Le gouvernement ré-ouvre le dossier de l’affichage publicitaire en ayant l’ambition d’introduire un volet paysages dans une loi sur la biodiversité. À défaut d’une réforme globale de l’affichage et d’une lutte efficace contre la pollution visuelle et mentale, il y a déjà matière à réparations, après l’épisode du Grenelle de l’environnement qui a enregistré plus de reculs que d’avancées.
En particulier, la question des écrans dans l’espace public est la plus emblématique. En effet, le Grenelle 2 a assoupli la loi et la réglementation encadrant les télévisions publicitaires : leur statut est désormais reconnu et différent de la publicité lumineuse ; la taille des écrans peut aller jusqu’à 8 m² – soit 4 fois la taille des écrans du métro parisien. En bref, et de l’aveu des principaux afficheurs, les écrans vidéo publicitaires vont pouvoir débarquer massivement dans les rues et dans l’espace public, que ce soit sous forme d’écran sur le mobilier urbain ou de panneaux de type télévision géante, scellés au sol ou sur les façades.
Déjà, le déploiement de ces écrans dans le métro et les gares parisiennes est effectif.
Comme l’expérience montre qu’il est plus efficace d’agir avant l’installation d’un panneau que de le faire retirer, nous pensons qu’il est encore temps d’agir contre l’arrivée massive de ces écrans dans l’espace public, car ils constituent une triple pollution.
La première des pollutions est visuelle : ces écrans sont recherchés par les afficheurs pour leur luminosité et le mouvement des images. Tout est fait pour attirer l’œil. La dégradation du paysage n’en est que plus grande encore. De plus la présence d’écrans animés, dont les mouvements sont étudiés pour détourner l’attention de l’automobiliste, est une source de danger permanent en ce qui concerne la sécurité routière.
La deuxième pollution est énergétique : à l’heure où chacun est incité à maîtriser sa consommation et à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, ces panneaux constituent un gaspillage énergétique qui s’exhibe. Mais cette gabegie n’est pas que symbolique, puisqu’un écran du métro qui a une puissance de 1000 W, consomme autant d’électricité que 7 personnes. Un bilan carbone des écrans du métro a été réalisé par l’agence indépendante Idsign Solutions avec la méthode de calcul de l’Ademe. Il montre qu’un écran émet 10 fois plus de CO2 qu’une affiche collée.
La troisième pollution, et peut être la plus grave, est mentale. On estime en moyenne à plus de 650 le nombre de messages publicitaires reçus par individu et par jour. Ces écrans ne constituent pas seulement un affichage publicitaire de plus. Le fait qu’ils soient animés attire l’œil du passant qui n’a plus aucun moyen de détourner le regard. L’agression publicitaire est ainsi caractérisée. Récemment, une petite fille est restée traumatisée par une vidéo faisant la promotion d’un jeu vidéo particulièrement violent dans les couloirs du RER. Les images animées montrant un visage de femme ensanglanté étaient très réalistes. Faudra-t-il un jour interdire le métro aux moins de 18 ans ?
La présence sur l’espace public d’écrans de télévision géants pose une question de société plus vaste : à l’heure où les écrans envahissent notre quotidien (des bureaux de poste au café, de la maison au bureau, dans les poches et les sacs…) l’espace public devrait être un espace de respiration, neutre et sans écran.
C’est le devoir des responsables politiques de protéger la nature et les paysages urbains contre les assauts des publicitaires.