Au delà des écrans, les limites de l’argumentaire de la Mairie de Paris

Ce lundi 20 novembre, nous nous sommes rassemblé.es sur le parvis de l’Hôtel de Ville pour dérouler un tapis de publicités devant l’entrée de la Mairie. En effet, celle-ci a décidé d’approuver le projet d’une révision du RLP qui a pour but principal, et l’exécutif ne s’en cache pas, d’imposer dans les rues parisiennes des télévisions publicitaires géantes.

Cependant, les écrans, s’ils restent un des points les plus importants à nos yeux dans les objectifs de révision de ce document, ne sont pas le seul souci que nous avons à la lecture de l’exposé des motifs de la Ville quant à cette révision. En effet, ces objectifs sont :

« 1. Prendre en compte les évolutions législatives intervenues depuis l’engagement de la révision du règlement actuellement en vigueur, et notamment la loi n°2010-790 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ainsi que la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. À cet effet, il s’agira de définir :

  • les modalités de la mise en conformité avec les règles nationales en matière de densité des supports muraux ou scellés au sol ;
  • les conditions de financement des travaux extérieurs des immeubles protégés au titre des Monuments Historiques par la présence de publicité disposée sur les bâches ;
  • les conditions de mise en place de la publicité de petit format sur les devantures commerciales ;
  • les conditions de mise en place de la publicité de grand format sur les équipements sportifs disposant d’une capacité d’accueil d’au moins 15 000 places assises.

2. Initier l’introduction de technologies nouvelles, comme les écrans numériques, dans l’espace public sur la base d’une évaluation de leurs contributions à la réalisation des objectifs du Plan Climat Air Énergie Territorial ;

3.Préciser et simplifier, quand cela s’avérera utile et possible, l’écriture de certaines dispositions.« 

Tout d’abord, notons que l’exécutif parisien invoque une nécessaire prise en compte des évolutions législatives pour justifier sa volonté de réviser son RLP : si des villes, dont les RLP sont plus anciens, doivent effectivement modifier leur règlement avant 2020, Paris n’est pas concernée, puisque son RLP date d’après 2010. Légalement donc, le RLP actuel est parfaitement aux normes.

Densité et publicités sur stades : déjà réglementées

Paris invoque la nécessité de réglementer la densité de publicités, ainsi que les publicités sur les stades de 15 000 places, comme si, à l’heure actuelle, ces deux sujets n’étaient pas déjà réglementés par la loi nationale qui s’impose lorsqu’un RLP est silencieux sur un ou des points qu’elle aborde1. Donc, sauf à vouloir être plus restrictive que le code de l’environnement, ce qui ne transpire pas au vu de l’exposé des motifs, la capitale ne peut pas faire grand-chose. Si celle-ci désirait, en revanche, imposer des règles plus drastiques en matière de densité et de publicités sur les stades, notre association saluerait la volonté et l’accompagnerait volontiers.

Publicités sur monuments historiques : impossible à réglementer

Sur la volonté de définir des conditions de financement des travaux sur les monuments historiques, nous avouons ne pas comprendre ce que compte faire la Mairie. En effet les bâches publicitaires que l’on peut voir pulluler partout dans Paris depuis quelques années (jusque sur les monuments appartenant à la Ville, en faisant la promotion d’évadés fiscaux notoires, comme actuellement sur le Théâtre de la Ville), sont possibles en dérogation totale avec le code de l’environnement2, un RLP, dont la légitimité provient du même code, ne peut pas réglementer ces bâches. Seul le Ministère de la Culture pourrait le faire, en abrogeant cet article comme nous le demandons depuis des années. Mais la Mairie de Paris ne peut rien : ni faire de dérogations, ni faire de limitations. Nous ne manquerons pas de poser la question lors des diverses consultations à venir.

