À la veille de l’élection présidentielle, voici notre analyse des positions publicitaires des différents candidat.e.s à partir de leurs programmes et d’autres sources (votes du candidat ou du parti, Pubomètre 2012, Régionales 2015, déclarations récentes, …)
Nos analyses ne portent que sur le volet publicitaire du programme des candidat.e.s, et pas sur la totalité de leurs propositions. Indépendante de toute tendance politique, notre association n’appelle à voter pour aucun parti ni aucun.e candidat.e en particulier. Nous assumons néanmoins la subjectivité de notre grille d’analyse, en fonction de notre histoire avec les candidat.e.s et les partis qu’elle ou ils représentent.
Comme à chaque élection, notre association ne souhaitant pas faire de publicité aux groupuscules d’extrême-droite, il manque une candidate officielle à cet exposé. Il ne s’agit pas d’un oubli.
Changer d’abord le capitalisme
Dans sa réponse à notre Pubomètre 2012, Nathalie Arthaud trouvait la publicité « omniprésente », dénonçait le fait qu’elle pousse à la consommation et au renouvellement de produits devenant chroniquement obsolètes par « la création de modes artificielles ». Elle proposait alors de remplacer la publicité « agressive et envahissante » par un système « d’information sur les produits disponibles et leurs qualité ». Nous partagions alors son diagnostic mais nous interrogions sur les détails de ce système d’information et sur son applicabilité.
Depuis cette réponse, elle a dénoncé la publicité dans le cadre de la participation de Paris au Jeux Olympiques 2024, ainsi que les régressions récentes en matière de loi Évin.
On ne peut assurément pas dire que Nathalie Arthaud et Lutte Ouvrière portent le système publicitaire actuel dans leur cœur, la publicité étant un pilier du système capitaliste que le parti veut changer. Néanmoins la question de la publicité ne semble pas être une préoccupation majeure dans leur programme qui ne contient aucune proposition à ce sujet.
François Asselineau
Une volonté de libérer la presse, mais à part ça…
L’UPR Île-de-France avait répondu à notre questionnaire pour les Régionales 2015. Les réponses à nos questions concernant la place de la publicité dans les transports en commun ou les lycées correspondaient dans l’ensemble à nos revendications : réduction du nombre de supports publicitaires, interdiction des écrans numériques dans l’espace public, création d’un comité indépendant pour juger des contenus, opposition au financement des services publics, et notamment de l’école, par la publicité ou contre le nommage des lieux culturels ou sportifs…
Nous ne pouvons pas affirmer que cette réponse reflète officiellement les positions de l’UPR, étant donné qu’à part cette réponse faite en 2015, nous n’avons pas entendu François Asselineau ou son parti parler du système publicitaire dans ses prises de position. Néanmoins, dans son programme, le candidat propose de limiter l’ampleur des financements publicitaires dans le cadre d’une loi anti-concentration pour les médias, ce qui est un signe que le candidat s’intéresse au sujet de l’influence que peuvent avoir les multinationales sur la liberté de la presse.
Peu de propositions dans son programme
Jacques Cheminade avait répondu à notre Pubomètre 2012. Dans l’ensemble, il était d’accord avec nos diagnostics et préconisations (suppression de la publicité sur les services publics audiovisuels, contrôle des contenus par une autorité indépendante, respect de l’autocollant Stop Pub sur les boîtes aux lettres, importance de la liberté de réception, pour n’en citer que quelques-uns). Il s’opposait aussi à la « surconsommation d’objets inutiles » et dénonçait le « rachat plus ou moins contraint » auquel pousse la publicité.
Il semble donc que Jacques Cheminade a, ou en tout cas, avait, des aspirations à une remise en cause du système publicitaire actuel. Néanmoins, cela ne se ressent que peu dans son programme qui ne propose qu’une interdiction de la publicité sexiste. Si cette mesure est certes absolument nécessaire (mais demanderait d’organiser son applicabilité), nous restons un peu sur notre faim sur des sujets qui font moins l’unanimité que celui du sexisme dans la publicité.
