RLP de Paris : Analyse des contributions à la concertation

Nuage des mots qui reviennent le plus fréquemment dans les contributions

Notre lecture complète des contributions à la concertation publique1 de la Mairie de Paris concernant la révision de son Règlement local de publicité (RLP)2 confirme le rejet majoritaire des participantes et participants que nous évoquions dans notre dernier article3. Les ultimes participations réprouvent même encore plus massivement le projet. Ainsi, 95,6 % (2141 contributions) expriment un avis défavorable au projet de la Ville, contre 3,3 % (75) à y être favorables et 1,1 % (24) n’ont pas pu être clairement identifiées « pour » ou « contre ». La méthodologie qui nous a permis d’arriver à ces résultats est détaillée en fin d’article.

NB : Chaque lien contenu dans cette analyse permet de lire quelques contributions qui abordent l’item en question. N’hésitez pas à cliquer pour avoir une idée de la teneur des commentaires.

Une défiance généralisée envers les écrans numériques

Une immense majorité des personnes qui ont répondu l’ont fait par rejet des écrans numériques publicitaires : 83 % (1859 contributions) citent explicitement les écrans en demandant leur interdiction ou au moins leur limitation. 24,7 % (552) se prononcent contre la publicité en général. Certains messages sont très courts, mais sans équivoque.

L’écologie : l’argument majeur

D’autres messages sont plus argumentés. En premier lieu,  la pollution intrinsèque des écrans est mise en cause : 59,4 % des contributions (1329) évoquent la consommation énergétique, la fabrication ou encore les déchets (difficiles voire impossibles à recycler) induits par ces équipements. 19,7 % (440) estiment que la publicité (en général ou sur écran en particulier) incite à la (sur-)consommation. 11,3 % (252) abordent l’enjeu de la pollution lumineuse et de ce qu’elle implique en matière de biodiversité, d’impact sur la faune et la flore, ou de cycle du sommeil et autres problèmes de santé publique qui lui sont liés. La notion de sobriété, qu’elle soit énergétique ou publicitaire, revient dans 4,5 % des observations (100). Ainsi, 26,7 % (597) considèrent que l’introduction de panneaux numériques serait en contradiction avec le Plan Climat de Paris, la COP21, ou encore les discours politiques ou publics qui invitent les citoyennes et citoyens à économiser l’énergie. Par conséquent, plusieurs contributions estiment qu’il faudrait interdire toute utilisation d’énergie pour alimenter des panneaux de publicité, ce que notre association revendique depuis de nombreuses années.

Au delà des problèmes écologiques, la question des écrans dans l’espace public

Après le thème de l’écologie, les observations qui reviennent le plus souvent trouvent la publicité (en général ou sur écran en particulier) « agressive » ou « intrusive » (24,7 %, soit 552 contributions), lorsque 20,2 % (452) parlent de « pollution visuelle ». 18,8 % (420) estiment que la publicité est déjà bien assez « omniprésente », « envahissante », ou dénoncent une « sur-sollicitation ». 19,6 % (439) des personnes répondantes regrettent que la publicité, et notamment celle sur écrans, « capte le regard », « force l’attention », c’est-à-dire qu’elle ne respecte pas le principe de liberté de réception des messages, principe que nous défendons à R.A.P. La qualité ou le cadre de vie sont évoqués par 13,8 % (308) des personnes (laideur des dispositifs, beauté de la ville, respect du patrimoine, empiétement sur l’espace urbain…). La sécurité routière revient quant à elle dans 6,5 % (145) des contributions, une préoccupation bien argumentée par l’intervention de l’association Mieux se Déplacer à Bicyclette, avec une mention spéciale pour la contradiction entre le Plan Vélo de la Ville et le système publicitaire qui incite majoritairement à l’utilisation d’automobiles (2e plus gros annonceur en dépenses publicitaires, après la grande distribution).

4 % des personnes (89) décrivent une situation de « stress », de « fatigue » ou de « surcharge cognitive » face aux écrans, lorsque 5,9 % (132) évoquent l’idée d’une banalisation des écrans alors qu’ils nous envahissent déjà. 7,4 % (165) leur reprochent également leur nocivité avérée pour les enfants, particulièrement réceptifs à ces stimuli et qu’il faudrait, plus généralement, protéger des écrans. 2,3 % (52) soulèvent, d’ailleurs, un enjeu de santé publique, notamment pour les plus fragiles (épileptiques, personnes migraineuses…). En définitive, 19,4 % (434) abordent le thème de l’espace public, de la rue, pour rappeler leur attachement à ce bien commun.

