son ensemble. Ces foyers sont équipés d’un boîtier que les membres activent quand ils sont devant le poste et le désactivent quand ils abandonnent l’écoute. Pour la radio, la même société, Mediamétrie, effectue 400 entretiens par jour, soit 126 000 par an, pour savoir ce que les personnes interrogées ont écouté et connaître leur fidélité à telle ou telle station.

– Pour la presse, c’est une association loi 1901 (OJD) qui est en charge de certifier la diffusion, la distribution et le dénombrement des journaux périodiques. L’OJD tire son sigle de son ancien nom, entre 1946 et 1992 : l’Office de Justification de la Diffusion des Supports de Publicité. Entre 1992 et 2005 cette association se faisait appeler Diffusion Contrôle. C’est à partir des chiffres fournis par cette association que les différents journaux négocient leurs tarifs publicitaires auprès des régies. Il existe quelques astuces pour gonfler ces chiffres de diffusion. La première d’entre elle est l’incitation à l’abonnement. Il s’agit de casser les prix, et/ou d’offrir au futur abonné un cadeau dont la valeur excède généralement celle de l’abonnement : lecteur DVD, tablette numérique, téléviseur, voire plusieurs à la fois si on souscrit à un abonnement très longue durée. Il est en effet plus rentable pour ces périodiques d’avoir des lecteurs « officiels » qui reçoivent leurs publications sans forcément les lire, plutôt que de les inciter chaque jour ou chaque semaine à acheter les journaux en kiosque avec des unes toujours plus spectaculaires, ce qui n’empêche pas de pratiquer les deux.
Une autre méthode couramment utilisée est de proposer gratuitement ses journaux, notamment dans les universités et les grandes écoles, mais aussi les aéroports ou les grands hôtels. Sous couvert d’inciter les étudiants à s’informer, ces titres, dont certains se veulent « de référence » emploient les mêmes techniques que les journaux dits « gratuits » – qui ne le sont pas – qu’ils dénoncent généralement. Cette pratique est très ancienne. Les « gratuits » n’ont finalement fait que reprendre et développer ce modèle à son paroxysme.

Le financement majoritaire, voire exclusif, par la publicité influence le traitement de l’information. Certains annonceurs ou certains secteurs d’activités ont ainsi une emprise non négligeable sur ce que disent et écrivent les journalistes. Les sujets sur la remise en cause de l’automobile sont rares quand cinq des quinze premiers annonceurs sont des constructeurs automobile3.

De la même façon, Areva, qui ne vend pourtant rien au consommateur final, est un important annonceur, dépensant quelques 5 millions d’euros par an en communication. Il est très difficile de trouver des informations critiques sur cette énergie dans les médias financés par la publicité, hors situation extrême de catastrophe nucléaire s’entend. On pourra citer l’exemple du quotidien économique La Tribune, qui, fin 2011, avait eu le malheur de faire un article peu flatteur sur les avancées du réacteur EPR. Le lendemain, EDF retirait tous ses budgets publicitaires, contribuant ainsi à l’obligation pour le journal de cesser son édition papier pendant plusieurs mois4

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Notes :

1 – Jacques Séguéla dans « À quoi sert la pub », de Pierre Carles pour Culture pub

2 – Éditions du Huitième jour

3Marché de la publicité 2015 – Union des annonceurs