Comme nous l’annoncions, ce mardi 21 novembre, le conseil de Paris a adopté la délibération DU 244 portant sur la révision du règlement local de la publicité (RLP). Cela implique que la ville va rentrer dans une procédure, encadrée par le Code de l’environnement1, qui comporte plusieurs phases obligatoires impliquant un travail préparatoire, des consultations publiques et des consultations institutionnelles pour valider le projet de texte qui devra être validé in fine par le conseil municipal. L’exécutif espère mener à bien toutes ces phases d’ici à l’automne 20192.
Hier, se sont donc tenu les premières passes d’armes entre l’exécutif, dont la volonté affichée est d’autoriser les écrans numériques publicitaires dans son futur RLP, et l’opposition à ces derniers qui a été portée essentiellement par un conseiller et une conseillère : Jacques Boutault, au nom du groupe écologiste de Paris, et Danielle Simonnet, « non inscrite »3, oratrice de la France Insoumise et coordinatrice du Parti de Gauche.
Jacques Boutault a débuté en rappelant que le RLP actuel était « très jeune » puisqu’il est applicable depuis seulement deux ans alors qu’il a demandé huit ans de procédure lors des deux précédentes mandatures. Il s’est aussi demandé si la précipitation à modifier si vite ce règlement n’était pas guidée par la préparation aux Jeux Olympiques 2024, comme les publicités sur les stades de la loi Macron de 2016 étaient « exigées » pour accueillir l’Euro 2016. Enfin, dans son intervention, l’élu a eu l’occasion de porter nos arguments sur le fait que les écrans numériques n’amenaient pas à une diminution du nombre de véhicules motorisés de l’entreprise JCDecaux puisque, pour ce type de dispositifs, l’entretien et le contrôle seraient quotidiens, comme le démontrent les documents de JCDecaux que nous avons mis en ligne.
Danielle Simonnet a, quant à elle, dénoncé dans son intervention le projet de « normaliser la ville pour accompagner l’envahissement publicitaire », ainsi que le recours de la capitale à des bâches publicitaires sur les monuments publics. Elle a appelé Paris à limiter la publicité, comme l’ont fait Grenoble ou São Paulo, parce qu’elle est « un conditionnement qui pousse à l’achat compulsif », et rappelé à l’exécutif que l’introduction de ces écrans va « à l’encontre du Plan Climat ».
Lequel Plan Climat avait été défendu la veille par tout le conseil municipal, des groupes Républicains aux Communistes, tous dénonçant la surconsommation comme facteur de réchauffement climatique. Argumentaire que n’aurait pas renié notre association.
Comme attendu, l’exécutif, par les voix d’Emmanuel Grégoire et Julien Bargeton, a défendu les positions contenues dans l’exposé des motifs de la délibération : les télévisions géantes publicitaires seraient écologiques puisqu’elles diminueraient la consommation de papier et les déplacements de véhicules grâce à la « télégestion », démontrant ainsi la volonté d’écoblanchiment de la Ville dénoncée tant par Danielle Simonnet que par Jacques Boutault.
Notons que les deux élu.es ont profité de leurs interventions respectives pour avertir le Conseil de Paris de la volonté de la multinationale JCDecaux de faire taire notre voix en tentant de censurer deux de nos articles qui démontent point par point l’argumentaire de la ville de Paris. Nous saluons leur soutien public.
La bataille autour de l’autorisation des écrans publicitaires dans le RLP de Paris, et donc leur introduction dans l’espace public a débuté hier. Le débat va être intense. Les deux voix qui ont porté nos arguments, si elles sont précieuses, ne suffiront pas. Nous tenterons de convaincre tou.tes les élu.es de la pertinence de limiter la publicité en général, et de refuser les télévisions géantes dans les rues. Pour cela, nous aurons aussi besoin de mobilisations citoyennes, comme celle que nous avons organisée lundi devant la Mairie, et donc de votre soutien.
Retrouver l’intervention complète de Jacques Boutault
Retrouver les interventions complètes de Danielle Simonnet
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Ce jour-là une autre délibération a été votée : le renouvellement du contrat de mobiliers urbains d’information (MUI), à titre provisoire, le temps que le RLP soit adopté. Nous serons certainement amenés à parler très prochainement, et plus en détail de ce renouvellement, mais nous profitons de ce compte rendu du conseil de Paris pour saluer les interventions de Danielle Simonnet et Jacques Boutault (encore) qui ont questionné l’exécutif sur le côté « accessoire »4 de la publicité commerciale sur ce type de mobiliers. Les problèmes soulevés sont très proches de ceux que nous dénoncions en mars dernier, et nous nous félicitons que la Mairie de Paris ait pu être confrontée à ce problème, mais regrettons qu’elle n’ait pas répondu sur le fond. Le débat autour de cette délibération a permis à Danielle Simonnet de mettre en parallèle les recettes issues de ces mobiliers urbains et les recettes perçues par un opérateur privé, Vinci, qui exploite les parkings publics, pour des revenus équivalents, et d’appeler la ville à « émanciper ses panneaux municipaux de la publicité ». Jacques Boutault en a profité pour rappeler l’initiative de Grenoble et demander de « supprimer ces publicités pour planter des arbres à la place ».
Ce mercredi 22 novembre, le groupe écologiste de Paris annonce vouloir saisir le bureau de légalité de la Préfecture pour vérifier la légalité de ce renouvellement.
Enfin, deux autres vœux notables ont été discutés lors de ce Conseil de Paris :
– L’un, du groupe Les Républicains, et présenté par Jean-Baptiste de Froment, pour dénoncer l’affichage sauvage, vœu qui, s’il va dans le bon sens et a été adopté, reste assez timide. En effet, il propose simplement d’augmenter le montant de l’amende encourue pour affichage sauvage ainsi que de faire signer une charte aux agences responsables de cette pollution. Ce vœu est insuffisant en ce que les amendes encourues étant d’ores et déjà prises en compte par les publicitaires dans leurs budgets, une hausse du montant des amendes, à moins d’être extraordinaire, risque fort d’être simplement répercutée sur les prix de leurs prestations, sans rien changer à leurs pratiques. On ne saurait penser que des mesures simplement incitatives et des “chartes” puissent changer quoi que ce soit au comportement d’entreprises qui assument de ne pas respecter la loi.. Nous sommes loin de la proposition de décembre 2016 de Mao Peninou, adjoint à la propreté, qui s’exprimait sur BFM en expliquant réfléchir à la dissolution des agences de « guérilla marketing » qui ont pignon sur rue et des sites internet qui se vantent de leur pollution.
– L’autre, du groupe Communiste – Front de Gauche, pour dénoncer le nommage des bâtiments culturels et sportifs. Au nom de ce groupe, Jean-Noël Aqua a rappelé que la marchandisation de l’espace public n’était pas acceptable, qu’il fallait conserver la neutralité du service public et qu’il fallait lutter contre l’affichage publicitaire et « les 3000 messages subis par jour par les Parisiens et les Parisiennes ». Nous saluons cette intervention.
Notes
2 – On pourra trouver toutes les phases détaillées dans le projet de délibération.
3 – C’est à dire qu’elle n’est affiliée à aucun groupe au Conseil de Paris