Messages véhiculés

8,7 % (194) avancent l’idée que la publicité véhicule un message polluant (« pollution mentale », produits vantés peu compatibles avec leurs valeurs…). 2,1 % (46) dénoncent le sexisme, la violence et plus généralement les stéréotypes contenus dans les messages publicitaires. De nombreux parents abordent le problème de messages qui vont à l’encontre de l’éducation qu’elles et ils essayent d’inculquer à leurs enfants.

3 % (68) mettent en cause le poids des multinationales dans le système publicitaire, au détriment des petits commerces qui ne bénéficient pas des budgets suffisants pour avoir accès à ce type d’affichage (qu’il soit sur papier ou numérique).

3,3 % (73) se prononcent en faveur d’un affichage politique, associatif, culturel ou d’intérêt général et en demandent plus, au détriment de l’affichage commercial.

2,1 % (47) réclament plus d’arbres ou de végétalisation, et 1,8 % (40) citent les villes de Grenoble ou São Paulo comme exemples à suivre.

Les autres supports de publicité

Des supports ou des lieux qui ne peuvent être réglementés par le RLP sont aussi abordés par les contributions. En premier lieu, les transports publics, RATP et SNCF, où l’invasion des écrans a déjà largement commencé. 12,5 % (279) citent le cas du métro et des gares comme des exemples à ne pas suivre. La Mairie de Paris ne peut a priori rien faire dans ces lieux, si ce n’est montrer le chemin en maintenant l’interdiction des écrans dans les rues parisiennes.

Bien que ne relevant pas non plus du RLP, les bâches sur les monuments sont aussi fréquemment évoquées (par 3,2 %, soit 71 contributions). Un nombre significatif d’observations avancent que la publicité nuit au tourisme (3,3 %, soit 73 contributions), ce que résume ce commentaire à propos des bâches sur les monuments.

Si la Mairie ne peut effectivement rien faire contre ces dernières4, elle pourrait cependant éviter d’y recourir pour les monuments dont elle a la responsabilité5, et s’assurer que les bâches qui se multiplient dans Paris respectent bien les conditions prévues par la loi, notamment celle qui exclut le recours à ces bâches publicitaires pour des travaux intérieurs.

Les écrans dans les vitrines sont évoqués par 2,7 % des personnes (61) comme très perturbants. Nous invitons donc la Mairie, qui semble vouloir mieux maîtriser l’espace public sur ce point, à militer pour que la législation nationale6 change à ce sujet et que les villes puissent réglementer toute publicité ou enseigne visible de la voie publique, qu’elle soit, ou non, à l’intérieur d’un local. Notre association l’accompagnera volontiers sur ce sujet.

1,2 % des personnes (26) parlent de l’affichage sauvage et de la publicité au sol qui, bien qu’interdits, tous pullulent dans les rues parisiennes.

Trois exemples d’écrans numériques actuellement présents dans l’espace public sont pointés du doigt par quelques contributions : l’écran de l’Opéra de la Bastille, celui du café EP7, avenue de France, et celui du cinéma du Grand Rex. Ces écrans sont autorisés par le RLP actuel7, mais à la condition que les images soient statiques. Or, en l’espèce, il suffit de se rendre sur ces trois lieux pour constater que les images n’ont rien de statique et que donc ces enseignes contreviennent manifestement au RLP8. Nous nous demandons alors : s’il s’avère manifestement compliqué de faire respecter une règle simple (« images statiques ») concernant uniquement trois dispositifs, qu’en sera-t-il pour une règle compliquée (la Mairie parle de « slow motion », notion que nous cherchons encore à comprendre) censée s’appliquer aux centaines, voire aux milliers de dispositifs que la Ville entend autoriser ?

La publicité rapporte… mais elle coûte cher

Quelques observations abordent la question de ce que la publicité rapporte financièrement. La plupart estiment que les recettes sont minimes au regard de la gêne occasionnée. Nous ajoutons que si la publicité rapporte, « en même temps » elle coûte aussi très cher, tant pour les citoyens et citoyennes qui payent la publicité dans le prix des produits9, que pour la collectivité qui doit subir les diverses pollutions directes (consommation d’énergie, pollution visuelle, lumineuse…) et indirectes (surconsommation, mode de vie sédentaire, malbouffe…) induites par la publicité. C’est d’ailleurs pourquoi une petite dizaine (8) de contributions demandent à ce qu’une étude d’impact globale soit menée avant d’envisager l’autorisation des écrans numériques dans l’espace public. Une telle étude nous paraît indispensable pour  ce projet, et si possible élaborée par un organisme neutre et indépendant.