Nicolas Dupont-Aignan
Défense du paysage, mais sans plus
On ne peut pas retirer à Nicolas Dupont-Aignan le fait de montrer une certaine sensibilité à la question de l’invasion publicitaire dans l’espace public. Il est notamment le maire qui a fait adopter dans sa ville, Yerres, un Règlement local de publicité qui est l’un des plus restrictifs à notre connaissance. Même s’il reste très timide de notre point de vue, ce RLP montre que Nicolas Dupont-Aignan est attaché à la défense du paysage contre l’invasion publicitaire, mais plutôt pour des considérations paysagères et esthétiques, qui laissent de côté les questions posées par les autres formes de pollution (énergétique, mentale, sociale) du système publicitaire. Dans sa réponse à notre Pubomètre 2012, il expliquait que « l’invasion publicitaire […] se devrait d’être modérée » (sic). Nous avouons ne pas bien saisir la forme que pourrait prendre une telle “invasion modérée”.
Dans son programme, le candidat propose d’interdire les panneaux publicitaires dans les petites villes et les villages, ce qui montre une certaine volonté de réguler la publicité dans l’espace public, mais, pour le reste du système publicitaire et de ses dérives démocratiques, il reste bien silencieux.
Le candidat du système publicitaire
Le candidat François Fillon s’exprime peu sur la publicité. Il était néanmoins Premier ministre lors du Grenelle de l’environnement et a, en tant que tel, signé le décret du 30 janvier 2012, lequel a normalisé les écrans numériques, autorisé les bâches publicitaires, légalisé le micro affichage, le tout, dicté par JCDecaux, ainsi que l’avait révélé Le Canard enchaîné* et @rrêt sur images, en perpétuant les dérogations pour son activité principale, le mobilier urbain. Pour le gouvernement Fillon, le texte issu du « Grenelle du paysage » était « équilibré », puisqu’on avait daigné inviter les associations écologistes (dont R.A.P.) à participer aux réunions de « concertation », mais sans retenir leurs recommandations.
Avec un tel candidat au pouvoir, nous sommes à peu près certains de ne voir aucune avancée en termes d’affichage extérieur. Le seul point dans son programme qui aborde la publicité propose de reverser la moitié des recettes des bâches publicitaires sur les monuments historiques à la Fondation du Patrimoine pour « renforcer ses moyens ». Or, les bâches publicitaires sont déjà un moyen peu efficace de financer les rénovations des travaux des monuments. Qu’en serait-il si la moitié des recettes devait être reversées à un organisme tiers, si utile soit ce dernier ? Ce seul exemple montre la faible volonté politique de François Fillon pour rénover le système publicitaire.
Sans qu’il ne se soit expressément exprimé ces sujets, on peut cependant affirmer que François Fillon n’est pas le candidat de la lutte contre la surconsommation véhiculée par la publicité, ni celui d’une limitation des innovations technologiques publicitaires, autant de « freins à la croissance », et encore moins celui d’une remise en cause du système publicitaire dans son ensemble. Bien au contraire.
* 1er juin 2011 « Ça vole bâche »
Le plus difficile à cerner
Benoît Hamon est peut-être le candidat le plus difficile à juger dans notre analyse : il porte la voix du Parti Socialiste, mais en tant que « frondeur ». Nous ne savons donc pas si nous avons affaire au candidat Benoît Hamon qui explique que « le productivisme mène à la catastrophe » et qui serait donc naturellement prompt à limiter les activités publicitaires qui incitent à la surconsommation, ou au candidat du PS, le parti qui cherchait à faire des cadeaux aux afficheurs, qui a laissé les bâches publicitaires sur les monuments se multiplier, ou encore qui se positionnait contre la mesure, pourtant consensuelle, d’interdiction de la publicité dans les programmes jeunesse de l’audiovisuel public.
Quand il était au gouvernement, Benoît Hamon a impulsé, en tant que ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation, une loi qui porte son nom. Cette loi a créé la liste Bloctel qui est une certaine avancée en matière de démarchage téléphonique. Mais outre le fait que la liste Bloctel semble pour l’instant, au vu des études, assez peu efficace, la loi Hamon n’a pas retenu l’amendement du groupe écologiste qui proposait d’inverser la logique et de créer une liste « Oui pub » permettant de signifier positivement son consentement, plutôt que de partir du principe que le consentement est accordé par défaut, ce qui aurait constitué une réelle avancée pour le principe de liberté de réception. Par ailleurs, lors des débats sur cette loi, Benoît Hamon s’est dit défavorable à l’interdiction des écrans publicitaires numériques, et défavorable à l’obligation de respecter l’autocollant « Stop Pub » sur les boîtes aux lettres (lire notre analyse de l’époque).