Publicité sur baies : non à la légalisation

Sur la volonté de revenir sur la publicité de petit format sur les devantures commerciales, un petit détour s’impose. Avant le Grenelle de l’environnement et son volet « Paysages », l’article L581-8, interdisait purement et simplement la publicité sur baies3. Mais un afficheur, Insert, bafouait allègrement cette règle et avait des dizaines de milliers de panneaux illégaux dans toute la France. Plutôt que de faire appliquer cette règle, et pour diminuer le nombre d’infractions, le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait décidé de légaliser cette pratique en réécrivant l’article pour accepter les « dispositifs de petits formats »4, cœur de métier de Insert. Dans son RLP voté en 2011, Paris avait maintenu l’interdiction stricte de publicités sur baies5. Cette volonté de revenir sur cet état de fait nous fait dire que Paris, plutôt que de faire appliquer son RLP en la matière, préfère, comme le gouvernement Sarkozy de l’époque, légaliser la pratique. Nous espérons ardemment nous tromper.

Technologies nouvelles : personne ne veut de télévisions géantes dans les rues

Nous ne revenons pas sur la volonté « d’introduire des technologies nouvelles » qui serait un des moyens de réaliser les objectifs du Plan Climat de Paris. Si besoin est, la tartufferie est dénoncée dans notre précédent article que, par ailleurs, l’entreprise JCDecaux veut nous voir supprimer, avec menaces de procès à la clef.

Une lacune dans les objectifs de la révision du RLP : des règles d’extinction des publicités, la nuit

Si le RLP de Paris est conforme à la loi nationale et n’a aucune obligation légale d’être modifié, une révision de ce document devrait, selon nous, aborder un point, que l’exécutif n’aborde malheureusement pas dans son exposé des motifs : les règles d’extinction des publicités lumineuses la nuit. En effet, l’article R581-35 du code de l’environnement dispose que les villes de plus de 800 000 habitants prévoient ce type de règles dans leurs RLP. Or Paris ne possède pas de telles règles dans son RLP, et donc, les publicités peuvent être allumées, de jour comme de nuit.

Clarifier et simplifier : oui, trois fois oui

Enfin, sur la volonté de clarifier et simplifier l’écriture de certaines dispositions, nous rejoignons pleinement la volonté de la Ville. Certains articles méritent effectivement d’être simplifiés et clarifiés. Nous ne manquerons pas d’élaborer plusieurs recommandations à ce sujet dans les semaines qui viennent. Et nous espérons ardemment que Paris pourra les entendre. La plupart relèvent du bon sens et amèneront réellement Paris à devenir le fer de lance de la lutte contre le réchauffement climatique par le volet de la lutte contre la surconsommation.

Il ressort cependant de notre récent entretien avec un collaborateur de la Mairie que l’exécutif a néanmoins quelques volontés de lutter contre certains phénomènes publicitaires (écrans derrière les vitrines, publicités sauvages…). Nous saluons cette volonté, mais la pousserons à aller plus loin. Nous espérons pouvoir rencontrer les élu.es de manière plus approfondie très bientôt.

Notes

1 – sur la densité, voir article R581-25 du code de l’environnement :

– sur les publicités sur les stades, l’article 1 de la loi Macron à ce sujet est bien passé l’an dernier, et il s’applique à l’heure actuelle.

3Article L581-8 du code de l’environnement, version avant 2010 : « IV. – La publicité ne peut recouvrir tout ou partie d’une baie. Toutefois, cette interdiction est levée lorsqu’il s’agit de la devanture d’un établissement temporairement fermé pour réfection ou à la suite d’une procédure de règlement judiciaire ou de liquidation des biens ou lorsqu’une ou plusieurs zones de réglementations spéciales instituées selon la procédure définie à l’article L. 581-14 l’ont prévu. »

4Article L581-8 du code de l’environnement, version après 2010 : III. ― La publicité ne peut recouvrir tout ou partie d’une baie. Toutefois, sous réserve de l’application de l’article L. 581-4 et du présent article, cette interdiction est levée pour les dispositifs de petit format intégrés à des devantures commerciales et ne recouvrant que partiellement la baie ou lorsqu’il s’agit de la devanture d’un établissement temporairement fermé pour réfection ou à la suite d’une procédure de règlement judiciaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

5 – Article P1.3.1 du RLP : « Ne peuvent être utilisés comme supports* de publicité : […]
h) Tout ou partie d’une baie, sauf s’il s’agit d’un établissement fermé pour réfection, en règlement judiciaire ou en liquidation de biens. »

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