Par ailleurs, 17 personnes (0,8%) affirment consentir à payer plus d’impôts pour compenser la perte de la « manne » publicitaire.

Les capteurs d’audience

Un certain nombre de personnes (1,4 %, soit 32 contributions) s’alarment de la présence de système de mesure d’audience10 dans les écrans, au moyen de caméras ou de dispositifs capables d’identifier les téléphones portables. Cela nous donne l’occasion de faire un point à ce sujet.

À ce jour, et à notre connaissance, ces dispositifs ne sont présents que dans certains centres commerciaux (pour les caméras), et quelques grands magasins (pour les téléphones). Il était question d’inclure des caméras lors du déploiement des écrans du métro parisien. Devant la fronde citoyenne, et notamment celle de notre association11, la régie publicitaire de la RATP, Métrobus, disait avoir fait machine arrière et affirmait (en 2010) qu’elle attendait que « les mentalités évoluent »12. Huit ans plus tard, ces caméras qui nous comptent et analysent nos comportements ne sont, vraisemblablement, toujours pas activées, même si elles sont bien prévues pour être intégrées dans les panneaux du métro et des gares. Légalement, si Métrobus activait ces capteurs, il faudrait qu’une signalétique spécifique, qui informe sur la finalité du dispositif13, soit ajoutée à l’entrée de ces lieux14.

Quant à l’actuel RLP de Paris, il interdit les capteurs d’audience, que ce soit dans les publicités ou les enseignes15. À notre connaissance, la Mairie n’a jamais explicitement avancé l’idée qu’il fallait les autoriser. Mais nous n’avons pas encore tout à fait déterminé jusqu’à quel niveau cette dernière veut « introduire les nouvelles technologies ». Notre association restera donc extrêmement vigilante sur ce point.

Les nouveaux panneaux numériques « journaux électroniques d’information »

Certaines contributions évoquent les nouveaux panneaux numériques de la Ville de Paris, introduits progressivement depuis le début de l’année. Ils ne comportent pas de publicités et ne sont donc pas concernés par le RLP, mais certaines observations méritent d’être relevées. Certaines personnes regrettent la bonne lisibilité des anciens panneaux par rapport aux nouveaux, s’inquiètent de leur côté « flashy » et se demandent ce qu’apportent des images de chatons qui se frottent à l’écran. Nous nous demandons à cet égard si ces écrans permettent de comprendre ce que veut dire le « slow motion ». Si tel est le cas, nous trouvons le concept de « slow motion » particulièrement animé. Une personne fait de surcroît remarquer que ces écrans permettent déjà à la Ville de communiquer en temps réel (pour des événements type « crue » ou « alerte enlèvement » par exemple) et ne voit donc pas l’intérêt d’en ajouter pour des affichages publicitaires.

Contributions auxquelles on ne s’attendait pas

Deux observations paraissent contre-intuitives :

La première, celle d’une personne qui se présente comme ancien publicitaire et qui se prononce contre les écrans numériques.

La seconde, celle de l’agence de graphistes Grapheine, qui a même pris le temps de faire un long article documenté pour expliquer son rejet des écrans16 (rappelons que la publicité, pour une agence de graphiste, est synonyme de contrats).

Et les contributions favorables dans tout ça ?

Seulement 75 personnes (physiques ou morales) ont jugé que la présence de la publicité en ville valait la peine d’être défendue. Une partie des contributions s’inquiète d’ailleurs pour rien, puisqu’elles font part de craintes quant à la fin de l’exploitation de contrats… que la mairie ne peut pas interdire :

– par exemple, ces propriétaires qui louent un panneau sur leur pignon, et qui interviennent (vraisemblablement à la suite de l’alerte de leur prestataire) pour expliquer que leur panneau « ne dérange personne » et qu’il permet de financer des travaux. Nous pouvons donc ici les rassurer. La ville de Paris ne peut pas interdire les panneaux sur les murs privés. Elle peut simplement les encadrer (hauteur, surface, type de dispositif…), c’est pourquoi nous tenons tant à ce que le RLP maintienne l’interdiction des écrans. La Ville semble penser qu’elle pourra les autoriser sur « ses » panneaux (les mobiliers urbains que JCDecaux retire actuellement17, mais qu’elle compte remplacer à terme) et les interdire pour les panneaux des particuliers, et ainsi maîtriser le nombre de mobiliers numériques dans Paris pour respecter son Plan Climat. Si c’est là sa stratégie, elle devra se préparer à une sévère déconvenue (et ce ne sera pas la première fois que notre association annonce un probable revers de la mairie sur ce sujet).