Le candidat officiel du PS est d’autant plus difficile à juger qu’il est soutenu par Europe Écologie Les Verts dont le candidat Yannick Jadot s’est désisté pour Benoît Hamon. Or, si EÉLV soutient généralement nos revendications (comme en 2012 par exemple), rien n’est dit au sujet de la publicité dans l’accord qui les lie. Nous ne pouvons pas estimer à quel point le parti écologiste pèserait sur un éventuel « quinquennat Hamon », et notre crainte est que la frange du Parti Socialiste que l’on a connu ces cinq dernières années, plutôt favorable à l’industrie publicitaire, ne reprenne la main après l’élection.
Dans son programme, il est fait mention d’un « grand plan contre le sexisme dans les médias, les publicités et sur Internet », ce qui est une bonne chose… mais qui est plus ou moins revendiquée par tous les partis en place depuis plus de vingt ans et dont les effets tardent à venir. Nous sommes donc avides de propositions plus concrètes à ce sujet, pour enfin faire cesser le fléau du publisexisme. Benoît Hamon propose aussi d’ouvrir « un débat sur l’éventuelle suppression des recettes publicitaires en journée sur France Télévisions ». Si la question a le mérite d’être posée, nous aimerions être assurés de la réelle volonté politique du candidat.
Cependant, au vu de ses positions sur le reste des sujets, de l’urgence climatique à sa sensibilité à un « futur désirable », et du fait qu’il ait été « frondeur » à la politique du quinquennat Hollande, au pont de démissionner du gouvernement, nous pouvons espérer de Benoît Hamon une écoute bienveillante de nos recommandations pour ré-inventer le système publicitaire.
Le plus silencieux
Jean Lassalle est un candidat pour le moins obscur pour notre analyse. Nous n’avons pas réussi à trouver de déclarations de sa part sur le sujet de la publicité. Dans son programme, il propose d’éviter la publicité dans les émissions pour les enfants sur le service public, ce qui fait de lui l’un des candidats qui s’engagent à appliquer la loi qui a été votée en décembre dernier. Nous ne pouvons donc pas en dire grand chose, si ce n’est que le système publicitaire ne fait pas vraiment partie de ses préoccupations.
Le candidat de la continuité
Si nous pouvons avoir quelques doutes sur le candidat officiel du PS, Benoît Hamon, nous ne pouvons pas, en revanche, en avoir sur le candidat d’En marche, qui est le candidat officieux de ce parti, ou en tout cas de sa frange la plus amie de la finance, au regard de ses soutiens « socialistes » et au-delà. En tant qu’ancien secrétaire adjoint du cabinet de l’Élysée puis ancien ministre de l’Économie, il incarne le candidat de la continuité de la politique conduite depuis cinq ans, sans les gardes-fous des valeurs que peuvent représenter le Parti Socialiste historique. Emmanuel Macron a donné son nom a une loi « pour la croissance et l’activité », qui est une loi fourre-tout, légiférant aussi bien sur le travail du dimanche, l’enfouissement de déchets nucléaires, le transport, les notaires et huissiers, que sur la publicité. Or, cette loi est passée grâce à l’article 49.3 de la Constitution. Elle a notamment permis d’autoriser des affichages publicitaires géants sur les stades sportifs de plus de 15000 places, sans aucun débat contradictoire au Parlement. Qui plus est, dans les décrets d’application, le gouvernement entendait accorder aux afficheurs des cadeaux substantiels, non prévus initialement par ladite loi. Sans l’intervention des associations, on aurait pu renommer la loi Macron « loi JCDecaux », tant les articles du décret répondaient à des demandes de longue date de l’industrie de l’affichage extérieur.
Dans son programme, nous n’avons trouvé qu’une référence à la publicité. Il s’agirait, selon le candidat, dans son volet « culture », de « simplifier la réglementation audiovisuelle en matière de publicité, de financement et de diffusion, pour lever les freins à la croissance de la production et de la diffusion audiovisuelles et préparer le basculement numérique, tout en préservant la diversité culturelle. » Nous notons donc la volonté de simplifier la réglementation qui reste fidèle à la doctrine du dernier quinquennat, quand bien même cette doctrine de façade a plus souvent amené, dans les faits, à complexifier la réglementation en matière d’affichage extérieur qu’autre chose. Sa volonté de vouloir lever « les freins à la croissance » ne peut objectivement pas nous faire espérer une écoute attentive de nos revendications.
Jean Luc Mélenchon
La lutte contre l’agression publicitaire au programme
De loin, le programme de Jean-Luc Mélenchon et de sa France Insoumise, est celui qui est le plus proche de nos revendications. C’est effectivement le seul qui comporte un volet entier consacré à la publicité, et plus précisément à la « lutte contre l’agression publicitaire et la marchandisation » , intention dont nous ne pouvons que nous féliciter au regard même du nom de notre association. Le candidat propose d’interdire la publicité commerciale dans les institutions publiques, interdire la publicité dans les programmes jeunesse sur toutes les chaînes, privées comme publiques, revenir sur les partenariats avec le secteur privé dans l’Éducation nationale et faire reculer l’affichage publicitaire. Étant donné ses réponses à notre questionnaire en 2012, on pourrait espérer voir apparaître la liberté de réception qui nous est si chère dans la constitution de la VIe République. Il s’était aussi prononcé en faveur d’une autorité administrative indépendante de contrôle des contenus publicitaires, contrôle actuellement laissé à l’autorégulation par les professionnels du secteur, avec les dérives que nous connaissons (sexisme, écoblanchiment, publicité trompeuse etc.). Il semblait aussi vouloir remettre à plat les règles d’affichage extérieur qui sont aujourd’hui écrites par et pour l’industrie publicitaire.
Au-delà du candidat, nous constatons que les élu.e.s du Parti de Gauche luttent effectivement contre l’agression publicitaire au quotidien. C’est le cas par exemple à Grenoble où la coalition PG/EÉLV a municipalisé ses affichages d’intérêt général en ne renouvelant pas son contrat avec JCDecaux. C’est le cas aussi à Paris où Danielle Simonnet est une des rares élues, avec le groupe écologiste, à se battre régulièrement contre les délibérations de l’exécutif parisien, qui est, lui, généralement très favorable au financement publicitaire.
Nous pouvons donc considérer qu’avec Jean-Luc Mélenchon et son mouvement, les revendications de notre association bénéficieraient d’une écoute tout à fait sérieuse et que nous pourrions compter sur une réelle volonté politique pour repenser le système publicitaire dans son ensemble.
P
Le Nouveau Parti Anticapitaliste est le plus radical : dénonçant l’incitation permanente à renouveler « des objets qui fonctionnent parfaitement », il propose une interdiction totale de la publicité dans son programme. Si nous comprenons la volonté d’une telle interdiction, étant donné ce que le système publicitaire nous fait subir depuis des décennies, nous sommes en revanche plus mesurés, partant du principe que la publicité, fait de rendre publique une information, demeure un moyen d’expression légitime dès lors qu’elle est encadrée de façon satisfaisante, mais que le système doit être repensé pour favoriser la libre expression des idées, des opinions, de l’art, mais aussi du commerce, notamment pour les plus petites entreprises qui sont aujourd’hui noyées sous la communication des multinationales.
En 2012, le NPA avait répondu à notre Pubomètre, et il avait intégré ses réponses, qui allaient dans l’ensemble dans le sens de nos revendications, à son programme.
Philippe Poutou a beaucoup fait parler de lui et de son « immunité ouvrière ». Les militant.e.s antipub ne peuvent que rejoindre ses déclarations, car elles et eux aussi ne bénéficient d’aucune « immunité publicitaire » et assument leur désobéissance et se rendent aux convocations judiciaires, alors que les entreprises d’affichage qui ne respectent pas le code de l’environnement ne sont que rarement inquiétées.