– autre exemple, celui du Diocèse de Paris qui a bénéficié des bâches pour les églises de Saint Augustin, Saint Eustache et La Madeleine pour financer une partie de la rénovation des travaux. Or, le RLP ne peut strictement rien contre cette dérogation accordée par le code du patrimoine, au détriment de l’interdiction, normalement absolue, de publicités sur les monuments historiques prévue par le code de l’environnement18. On rassure donc aussi le diocèse sur ce point19. En revanche, nous l’invitons à lire les Alters Cathos qui ont, semble-t-il un message à lui faire passer20.

Sur les sujets qui concernent directement le RLP, parmi les 75 contributions en faveur de la publicité, 32 (1,4 % du total) défendent explicitement les écrans numériques et 11 (0,5 %) défendent les bâches pour pouvoir, en tant que copropriété ou fédérations de professionnels, en apposer aussi lors de travaux de ravalement, à l’image des fédérations de l’immobilier ou de la Fédération Française du Bâtiment qui ont pris la peine d’apporter leurs contributions.

Les arguments généralement favorables évoquent, pêle-mêle, le fait qu’une ville sans pub21 serait une « ville grise »  ; que la pub est « indispensable » sans expliquer, au passage, comment font les 3 millions d’entreprises recensées par l’INSEE pour survivre, alors que seules quelques centaines de multinationales « profitent » du système publicitaire ; que les écrans « apportent une image de modernité » ; qu’il faut « aller avec notre temps » ; ou encore que la publicité apporte de « l’information et de l’animation ».

D’autres contributions viennent plus ou moins explicitement de personnes qui travaillent dans le secteur. Il faudrait, selon elles, que l’activité se « modernise » grâce à la « publicité digitale » qui ne serait « pas dévoreuse d’énergie », mais au contraire « ultra qualitative », « plus esthétique », et surtout « bien intégrée ». « D’autant que nous avons la chance en France de bénéficier de sociétés performantes créatrices d’emplois ». Ces contributions ne sont peut-être pas toutes signées, mais le vocabulaire utilisé ressemble étrangement au jargon des afficheurs22.

Nous noterons aussi la (longue) contribution du Parc des expositions de la Porte de Versailles qui, après avoir bien précisé qu’il fallait qu’un RLP édicte des règles plus restrictives que la loi nationale, défend ensuite un assouplissement du RLP actuel en faveur de son activité. Ainsi, ils expliquent qu’une « dématérialisation sur des supports digitaux pérennes » pourrait améliorer « significativement » l’impact écologique des toiles géantes « nécessaires à la promotion des événements organisés ». Outre le fait que parler de « dématérialisation » quand on évoque des écrans numériques est un non-sens pour qui étudie un tant soit peu le cycle de vie de ces dispositifs, nous nous interrogeons sur le côté « nécessaire » de ces affichages géants.

Ils demandent ensuite que le futur RLP leur permette de bénéficier de la même dérogation donnée aux établissements culturels et cinématographiques pour pouvoir recourir aux enseignes numériques, et, par la même occasion que soient réécris ces articles pour autoriser la diffusion d’images animées, afin de pouvoir se signaler « via des procédés résolument modernes ».

Ils demandent enfin, et ce, afin de « moderniser l’image de la capitale », à ce que le RLP introduise la possibilité de signaler une activité par le biais de « procédés technologiques innovants », comme les « médias-façades en verre » comme on peut en voir à Berlin ou Hambourg. Bien entendu, pour le Parc des expositions, ces dérogations ne devraient être permises que pour « les établissements de type palais des congrès, parc des expositions, salles de spectacles, établissements culturels… »

En d’autres termes, la contribution du Parc des Expositions de la porte de Versailles reconnaît la nécessité d’un RLP plus restrictif, tout en appelant de ses vœux des assouplissements pour sa propre situation.

Nous prenons le temps de répondre à tous les arguments de cette seule contribution parce que nous savons que d’autres secteurs seront tentés d’expliquer, de manière plus ou moins publique, que leur activité nécessite des règles plus souples. À ce jeu-là, si la Mairie accède à toutes leurs demandes, le côté restrictif du RLP se réduira comme une peau de chagrin.

Notons pour finir que la plupart des personnes, physiques ou morales, qui ont un avis favorable au projet de la Ville s’expriment au nom d’un intérêt particulier davantage qu’en celui de l’intérêt général.

Comment avons-nous procédé – méthodologie

La concertation n’était pas sous la forme d’un questionnaire avec des cases à cocher. Les Parisiens et Parisiennes étaient invité.es à s’exprimer à partir d’une feuille blanche, en se basant sur les documents de la Mairie. Les réponses étaient donc spontanées et chaque répondant pouvait aborder le thème avec l’angle qu’elle ou il désirait. Donc, si, par exemple, « seulement » 25 % trouvent la publicité « agressive », ça ne veut pas dire que 75 % ne la trouvent pas agressive. Cela veut simplement dire que, spontanément, 25 % des personnes associent publicité et agression. Nul doute que si on avait posé la question directement, le taux de répondants la trouvant agressive aurait été plus élevé. Cet exemple doit être gardé en tête pour tous les « items » présentés dans cette analyse.

Ainsi, nous avons lu toutes les observations en comptabilisant toutes celles qui abordaient des sujets communs, pour aller au-delà d’un simple « pour » ou « contre ». Nous avons tenté, autant que faire se peut, de débusquer les doublons (même personne qui poste plusieurs messages à la suite, même personne qui poste deux fois de suite le même message par erreur) et de les enlever du total de participations. Nous avons donc validé 2239 observations sur les 2290. C’est ce total de 2239 qui donne la base pour les pourcentages donnés ici. Nous avons pu croiser quelques messages qui semblaient « copiés-collés », mais n’ayant pas les adresses IP, nous n’avons pas pu déterminer s’il s’agissait d’une seule et même personne ou de plusieurs personnes différentes qui ont participé à la suite d’une « alerte » d’un ami ou d’une association23 qui donnait des pistes de réponse à apporter. Nous les avons validés pour ceux qui n’étaient pas côte-à-côte, signe de doublon. De ce que nous avons pu constater, cette situation est marginale.

Concertation biaisée ?

Avec plus de 95 % de répondants contre le projet de la Ville, notre association aurait presque un peu honte de ce résultat. Si ce score de république bananière reflète surtout un manque cruel de communication de la Ville24 sur la concertation, il est cependant corroboré par les derniers sondages réalisés25, et commandités par une agence de publicité, qui eux aussi donnaient des résultats très hostiles à la publicité. 76 % des sondé.e.s la trouvaient « envahissante », 57 %, « agressive », 53 %, « dangereuse » et 81 % estimaient qu’il y en a trop.

S’il est vrai que les associations ont beaucoup mobilisé et ont dû, d’une certaine manière, influencer les résultats, rien n’empêchait les professionnels de mobiliser leurs salariés et leur entourage, ce que certains ont d’ailleurs fait au regard des quelques avis favorables. Pour un secteur qui se targue de créer tant d’emplois26, le sujet ne semble pas mobiliser les foules en son sein pour défendre « l’introduction de nouvelles technologies ».

Analyse de « l’effet R.A.P. » sur les résultats de la concertation

Notre association a beaucoup communiqué sur cette concertation et ses publications ont tourné hors de ses réseaux habituels, signe que les écrans numériques publicitaires dans l’espace public sont un sujet qui inquiète au-delà du milieu « antipub ». Ainsi, plusieurs messages se ressemblent avec des arguments qui sont recopiés de notre article qui appelait à participer27 ou de l’affiche que nous avons élaborée pour faire la publicité de la concertation28.

Nous avons constaté 87 contributions (3,9 %) qui étaient des « copiés-collés » de notre article, dont 79 qui ajoutaient un message personnel, soit, seulement 8 « copiés-collés » sans personnalisation.

Plus de 2000 contributions, une participation qui a du sens

On nous objectera certainement que 2000 contributions ne représentent pas « l’ensemble des Parisiens et des Parisiennes »29. Certes. Mais répétons-le, encore eût-il fallu qu’elles et ils soient prévenu.e.s de cette consultation. De plus, l’effet « feuille blanche » est fortement rebutant. Si tout le monde peut avoir un avis sur la question, tout le monde n’a en revanche pas les capacités pour l’exposer dans le cadre de ce genre d’exercice. D’autant que les coutumes de la participation citoyenne en ligne vont plutôt vers le « clic facile » (pétitions, boutons « j’aime »…), qui demande un engagement moins fort. Nous imaginons volontiers que nombre d’internautes, face à l’interface de la concertation, ont fermé prestement la fenêtre pour aller butiner ailleurs (et nous les comprenons).

Par comparaison, la dernière concertation, qui était sur le même mode « feuille blanche », sur un tel sujet (décret « Grenelle ») avait recueilli 7000 avis30, en précisant que le sujet était national et que le ministère avouait que la participation avait été massive31 (sans qu’il juge nécessaire pour autant de la prendre en compte, mais c’est une autre histoire).

À l’inverse, une pétition, nationale encore une fois, avait recueilli 60 000 signatures contre le « décret Macron » en 201632 (ce qui avait permis de limiter la casse cette fois-ci).

Et dans un registre un peu similaire, la consultation « boîte à idée » de la RATP en 2016, dont la proposition la plus plébiscitée était d’interdire les écrans numériques publicitaires, avait recueilli 7000 « j’aime »33 (et ça ne l’avait pas empêchée de poursuivre34 sa dynamique numérique, mais c’est encore une autre histoire).

Preuve, s’il en était besoin, que les consultations avec du « clic facile » voient leur taux de participation augmenter, ce qui donne d’autant plus de poids aux contributions que ces personnes ont pris le temps de rédiger.

Dans ces conditions, on peut affirmer que plus de 2000 contributions représentent une participation suffisamment forte pour qu’elles soient au moins entendues et prises en compte par la Mairie. Elle pourrait s’appuyer sur cette concertation pour imaginer une politique de la ville apaisée où règne la sobriété publicitaire, et ainsi montrer l’exemple, comme le suggèrent un certain nombre de contributions.


Notes

1Les observations ne sont plus en ligne, mais on peut encore accéder au dossier qui accompagnait la concertation. Edit du 30 juin 2018 :  les observations ont été remises en ligne. On pourra les consulter à cette adresse.

2 – On trouvera le Règlement local de publicité actuel à cette adresse.

3Communiqué de R.A.P.-Paris du 03/05/2018.

5 – Théâtre du Châtelet, Église Saint Eustache, Église Saint Augustin, Madeleine…

7 – Article E 2.7.1 (établissements culturels) et E 2.7.3 (établissements cinématographiques) du RLP.

8 – Et pour ce qui est du café culturel EP7, il est à noter qu’il est à deux rues du service de la Mairie… en charge du respect du RLP !

10 – Lire notre dossier à ce sujet.

12Écrans publicitaires dans le métro, le retour, Les Inrocks, 04/05/2010.

13 – Signalétique du type « Souriez, vous êtes filmés » mais en ajoutant, par exemple « …pour nous permettre de mieux vendre votre temps de cerveau disponible ».

15 – Respectivement, les articles P1.7 et E1.4 du RLP.

17 – Lire le feuilleton qui nous a permis d’en arriver là. Un bouton « lire la suite » permet d’accéder aux articles suivants.

18 – Celui-là même qui encadre ce qu’il est possible de faire avec un RLP.

19 – Il pourra continuer à promouvoir les marchands du Temple en toute quiétude.

20Chrétiens contre la pub, 25/03/2018.

21 – Ce que du reste nous ne revendiquons pas.

22 – Et leurs contributions sont parfaitement légitimes. Nous nous étonnons même plus bas de leur faible nombre.

23 – Autre que R.A.P.

24 – Ni sur son site internet, ni sur ses nouveaux panneaux numériques « journaux électroniques d’information », ni sur les réseaux sociaux…

26 – En 2011, le secteur en annonçait 15 000, directs et indirects, pour toute la France.

28 – Lire le compte rendu de notre action du 15 avril 2018.

29 – Nous avons, à ce propos, pu repérer 23 contributions qui n’émanaient pas de personnes habitant Paris, soit environ 1 % du total.

31 – Voir à ce sujet le témoignage de ce fonctionnaire du ministère de l’environnement en 2012, lors du Grenelle de l’environnement, dans cette émission d’Arrêt sur images [abonnement].